Adaptée du film culte de 2004 signé Tina Fey, lui-même inspiré du livre Queen Bees and Wannabes (2002), la comédie musicale Mean Girls fait escale à Montréal pour quelques représentations exceptionnelles en cette fin avril, dans le cadre de sa tournée nord-américaine. Créée à Broadway en 2018 et interrompue brutalement en 2020 à cause de la pandémie, elle connaît une nouvelle vie, entre une version revisitée qui triomphe à Londres depuis juin 2024, une nouvelle adaptation cinématographique la même année et cette tournée qui revient aux sources du spectacle original.
Une histoire tout aussi populaire - mais pas révolutionnaire
Ah, la popularité au lycée ! C’est le nerf de la guerre dans Mean Girls, qui explore avec mordant les codes sociaux impitoyables de l’adolescence. Ce thème, usé à la corde au cinéma comme sur scène, ne cesse de fasciner.
Dans cette histoire, on suit Cady Heron, une adolescente jusque-là scolarisée à la maison en Afrique, qui découvre le tumulte d’un lycée américain pour la première fois. Très vite, elle prend conscience de la hiérarchie féroce qui règne dans les couloirs de l’école et tombe dans les filets des Plastics, un trio de filles aussi populaires que toxiques, dirigées par la redoutable Regina George. Ce qui commence comme une mission d’infiltration pour les ridiculiser devient peu à peu une transformation inquiétante : Cady commence elle-même à ressembler à celles qu’elle cherchait à combattre.

Après des œuvres comme Heathers ou Clueless, qui abordaient déjà les jeux de pouvoir entre ados, le scénario de Mean Girls n’a rien de révolutionnaire en soi. L’intrigue, prévisible, s’appuie sur des archétypes bien connus, mais heureusement, l’humour grinçant, certaines répliques devenues cultes ainsi que la mise en scène inventive – notamment avec l’usage ingénieux des décors mobiles – parviennent à faire décoller l’ensemble. Les bureaux d’élèves qui pivotent sur eux-mêmes ou encore les tables de cafétéria qui se déplacent créent une impression de fluidité, presque cinématographique, qui maintient l’attention du spectateur.

Les artistes, visiblement investis dans leurs rôles, se donnent à fond pour rendre justice à cette œuvre très appréciée auprès d’un certain public. Ce sont toutefois les seconds rôles qui se font le plus remarquer, en particulier le duo Janis/Damian incarné avec énergie et complicité par Alexys Morera et Joshua Morrisey. Mention spéciale également à Madeline Kendall, qui a remplacé Kristen Amanda Smith dans le rôle de Gretchen le soir de la première. Elle réussit à livrer un personnage à la fois drôle et touchant, apportant une nuance bienvenue à cette caricature de la suiveuse anxieuse.
Une adaptation modernisée
Même si l’adaptation scénique de Mean Girls tente de moderniser un récit bien connu, elle donne l’impression de rejouer une partition qu’on connaît déjà un peu trop bien et qui laisse sur sa faim. Les thèmes de l’identité, de l’appartenance et de la recherche de soi sont bien présents — en témoignent des numéros comme « Where Do You Belong? », « What’s Wrong with Me? » ou « I’d Rather Be Me » qui abordent ces enjeux de manière plus directe. L’omniprésence des réseaux sociaux et les dangers qui y sont liés ont également été intégrés à la pièce pour l’actualiser, notamment à travers le morceau « Stop ».

Mais ce qui fait défaut à la comédie musicale, c’est l’absence d’un vrai moment de bascule émotionnelle, ce genre de scène qui suspend le temps et bouleverse vraiment l’audience. Le spectacle aurait gagné à offrir une ballade plus sincère, plus dépouillée, capable de traduire la prise de conscience intérieure du personnage principal. Or, malgré son énergie et ses touches d’humour, Mean Girls reste en surface, enchaînant les tableaux sans jamais vraiment creuser ses émotions.
Aussi, bien que le public soit de tous âges, il est difficile pour les adultes de s’investir pleinement dans une intrigue si centrée sur l’adolescence. Les préoccupations et rivalités mises en scène ne proposent pas un second niveau de lecture suffisamment riche pour captiver durablement les spectateurs plus matures. À l’inverse de Wicked, qui rend les thèmes similaires – comme l’intimidation, l’amitié ou la quête d’acceptation – intemporels, Mean Girls ne parvient pas à toucher des cordes sensibles qui pourraient faire écho à des expériences humaines plus larges.

Cela dit, le spectacle a le mérite de poser certaines questions, même si c’est dans un esprit résolument léger. Mean Girls reste avant tout un divertissement accessible, idéal pour passer un bon moment sans trop se prendre au sérieux, surtout si l’on accepte de se laisser porter par son univers acidulé.