Critique : “The Rocky Horror Show” au Lido 2 Paris, jusqu’au 7 avril 2024

Temps de lecture approx. 5 min.

Depuis le 27 février, le Lido 2 Paris accueille la tournée anglaise anniversaire des 50 ans du controversé Rocky Horror Show et passe donc à un tout autre registre. De l’accueil minimaliste des soirs de premières à l’amour inconditionnel que lui portent plusieurs générations, que dit l’œuvre de Richard O’Brien aujourd’hui ? Aucun compromis n’étant fait, elle transgresse encore et toujours, pour parler sans détour à la folie cachée – ou non – du spectateur.

Sorti dans une décennie importante de l’histoire de la comédie musicale, The Rocky Horror Show naît d’une résistance assumée de la part de son créateur Richard O’Brien. Figurant boudé du jour au lendemain par la production de Jesus Christ Superstar, il crée un spectacle bouclier, transgressant les codes du marché londonien représenté notamment par ses anciens patrons Andrew Loyd Weber et Time Rice. Présenté le 19 juin 1973, cet anti spectacle sur fond de sexe, serie b et musiques glam rock reçoit un accueil mitigé qui se transforme au fil des années en référence clef des connaisseurs, notamment grace à l’adapatation cinématographique américaine de 1975 qui en fait un des “midnight movie” les plus rentables.

Parce que The Rocky Horror Show, c’est aussi une autre façon de vivre l’expérience musicale. Il peut être soit joué dans sa version originale soit dans un format de projection de film, accompagné par des acteurs reprenant et jouant avec les scènes emblématiques ; il y a d’ailleurs un court passage dans le film Fame qui retranscrit parfaitement l’ambiance folle de ces manifestations. On se souvient aussi de l’épisode « The Rocky Horror Glee Show » dans la – grande – saison 2 de ladite série.

Rocky Horror Show UK tour 2022

Quant à l’histoire, les péripéties commencent quand Brad et Janet, deux amoureux nouvellement fiancés – et bien sous tous rapports – sont en chemin pour aller rendre visite à leur ancien professeur de science, le Dr Scott. Près d’un château plus que douteux, un de leur pneu éclate les obligeant à demander de l’aide aux habitants du manoir dont l’hôte Frank-N-Furter est un savant fou bisexuel et travesti de Transylvanie.

Rocky Horror Show - 2

Un anniversaire dantesque

Aux abords du Lido 2, on ne peut passer à côté des spectateurs investis jusqu’à avoir revêtus les costumes de soubrettes et bas résilles en référence à leurs personnages préférés. Ont-ils pris le métro comme cela ? Absolument ! Présentée pour la première fois en France dans sa version originale, la production de Christopher Luscombe (en tournée depuis 15 ans) frappe fort et marque au fer rouge l’identité transgressive et bouffonne du propos. Couleurs criardes, décors sans finesse, il joue et assume la carte du kitch à 100%.

Rocky Horror Show - 4

On peut dire aussi que les artistes, dans l’exagération permanente des traits de leur personnages, ne font pas dans la dentelle. Sans conteste, une approche plus mesurée n’aurait pas eu le même effet. Bémol à ce débordement, le manque d’ouverture de la scène qui paraît rétrécir les déplacements et concentrer les chorégraphies sur un seul point. Cela ne semble pas perturber le public qui, aux premières notes de “Time Warp”, se lève et suit consciemment les règles imposées de LA danse du spectacle. Au départ timides, nous avons nous-mêmes succombé au déhanché terriblement contagieux. .

Rocky Horror Show - 5

Cette démesure ne fait pas que se voir mais s’entend aussi. S’il y a un spectacle où la musique fait foi, c’est bien celle du Rocky Horror Show. Dissimulés dans une pellicule en haut de scène, les musiciens reprennent avec force les titres d’une efficacité redoutable et typiques de la sonorité des seventies. Les aficionados de la vague glam rock sont servis. Si l’histoire peut paraître grossière, la partition en est sa nuance et oscille entre des rythmes rock poussés et des mélodies planantes comme sur le fantastique “Over At The Frankenstein Place”.

Une folie communicative

Dans la lignée des troupes précédentes, la troupe européenne est rompue à l’exercice singulier et exigeant du livret et de la partition du spectacle. Les artistes sont – sans exception – tous sur le niveau de folie attendu et demandé notamment par un public d’experts, qui ne laisse passer aucune fausse note. Les Rice Krispies – en référence au riz jeté lors du mariage en introduction – connaissent les répliques sur le bout des doigts. Intégrés au spectacle, ils mettent volontairement en difficultés le narrateur qui, faussement perturbé, rebondit habilement avec quelques mots en français. 

Bien que tous les artistes soient excellents, la star reste Stephen Webb, sous les traits du Dr Frank-N-Furter. D’une esthétique assez différente du personnage incarné sur scène et au cinéma par Tim Curry, il nous subjugue dès son arrivée sur “Sweet Transvestite”. Entre malaisance et horreur, sa voix hors du commun se permet tout, y compris de l’émotion sur “I’m Going Home”. Côté rôle féminin, coup de cœur pour Darcy Finden (alias Columbia) et sa voix nasillarde capable de grandes envolées lyriques. Le niveau vocal – excellent – de l’ensemble et très proche de l’équipe originale, en fait une expérience d’une qualité peu commune compte-tenu du niveau de second degré présent pendant les deux heures de spectacle.

Nous ne le dirons jamais assez : un tel délire sur scène par les temps qui courent est extrêmement précieux. Déjà convaincus sur le papier, nous le sommes encore plus à la sortie. Plus qu’un rock’n roll musical, le Lido 2 Paris propose une expérience, sans concession de mode pour resté dans son jus. Et c’est gagnant.

The Rocky Horror Picture Show©The Other Richard

Pour poursuivre l’expérimentation, pourquoi ne pas vous rendre au Studio Galande qui propose régulièrement des projections du film. Et rien ne vous empêche d’aller écouter notre Podcast consacré au Rocky Horror sur les différentes plateformes.  

Billeterie par ici .

Crédits Photos : David Freeman

The Rocky Horror Show
Image de Eve-Marie Leroy

Eve-Marie Leroy

Enfant d’une mère passionnée de films musicaux et d’un père amateur de jazz et d’opéra, je ne pouvais que tomber dans la marmite des comédies musicales. Cela fait 30 ans que Mary Poppins est entrée dans ma vie et depuis, je jongle entre les classiques de Broadway mêlant claquettes et chapeaux haut de forme et les propositions plus avant-gardistes. Grande admiratrice d’Andrew Lloyd Webber dans un corps de Responsable Ressources Humaines, MusicalAvenue est l’occasion pour moi d’intégrer une troupe de passionnés de cette belle discipline qu’est le Musical
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