Avec Ô mon bel inconnu, entrez dans une boutique de chapeaux haute en couleur pour un spectacle drôle et rafraichissant !
Un Vaudeville musical méconnu des années 1930
Pendant les années 1930, alors que les États-Unis se délectent des airs de George Gershwin et Cole Porter, la France se passionne, elle aussi, pour les comédies musicales ! Ô mon bel inconnu est présenté au public en 1933. Ce spectacle, écrit par Sacha Guitry et composé par Reynaldo Hahn, s’inscrit dans la tradition française de l’opérette.
On doit ce retour de Ô mon bel inconnu sur la scène française au Palazzetto Bru Zane, Centre de Musique Romantique Française qui remet en lumière depuis quelques années les compositions de ce musicien oublié.
Ô mon bel inconnu raconte l’histoire d’une famille bourgeoise de chapeliers. Le père Prosper (Marc Labonnette), la mère Antoinette (Clémence Tilquin), la fille Marie-Anne (Sheva Tehoval) et la bonne Félicie (Émeline Bayart) passent leur temps à se chamailler. L’atmosphère en devient si invivable que chacun cherche un échappatoire. Prosper décide de prendre une maîtresse et, pour la trouver publie une petite annonce anonyme dans le journal. Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il reçoit, en réponse, des lettres d’amour de sa femme et de sa fille ! Il décide alors de leur jouer un tour. Entre les visites de l’ami muet et des clients un peu trop entreprenants, les quiproquos s’enchaînent.
Merveille pour les yeux et les oreilles
Le rideau se lève sur le superbe décor d’une maison bourgeoise, qui se transforme, par un habile jeu de panneaux, en boutique bariolée de chapeaux. Les costumes s’intègrent magnifiquement à cette scénographie tout en bleu canard et couleurs chaudes. Un univers visuel digne d’un beau livre d’image que l’on doit à Anne-Sophie Grac.
Sur scène, sept comédiens et comédiennes campent fièrement les propriétaires de la boutique et ses clients réguliers : le « jeune homme aux quat’ chapeaux » et l’acheteur compulsif de chapeaux melon.
Les rôles semblent découpés sur mesure pour chaque interprète et chaque voix : de l’innocence en quête d’émancipation de Sheval Tehoval, au père, joué par Marc Labonnette, qui cherche par tous moyens (et parfois ridicules) à reconquérir son autorité bafouée. Mère, fille et bonne nous enchantent sur l’air titre du spectacle : « Ô mon bel inconnu », une rêverie pleine de lyrisme de trois femmes amoureuses.
Bonne humeur et rires francs
Les ressors comiques de ce spectacle reposent indéniablement sur deux personnages : « ce bon Lallumette », l’ami muet de la famille qui, communique à merveille sans prononcer un seul mot, joué par le talentueux Carl Ghazarossian. Et Félicie, la bonne, incarnée magnifiquement par Émeline Bayart. Elle reprend avec brio le rôle créé par Arletty. Chacune de ses apparitions apporte un nouveau souffle au spectacle et sa recherche désespérée de la chalcographie du Louvre donne lieu à un numéro hilarant qui mérite le coup d’œil.
Si ce spectacle est qualifié de comédie musicale et non d’opérette, c’est certainement en raison de l’importance des dialogues. Les chansons qui émaillent le spectacle s’intercalent entre de longs échanges parlés. Pourtant, l’orchestre est bien présent. Mené par la baguette de Samuel Jean, l’Orchestre des Frivolités Parisiennes (Cole Porter in Paris) accompagne tout le spectacle de ses mélodies aux couleurs début de siècle parisien.
Bons mots et maladresse
Écrit dans les années 1930, ce livret autour de l’image d’un homme qui veut réaffirmer son autorité de père de famille a un peu vieilli. Pourtant, si on accepte de le replacer dans son époque, ce côté suranné se révèle aussi plaisant qu’un film de Busby Berkeley. Signés Sacha Guitry, les jeux de mots qui émaillent le texte sont délicieux. Rien que pour ses paroles, la chanson « Partons », qui clôture le premier acte, gagne à être découverte !
Malheureusement, le jeu de la mère et la fille sonne faux à quelques reprises et principalement lorsqu’elles rejettent sans vraiment rejeter, de manière absurde, les avances proches du harcèlement des clients. Des scènes qui, malheureusement, sortent le public de l’intrigue car on verrait mal une femme, dans les années 1930 comme aujourd’hui, réagir de la sorte.
Léger et rafraichissant
Ce petit bémol mis à part, Ô mon bel inconnu est un spectacle magnifique dont certains tableaux demeurent en tête bien après la fin de la représentation.
À la sortie du théâtre, on peut entendre les spectateurs caractériser la pièce de plaisante, divertissante, rafraichissante et légère. Il faut dire que le public sourit et rit à de nombreuses reprises lors des performances. Aucun doute, Ô mon bel inconnu est un spectacle qui saura vous faire oublier vos soucis du quotidien !
Avec sa scénographie magnifique et ses bons mots, on peut se réjouir que cette œuvre soit sortie de l’oubli. Après ses représentations parisiennes, le spectacle s’en va désormais en tournée et nous ne pouvons que vous recommander d’aller le découvrir.