Bernadette Peters et Lea Salonga mènent une troupe composée par la crème de la crème de la scène londonienne dans une revue éblouissante autour du répertoire de Stephen Sondheim. Une déclaration d’amour au maître et, de manière plus large, à l’art de la comédie musicale.
Le 26 novembre 2021, le monde de la comédie musicale pleurait la disparition de Stephen Sondheim, l’un de ses maîtres. Depuis, les hommages se sont multipliés pour célébrer le compositeur et paroliers d’œuvres canoniques comme Company, Sweeney Todd ou encore Into the Woods.
Le producteur Cameron Mackintosh, qui a grandement contribué à importer les travaux de Sondheim sur le sol britannique, décide d’organiser en mai 2022 une immense célébration réunissant une pléiade d’artistes de renom allant de Bernadette Peters à Judi Dench en passant par Helena Bonham Carter, Emma Thompson ou encore Petula Clark. La représentation s’est retrouvée complète au bout de quelques heures et une projection en direct de l’événement dans un autre théâtre a été mise en place pour combler la demande. Homme d’affaires malin, Cameron Mackintosh a voulu prolonger ce succès en transformant ce concert-hommage en revue autour des plus grands titres de Stephen Sondheim pour une exploitation de quatre mois au Gielgud Theatre.
Une distribution alléchante
Il est bien sûr difficile de recréer sur plusieurs semaines le côté événementiel d’une soirée de gala, et les grands noms mentionnés plus haut ne sont plus de la partie… à l’exception de Bernadette Peters ! C’est bien sa présence qui fait de Old Friends l’un des rendez-vous incontournables de cette rentrée londonienne. Collaboratrice et amie de Stephen Sondheim depuis plusieurs décennies, elle a marqué des générations en créant les rôles de Dot/Marie dans Sunday in the Park with George et de la sorcière dans Into the Woods. Dans les années 2000/2010 elle a également eu l’occasion de se glisser dans les habits de Mamma Rose (Gypsy), Désirée (A Little Night Music) et Sally (Follies). Elle connaît le répertoire de Sondheim comme sa poche et fait partie intégrante de ce patrimoine. Une occasion de la voir revisiter ces morceaux sur scène est à ne pas rater.
Cette fois-ci elle partage le haut de l’affiche avec Lea Salonga. De prime abord, on ne l’associe pas à ce genre d’œuvre, elle qui s’est révélée dans la production originale de Miss Saïgon avant de devenir la voix des princesses Disney des années 90 et une grande interprète des Misérables. Pourtant aux Philippines (où elle a le statut d’icône) elle a eu l’occasion de se frotter à Into the Woods et Sweeney Todd. Les deux divas sont entourées d’une distribution sans faute, mêlant jeunes talents et vétérans de la scène musicale britannique. Tous les ingrédients semblent réunis pour une grande fête de théâtre musical.
Une célébration tout en chansons
C’est d’ailleurs une ambiance festive qui règne dans l’enceinte du Gielgud Theatre. Dès le lever de rideau, nous sommes accueilli.e.s par les deux divas, toutes de rouge vêtues (LA couleur pour chanter du Sondheim), nous souhaitant la bienvenue telles deux maîtresses de maison, ouvrant ainsi le bal des réjouissances. Au cours de la représentation, les plus belles pages de musique s’enchaînent sans temps mort. On passe d’une chanson à une autre avec une grande fluidité. Il faut saluer le travail de Matthew Bourne (dont on attend le Romeo + Juliet cet hiver au Châtelet), avec la complicité de Julia McKenzie, qui arrive à créer un ensemble cohérent avec ce qui aurait pu facilement devenir un simple patchwork. Avec un plateau quasi nu (à l’exception de la section Sweeney Todd) et quelques accessoires, il parvient à installer une ambiance convenant parfaitement à chaque numéro, tout en laissant aux interprètes l’occasion de s’exprimer.
Ces dernier.e.s ne se font pas prier et s’en donnent à cœur joie. Chacun.e à de quoi se mettre sous la dent, leur permettant tou.te.s d’avoir leur moment de gloire. Gavin Lee (Mary Poppins, Spongebob Squarepants), avec sa précision tranchante et son instinct comique, trouve dans ce répertoire un terrain de jeu idéal et s’impose en véritable « leading man ». Bradley Jaden (Les Misérables) impressionne par sa solidité technique et la chaleur de son timbre. Janie Dee (Follies) campe une Joanne truculente et ne fait qu’une bouchée de l’irrésistible « The Boy From… ». Quant à Lea Salonga, si elle s’est faite une réputation grâce à la pureté de sa voix dans les grandes balades, elle se révèle dans la section consacrée à Sweeney Todd et se métamorphose en une Mrs Lovett pleine de gouaille. Son « Little Priest » avec le ténébreux Jeremy Secomb est l’un des moments phares de la première partie.
Et puis il y a Bernadette Peters… Il y a quelque chose d’émouvant d’être dans une salle de théâtre et de l’entendre chanter la musique et les mots de Stephen Sondheim. On se sent privilégié.e de se trouver dans la même pièce qu’elle pendant « Send in the Clowns » ou « Losing My Mind ». La voix a certes vieilli mais son charme et sa présence incandescente sont restés intacts. Véritable force de la nature à la crinière flamboyante, elle ne se ménage pas au cours de la soirée, recréant même sa performance mémorable de « You Gotta Get a Gimmick » lors de Hey, Mr. Producer ! en 1998. Elle est véritablement heureuse et touchée d’être ici pour rendre hommage à son ami « Steve ». Quand elle entonne les premières notes de « Not A Day Goes By » en regardant des photos du compositeur, il est impossible de ne pas verser quelques larmes.
Une leçon de comédie musicale
Mais la véritable star de Old Friends est bel et bien Stephen Sondheim. On aurait tendance à penser que les chansons de ses œuvres sont tellement ancrées dans la narration qu’elles pourraient perdre de leur impact présentées hors contexte. C’est en réalité tout le contraire. Chaque morceau, des tubes aux raretés, déploie une telle richesse qu’il en devient un petit spectacle à part entière, nous laissant apprécier une multitude d’histoires plutôt qu’un enchaînement de numéros.
En somme un hommage réussi, aussi divertissant qu’émouvant, même si plutôt adressé à un public initié. On sort du théâtre impressionné.e par l’étendu de son répertoire (et ce même si certains titres comme « Assassins » ou « Anyone Can Whistle » n’ont pas été évoqués) et surtout reconnaissant.e que cet artisan de la comédie musicale nous ait légué ce merveilleux catalogue. Merci Mr. Sondheim !
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