Créé au Festival d’Avignon en 2019, Nos Années Parallèles est une histoire vraie : celle de Stéphane Corbin qui, tout juste âgé de 23 ans, a perdu sa mère des suites d’un cancer. Il nous raconte cette part d’intimité au travers d’une pièce musicale à la fois drôle et tendre, triste et émouvante, et qui touche directement au cœur.
Ce qui frappe tout d’abord dans Nos Années Parallèles, c’est la force de vie qui s’en dégage malgré le thème lourd abordé : celui du deuil. L’histoire raconte en effet celle d’un jeune homme de 23 ans qui tente de se reconstruire après le décès de sa mère, atteinte d’un cancer. La pièce propose ainsi un dialogue entre les deux personnages qui se remémorent leurs souvenirs heureux, leurs disputes et leurs conversations, avec l’idée sous-jacente que les disparus ne nous quittent jamais vraiment. Ensemble, ils chantent, rient et pleurent en revenant sur ce passé révolu. Le tout est raconté avec tendresse, presque avec légèreté.
Entre rires et larmes
Cette histoire, c’est celle de Stéphane Corbin, qu’il avait déjà racontée dans son roman autobiographique publié en 2017 et qui avait été auréolé du Prix Découverte du roman gay en 2018. C’est en 2019, au Festival d’Avignon, qu’elle a pris vie sur scène pour la première fois. C’est parce qu’il avait « peur d’oublier » que l’auteur dit s’être lancé dans le récit de cet « hymne à la vie », comme une manière de prolonger la mémoire de sa mère. Il est ici accompagné pour la mise en scène par Virginie Lemoine, déjà à l’œuvre pour celle de 31 au Studio des Champs-Élysées en 2017.
En guise de décor, un fauteuil en cuir, une lampe et des livres posés sur un petit meuble à tiroirs, un piano et un grand escabeau. Un cadre sobre, à l’image de la mise en scène : nous avons d’un côté la mère, incarnée par Valérie Zaccomer (Un Violon sur le Toit ; 31), immobile sur son fauteuil pendant toute la pièce avant qu’elle ne le quitte finalement pour s’élever, au sens propre comme au figuré, une fois le travail de deuil de son fils achevé. Celui-ci est joué par Alexandre Faitrouni (Le Roi Lion ; Smile ; Grease ; La Belle et la Bête et tant d’autres), qui habite toute la scène au gré des récits et des souvenirs. Les deux interprètes sont toujours sur le fil entre le rire et les larmes, touchants de sincérité dans leur jeu. Alexandre Faitrouni incarne tour à tour et avec brio l’enfant espiègle, l’adolescent rebelle, puis le jeune adulte en proie au deuil et à la perte de la figure maternelle… Valérie Zaccomer, elle, joue une partition toute en douceur en mère attendrie par son fils et perdue à l’annonce de sa maladie.
Deuil et tolérance
Derrière le récit du deuil, il y a aussi de manière très subtile celui de la tolérance et de l’acceptation de soi. Un thème cher à Stéphane Corbin, qui est d’ailleurs également à l’initiative du collectif Les Funambules ayant pour objet la lutte contre l’homophobie. Le personnage incarné par Alexandre Faitrouni déroule le fil de ses souvenirs jusqu’à la découverte de son amour pour les garçons, et les réactions maternelles touchantes qui en découlent sont abordées avec sincérité et humanité.
Côté musique, les deux interprètes sont accompagnés au piano par Stéphane Corbin lui-même. Là encore, ce sont la douceur et l’émotion qui prédominent au travers de morceaux simples et mettant en valeur l’accord des voix de Valérie Zaccomer et Alexandre Faitrouni. On pourrait regretter qu’aucun d’entre eux ne se détache totalement de l’ensemble, mais on se laisse bercer et tout s’harmonise finalement avec l’histoire racontée et la sobriété des propos.
Nos Années Parallèles est donc un spectacle musical touchant et délicat, qui réussit le pari de ne jamais sombrer dans le pathos malgré son thème difficile. Lorsque les lumières se rallument dans la salle, on est rassurés de voir que nous ne sommes pas seuls à sortir les joues humides, mais le sourire aux lèvres. Provoquer le rire à travers les larmes, voilà le pari très réussi de ce spectacle à découvrir au Théâtre des Mathurins jusqu’au 6 janvier prochain.