Flashback dans les années 1980 en ce moment à Montréal. La comédie musicale Rock of Ages plonge la métropole dans les tubes bien-aimés de cette décennie culte. Après une série de représentations couronnées de succès à Québec et Trois-Rivières, c’est au tour du Théâtre St-Denis d’accueillir ce spectacle électrisant revampé à la sauce québécoise dans une mise en scène de Joël Legendre.
La musique avant l’intrigue
Énorme succès à Broadway, également adapté au cinéma en 2012, Rock of Ages raconte les déboires de la jeune Sherrie (Lunou Zucchini) qui débarque de son Kansas natal pour tenter sa chance à Hollywood. Elle y croise la route de Drew (Jordan Donoghue), un aspirant chanteur travaillant au mythique Bourbon Room. Si leur idylle sur fond de combat pour sauver ce mythique club de nuit de la démolition n’a rien de bien original, l’histoire n’est de toute façon qu’un prétexte pour mettre à l’avant la musique rock et glam metal des années 1980. L’intrigue devient en effet très vite secondaire, tant que les hits de Twisted Sister, Bon Jovi, Journey et REO Speedwagon résonnent à plein volume. Même s’ils ne sont joués qu’en partie, d’ailleurs avec des musiciens directement sur la scène et spécialement vêtus et coiffés pour l’occasion, les fans de cette décennie mémorable ne peuvent qu’avoir des frissons en réécoutant « Can’t Fight This Feeling », « The Final Countdown » ou « Don’t Stop Believin' ». Il faut dire qu’après ces dernières années de restrictions, se laisser imprégner par l’ambiance légère de cette époque fait un bien fou.
Faire rire sans choquer
Grand amateur de comédies musicales ayant lui-même joué dans plusieurs d’entre elles (Demain matin, Montréal m’attend ; Grease ; Cabaret, My Fair Lady…), Joël Legendre frappe dans le mille avec sa mise en scène rafraichissante et son livret revisité, même si Rock of Ages demeure un spectacle décalé en soi avec énormément de caricatures et d’humour sexiste. À l’ère de #metoo et de la parole libérée, c’est tout de même un pari de présenter un spectacle qui veut faire rire avec des blagues en dessous de la ceinture. Elles arrivent à passer sans trop choquer grâce aux avertissements du truculent personnage de Lonny (Tommy Joubert) qui brise le quatrième mur. Dès le début du spectacle, l’ami de Dennis (propriétaire du Bourbon Room), qui endosse aussi le rôle du narrateur, prévient le public que certains propos et comportements aujourd’hui inacceptables ne l’étaient pas à l’époque. Ces mises en garde aident à prendre du recul et à rester dans le second degré. Cependant, l’adaptation québécoise fort réussie d’Olivier Berthiaume va peut-être parfois trop loin avec des traductions malaisantes qu’on aurait pu éviter (Verge de Métal, Madame Plotte, etc.).
Une troupe qui fait corps
Hormis le duo vedette (Lunou Zucchini et Jordan Donoghue) au charisme et registre vocal impressionnants, parfaits pour rocker, Rémi Chassé est lui aussi très convaincant dans la peau du narcissique et arrogant Stacee Jaxx. Du bourru, mais attachant propriétaire du Bourbon Room joué par Manuel Tadros, à Régina, la militante acharnée interprétée par Joëlle Lanctôt (Mary Poppins), les rôles secondaires ne sont pas en reste. Mention toute particulière à Sharon James (Mamma Mia!) qui se distingue par sa voix incroyable et puissante, transmettant avec justesse l’émotion dans la peau de la tenancière du Venus Gentlemen’s Club. Au sein de cette troupe qui fait corps, les numéros les plus enlevants sont d’ailleurs ceux où tous les artistes chantent et dansent en chœur.
Une esthétique réussie
Pour reproduire l’atmosphère si particulière de ces années, cette version de Rock of Ages ne lésine pas sur les costumes et coiffures excentriques. Des écrans permettent de défier les limites de la scène, alors que des accessoires modulables facilitent les changements de décor. Appuyés par des éclairages flashy et des chorégraphies survoltées, ces éléments visuels ajoutent beaucoup de pétillant à cette comédie musicale qui se veut avant tout divertissante.
On y va pour passer un bon moment et rire un bon coup avec une pointe de nostalgie pour cette décennie qui continue de nous toucher, même si on oublie souvent qu’elle était loin d’être parfaite. On en retient finalement beaucoup de positif et l’envie de croire à ses rêves, quand bien même peuvent-ils changer en cours de route.
Crédit photo : Musicor Spectacles