Après avoir mis en scène le malicieux Music-hall Colette, Léna Bréban présente cet hiver sa nouvelle création : l’adaptation de Peau d’homme en spectacle musical avec Laure Calamy dans le rôle-titre.
Entre fable de la Renaissance et conte contemporain
Tout le monde connaît Peau d’Âne, le conte de Charles Perrault sur cette jeune princesse qui, sur les conseils de sa marraine, fuit les avances de son père sous l’apparence d’une pauvresse vêtue de la peau d’un âne magique.
Revisitant le conte, Peau d’Homme est l’adaptation scénique de la bande dessinée d’Hubert et Zanzim. Dans une Renaissance fantasmée, ce spectacle raconte l’histoire de Bianca, une jeune femme dont les parents arrangent le mariage avec un homme qu’elle ne connaît pas. Inquiète et insatisfaite d’une telle décision, elle court demander conseil à sa marraine. Celle-ci lui propose de revêtir une peau d’homme pour connaître son futur époux « dans son milieu naturel ».



La révélation Calamy
Laure Calamy y interprète Bianca, le personnage principal avec une insouciance, une légèreté et une spontanéité délicieuse. Elle offre au public, avec générosité, l’histoire de cette jeune femme qui, en prenant l’apparence d’un homme, découvre la vie de l’autre sexe autant qu’elle découvre sa propre féminité et son propre désir. A travers cette fable initiatique, elle grandit et s’émancipe du rôle dans lequel sa famille et la société de son temps voudraient l’enfermer.
Ce spectacle a avant tout été présenté comme celui du retour à la scène de Laure Calamy. Sur scène, elle est virevoltante et apporte un air de fraicheur et de révolte bienvenu. Pourtant, elle n’est pas seule du tout sur scène. Entourée de sa marraine fantasque (Samira Sedira), de son frère fanatique (Vincent Vanhée), de sa mère résignée (Emmanuelle Rivière) et de ses amies frivoles (Aurore Streich et Regis Vallée), elle part à la découverte de son futur tumultueux mari (Valentin Rolland) jusque dans les fêtes nocturnes de libération et de travestissement chez un tavernier italien (Adrien Urso).

Un livret engagé pour l’amour et la liberté
Une des forces de ce spectacle réside dans son livret, directement adapté de la banse dessinée. Léna Bréban a su trouver le rythme adapté pour son passage sur scène et les deux heures passent sans laisser l’ennui s’installer. Construite comme une ode à l’amour et à la liberté dans un passé alternatif, cette fable nous renvoie les clichés et obstacles de notre époque présente. Peau d’homme se moque joyeusement des préjugés et stéréotypes des hommes et des femmes, et critique plus sérieusement le fanatisme et l’homophobie. Le ton adopté est résolument léger même si certains passages, empreints de gravités, rappellent l’actualité des propos.
La fin du spectacle arrive cependant trop brusquement et surprend. L’absence de Giovanni parti en voyage est balayée rapidement, mais son retour, au lieu d’ouvrir le chapitre d’une autre histoire, n’est qu’évoqué brièvement. Au lieu d’achever le spectacle dans une explosion joyeuse ou un récapitulatif de la fable qui vient d’être raconté, il s’achève sur un témoignage moralisateur intergénérationnel qui sort le spectateur de la formidable narration où il avait été embarqué.
Une dentelle d’écriture
La musique est signée Ben Mazué. Le talentueux auteur-interprète a écrit pour l’occasion des paroles ciselées. La force musicale réside davantage dans la richesse des mots que celles des mélodies. La plupart des chansons sont accompagnées d’un piano ou d’une guitare avec une grande simplicité qui permet aux mots de résonner avec plus de forces. Si la partition excelle dans ce registre intimiste, elle manque un peu de panache et d’envolées lyriques sur certains numéros d’ensemble, à l’image de la scène du carnaval qui se serait prêtée particulièrement bien à une éruption festive de musique et de danse.



Unité de lieu et simplicité du décor
Visuellement, la scénographie et les costumes présentent une image d’Épinal d’un palais fantasmé de la Renaissance italienne. Cette atmosphère imaginaire et irréelle permet d’éviter le piège de l’anachronisme : le spectacle n’a pas vocation à raconter une histoire qui aurait pu être, mais se situe du côté du merveilleux, où tout est possible. Léna Bréban a fait le choix de présenter la pièce dans une quasi-unité de lieu. Celle-ci n’est modifiée que par la position des statues ou la forme des portes. Cependant, une certaine lassitude visuelle nait sur la dernière partie du spectacle. Celle-ci est centrée autour du prêche du prêtre fanatique, assez statique et longue, perché sur un escabeau. Un changement de décor aurait été bienvenu pour rythmer cette séquence.
La meilleure trouvaille visuelle est certainement le laboratoire de la marraine figuré par un rideau couvert de lierre et un chariot recouvert d’objets biscornus et variés qui apportent immédiatement une teinte de magie pour cette relecture de conte de fée.
Spectacle drôle, burlesque, tendre et engagé, Peau d’Homme est une fable bienvenue, un véritable rayon de soleil dans l’hiver parisien dont il serait dommage de ne pas profiter !
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