Une sortie sur le plateau de Saclay a été l’occasion de découvrir une pièce de théâtre musical bouleversante, qui arrivera cet hiver à Paris au Théâtre Ouvert.
Une fresque humaine et écologique
Nous étions la forêt raconte une tranche de vie d’un village au bord d’une belle forêt. Dans ce village débarque un couple fraichement arrivé, qui fuit la grande ville pour se mettre au vert. Ils font la rencontre d’un garde forestier qui passe ses journées dans les bois, d’une arboriste qui soigne les arbres, d’une ornithologue qui enquête sur la disparition des oiseaux, et d’une aide-soignante au grand cœur. La forêt occupe une place essentielle dans la vie de tous ces habitants et l’annonce d’une menace qui place sur elle va tout changer. Il faut dire qu’un tel sujet prend un sens tout particulier lorsqu’il est présenté dans le quartier de Saclay, fortement critiqué pour avoir bétonné des plaines agricoles fertiles.
Nous étions la forêt est une fresque humaine, écologique et musicale, un projet surprenant imaginé dans deux configurations : une en intérieur et une en extérieur. La version découverte à la Scène de Recherche du plateau de Saclay aurait dû être celle en extérieur. Cependant, les conditions météorologiques ont nécessité qu’une grande partie de la pièce se tienne en intérieur, sans décor. Cela n’a cependant pas empêché le spectacle de commencer dehors : le public est invité à une fête des voisins, un verre de cidre à la main, il fait la rencontre des habitants du village. Quel dommage que la pluie ne nous ait pas permis de vivre tout le spectacle en plein air, car cela lui donne une autre dimension !
Un texte riche et juste
Ils sont six acteurs à porter le texte magnifique écrit par Agathe Charnet. Parmi eux, on sent ceux qui viennent du théâtre et ceux plus habitués au chant car ils n’ont pas tous la même justesse dans l’un ou l’autre art. Leurs maladresses n’empêchent pourtant pas l’histoire de prendre l’ampleur qu’elle mérite.
Ce spectacle a la force de ses mots, intelligents, justes et drôles, autant dans les dialogues que les chansons. Il parvient à toucher le spectateur en plein cœur, à lui inspirer des sensations et des sentiments qu’il n’aurait pas imaginés. On ressort les larmes aux yeux, chaviré de l’intérieur.
Dans le théâtre musical, le chant prend le relais lorsque le parler ne suffit plus. Il est vecteur d’émotions. Et c’est bien le cas ici : les chansons éclosent régulièrement au cours du spectacle, mêlant reprises et morceaux originaux. Porteuses d’humour ou de délicatesse, de feu ou de souffrance, elles permettent de maintenir un délicat équilibre dans le propos, lui évitant l’écueil du pathos ou de la culpabilisation. On se souviendra notamment du réjouissant « C’est notre projet » entonné par le couple de citadins à son arrivée au village, de l’hilarant numéro « Soliscope » et de l’éruptif rap de Fred. Davantage de chansons n’aurait d’ailleurs pas été de refus pour accentuer l’efficacité de certains passages.
D’une grande humanité, Nous étions la forêt fait résonner les préoccupations du quotidien et des enjeux qui nous dépassent tous, en restant à l’échelle d’habitants qui parlent avec nous, vivent avec nous et nous reflètent. Malgré la gravité du sujet abordé, le spectacle regorge de passages pétillants, décrivant avec justesse et humour l’absurdité de nos quotidiens. Nous étions la forêt est un spectacle que ne sont pas prêts d’oublier ceux qui l’ont vu.