Elles sont quatre, elles sont punkes et elles vous racontent leur histoire haute en couleur dans un superbe spectacle musical. Ne manquez pas PUNK.E.S ou comment nous ne sommes pas devenues célèbres à la Scala de Paris jusqu’au 6 avril.
Révolte, liberté et musique
Jamais deux sans trois dit le proverbe. Et cela se vérifie ici ! C’est le troisième spectacle de Justine Heynemann que nous découvrons cette année, et c’est un troisième coup de cœur. Après l’envoûtant Songe à la douceur dans la banlieue parisienne et l’extravagant Cookie sur les routes perdues des États-Unis, la metteuse en scène nous emmène dans les quartiers londoniens à la rencontre des Slits.
Les Slits sont un des premiers groupes de punk féminins, aujourd’hui moins connues que les célèbres Sex Pistols ou les Clash. Pour raconter leur histoire, Justine Heynemann et Rachel Arditi se placent à hauteur d’homme ou plutôt, à hauteur de femme. Elles présentent les quatre membres du groupe dans leurs singularités, leurs rêves, la recherche de leur identité et leurs difficultés propres. Il ne s’agit ni de raconter une légende enchantée hors sol, ni de dresser un biopic documentaire. Les quatre membres des Slits prennent ici corps pour vivre leur histoire sous nos yeux et se raconter les unes les autres.
Les Slits n'ont rien des filles typiques
Tout commence sur une scène plongée dans le noir, une à une, le spectateur rencontre les musiciennes, quatre jeunes femmes captivées par la figure de Patty Smith : Tessa Pollitt (Kim Verschueren) qui souffre d’avoir été larguée par sa petite amie pour un autre. Ari Up (Charlotte Avias), adolescente rebelle qui vit dans un cocon doré sous le regard de sa mère, Nora Forster (Rachel Arditi). Viv Albertine (Camille Timmerman), ouvrière dans une usine Ford, sauvée du harcèlement de son patron par Palmolive (Salomé Diénis Meulien), sa collègue anti-franquiste. Différentes origines, différentes expériences, différents combats, toutes les quatre se rencontreront pourtant dans des circonstances sur lesquelles le récit ne s’appesantit pas. Ensemble, elles forment les Slits (les « fentes » en français, avec le soutien de Nora Forster, et de Mick Jones (James Borniche), l’amant de Viviane, futur membre des Clash, qui l’a initiée au punk.
En quelques minutes, le spectateur est embarqué dans une tornade de révoltes, de rêves et de musique, et ne voit pas le temps passer. Les interprètes redoublent de talents, incarnant avec passion et énergie la complexité de leurs personnages, chacun.e est unique, chacun.e est magnifique. Et pour ne rien ôter au plaisir, toute la distribution est polyinstrumentiste, chante, danse et joue admirablement bien ! Depuis la tendre résolution de Camille Timmerman à la bouillonnante tempête Charlotte Avias, en passant par le mutisme douloureux de Kim Verschueren au besoin de revanche et de justice de Salomé Diénis Meulien, elles suscitent la sympathie par leur trop plein d’humanité.
Un spectacle à ne pas manquer !
À une distribution impeccable et un livret soigneusement ficelé, s’ajoutent une mise en scène et des décors d’une belle efficacité. Devant une structure métallique, des instruments et flight cases se répartissent de part et d’autre de la scène : les habiles jeux de lumières et accessoires suffisent à multiplier les ambiances, du port de Newcastle jusqu’aux rues londoniennes, mêlant intérieur et extérieur sans transition. Pourtant, ce qui parachève une telle atmosphère, ce sont les costumes. Tenues roses, noires, rouges, maquillage affirmé, coiffures soignées, nues ou vêtues de cuir ou de sacs poubelles, Camille Aït-Allouache et Julie Poulain sont parvenues à retranscrire l’esthétique punke, le désir de liberté et d’indépendance, d’autant plus important que les Slits sont le premier groupe de musique à avoir obtenu le contrôle total de leur image.
Musicalement, le spectacle nous emmène dans une véritable promenade du répertoire punk-rock des années 1970 : si le grand succès des Slits « Typical girls » y occupe une place de choix, il côtoie également d’autres tubes comme « Should I stay or should I go » des Clash, « Blitzkrieg Bob » des Ramones ou « I wanna be your dog » d’Iggy Pop. Toutes ces chansons ont été soigneusement arrangées par Julien Carton et sont interprétées, chant et musique, en direct par les interprètes.
Justine Heynemann nous offrent un superbe cadeau pour l’arrivée du printemps : une comédie musicale originale, riche, libre, efficace, drôle et touchante. Que vous soyez familier du répertoire punk ou non, rendez-vous à la Scala. Vous ne le regretterez pas !