Critique : « Starlight Express » au Troubadour Wembley Park de Londres

Temps de lecture approx. 6 min.

Après avoir séduit Londres il n’y a pas moins de 40 ans avec près de 7 500 représentations, la comédie musicale culte d’Andrew Lloyd Webber est enfin de retour dans une nouvelle version beaucoup plus moderne mais toujours sur rollers ! Un spectacle unique à bien des égards qui vous fera tourner la tête. À vos marques, prêts, roulez !

une histoire qui roule

La genèse de Starlight Express est assez fascinante quand on découvre les prémices du projet. Andrew Lloyd voulait adapter les livres Thomas The Tank Engine en série animée musicale mais le projet n’a finalement jamais abouti car la chaîne partenaire ne pensait pas le personnage suffisamment populaire pour toucher un public en dehors de l’Angleterre. Cela n’a pas arrêté notre cher Andrew qui entre temps composa l’inimitable Cats à la fin des années 70. En parallèle, le compositeur commençait déjà à travailler sur des chansons pour ce nouveau projet. Le metteur en scène Trevor Nunn, avec qui Andrew avait déjà travaillé sur les félins farceurs, s’est joint à la fête pour développer cette comédie musicale sur ces différents types de trains et de wagons qui feraient la course dans le théâtre.

Après un workshop à succès en 1983, la toute première production de Starlight Express débuta à Londres en Mars 1984 et s’arrêta 18 ans plus tard, devenant le neuvième spectacle avec la plus grande longévité dans le West End. La popularité était telle que même Princesse Diana, la Reine Elisabeth, le Prince Philippe ou le futur Roi Charles sont venus découvrir cette toute première comédie musicale sur rollers. Paradoxalement le spectacle n’a tenu que 22 mois à Broadway alors que de l’autre côté de l’Atlantique, à Bochum en Allemagne, un théâtre a été créé spécialement pour le show en 1988 et a accueilli à ce jour près de 20 millions de spectateurs du monde entier, dans une production constamment revisitée afin de rester toujours moderne. Au fil des années, plusieurs chansons ont été rajoutées, modifiées ou enlevées afin d’améliorer la comédie musicale. Les genres ont également été revus afin de rendre le show moins sexiste. À la création les trains étaient tous des hommes tandis que les femmes étaient forcément des wagons, cela n’est bien évidemment plus possible aujourd’hui et cette nouvelle version essaye d’offrir un spectacle plus cohérent, sans rendre l’histoire plus profonde malheureusement.

la lumière au bout du tunnel

La particularité de Starlight Express réside dans le fait que personne n’est crédité pour le livret du spectacle. L’histoire est si mince que seule la chorégraphe originale du spectacle Arlene Phillips se retrouve être désormais la « Creative Dramaturg », rôle un peu flou signifiant surement qu’elle supervise le fait que le fil conducteur de la comédie musicale soit respecté. Difficile effectivement de chercher une profondeur dans ces deux heures et demi de courses de trains. On nous y raconte l’histoire de Control, jeune enfant qui jouait tranquillement dans sa chambre avant de s’endormir. Pendant son sommeil et à travers ses rêves, ses trains prennent vies pour concourir dans une course effrénée entre eux. Certaines choses ont beaucoup changé en 40 ans, car les technologies et les mœurs ont évolué et là où les premières versions du spectacle évoquaient des trains de différentes nationalités avec des noms un peu cliché (Espresso pour l’Italie ou Bobo pour la France par exemple), nous retrouvons ici le train à vapeur, le train électrique ou encore le train à l’hydrogène avec un message forcément différent derrière. À l’instar de Cats, chaque personnage a sa chanson même si cela ne permet pas forcément de développer grandement son intrigue ou d’approfondir sa personnalité. La comédie musicale alterne donc entre chansons et courses de roller assez redondantes qui au bout de la troisième finissent malheureusement par lasser. On ne peut cependant rester de marbre fasse à la superbe scénographie immersive qui, grâce à des trackers lumières sur les magnifiques costumes de Gabriella Slade (SIX), permet de faire évoluer les éclairages des décors pendant le passage des chanteurs. Visuellement le show est au rendez-vous et l’on comprends pourquoi il a fallu près de deux mois afin de créer cette scène de toute pièce dans l’enceinte du Troubadour Wembley Park Theatre qui avait accueilli Newsies l’année dernière.

Musicalement, c’est malheureusement là où le bât blesse. Là où l’on peut compenser le manque d’histoire par une jolie scénographie, il faut cependant avouer que la partition, même modernisée a quand même mal vieilli. Les orchestrations manquent parfois de légèreté, de variété et peu de chansons restent en tête à l’exception de « Starlight Express » et de l’excellent « Light at the End of the Tunnel » qui clôture admirablement le show dans un esprit gospel des plus agréable avant un megamix terriblement efficace. Ce n’est pourtant pas la faute à la distribution qui défend corps et âme leurs rôles. La plupart d’entre eux font d’ailleurs leurs débuts dans le West End avec brio sur ce spectacle et l’on imagine le nombre incalculable d’heures de répétitions nécessaire pour maitriser autant sa stabilité vocale que celle de ses pieds ! Mention spéciale à Jeevan Braich qui nous a bluffé dans le rôle de Rusty, Jade Marvin dans le rôle de Momma et à Al Knot dans celui de Greaseball qui ont tout les trois offert en particulier des performances remarquables.

Ce que nous gagnons en rollers nous le perdons malheureusement en chorégraphie et vous vous doutez bien qu’il était difficile pour le metteur en scène de l’excellent &Juliet, Luke Sheppard, de pouvoir autant faire danser les chanteurs que de les faire traverser la scène à toute vitesse. Les mouvements sont donc également un peu redondants même si la mise en scène reste toujours enlevée et dynamique avec une plate-forme rotative, des écrans géants en fond de scène et l’apparition occasionnelle de planètes au dessus de la scène. Mention spéciale pour les deux acrobates en trottinettes qui offrent des voltiges digne des Jeux Olympiques de BMX. Le public fait d’ailleurs partie intégrante du spectacle en étant aussi bien au cœur des courses de rollers que sur les côtés (même s’il avait été prévu dans la scénographie d’origine que les sièges tournent également à l’image de ce qui avait été fait sur Bad Cinderella). Il n’y a pas vraiment un mauvais siège dans la salle donc vous pouvez complètement aller découvrir le show par curiosité en dépensant moins de 30£. 

Vous l’aurez compris, Starlight Express est un festival d’effets, de lumières, de sons et de courses folles de rollers dans un univers rétro-futuriste résolument kitch et divertissant. Même si le spectacle souffre un peu de son âge, il reste quand même culte pour de nombreuses raisons et l’on ressort malgré tout avec des étoiles dans les yeux et l’envie de chausser des rollers pour nous aussi faire un petit tour dans la constellation du jeune Control et ses amis.

3.5/5

Crédit Photos : Pamela Raith

Starlight Express
Image de Thomas Berneuil

Thomas Berneuil

Ayant étudié le piano très jeune, j'ai très vite été bercé par le chant, la danse et le théâtre. Après avoir passé plusieurs années en tant qu'adjoint à la direction de casting pour des jeux TV, je conjugue désormais ma passion pour les musicals en travaillant avec les équipes casting au cœur d'un grand parc d'attraction à la recherche constante de nouveaux talents. Mon amour pour Broadway et le West End où je vais régulièrement m'a amené à rejoindre Musical Avenue en 2016. Ravi de faire partie de cette belle équipe et de partager avec vous mes coups de gueule et coups de cœur musicaux de Paris à New-York en passant par Londres.
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