Actuellement au Théâtre des Variétés à Paris, Ulysse, l’Odyssée musicale revisite le mythe antique dans une toute nouvelle version. C’est au tour du duo Ely Grimaldi/Igor de Chaillé de s’emparer des dieux, héros et autre être mythologique, et de proposer un spectacle au carrefour de plusieurs arts. Alors, prêts à embarquer pour un voyage rempli d’aventures et de défis ?
Une réinterprétation moderne de l’épopée antique
Mettre en scène Ulysse, c’est s’attaquer à l’une des plus grandes histoires de l’Antiquité, avec tous les dangers que cela peut représenter. Tout le monde a en effet en tête des représentations plus ou moins authentiques (voire très personnelles) du héros mythologique, que ce soit par les adaptations au cinéma, les représentations en image, les sculptures dans les musées… Et même sans être un grand passionné, nous connaissons tous au moins une vague idée de l’aventure qu’est l’odyssée de ce personnage. Avec Ulysse, l’odyssée musicale, les créateurs veillent à apporter des touches contemporaines. Dès l’ouverture, le ton est donné : un chœur aux évocations gospel et une mise en scène énergique posent les bases d’une aventure captivante.
Le narrateur principal, Homère, se fait conteur moderne, sa voix grave et profonde résonnant à travers le théâtre sous forme de parlé slamé. Présent uniquement en voix off, il intervient par petites touches pour lier les différents tableaux, apportant un rythme bienvenu à la narration.
Les acteurs, quant à eux, endossent plusieurs rôles tout au long du spectacle, passant avec aisance d’un personnage à l’autre, et participent également aux ensembles dansés. On apprécie leur polyvalence et ils trouvent vite leurs marques sur scène malgré les alternances récurrentes entre leurs personnages. Ils incarnent notamment les dieux de l’Olympe, dont certains sont personnifiés comme de grands adolescents au langage très actuel, typique de la génération Z (notamment le couple Athéna/Hermès). Un choix audacieux qui modernise le mythe tout en y ajoutant une dose de fantaisie. Si certaines scènes emblématiques du périple d’Ulysse, comme sa rencontre avec le Cyclope Polyphème, peinent à trouver leur équilibre entre horreur dramatique et humour un brin absurde, d’autres moments moins souvent exploités brillent par leur originalité. La séquence au royaume des morts, par exemple, est portée par une musique joyeuse et surprenante, tandis que la rencontre d’Ulysse avec Tirésias, puis sa mère, ajoute des touches de gravité et d’émotion poignante.
Le spectacle s’adresse aussi bien aux adultes qu’aux jeunes spectateurs, abordant des thématiques universelles. Cependant, il est à noter que les plus jeunes pourraient avoir du mal à suivre les subtilités du récit. Les moments d’aventure et de chants rendent le spectacle accessible dès 5 ans mais les plus grands pourront apprécier plus pleinement les péripéties successives et les épreuves dont les héros doivent triompher pour rejoindre Ithaque.
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage
L’une des forces de ce spectacle réside dans l’interprétation de ses artistes. Les huit comédiens sur scène incarnent une trentaine de personnages, insufflant énergie et passion à chaque tableau. Mention spéciale à Hannah-Jazz Mertens, émouvante dans le rôle de Pénélope, qui livre un solo bouleversant exprimant ses craintes de mère, épouse et souveraine, mais aussi sa détermination pour reprendre le contrôle de sa destinée. Tout au long de ses apparitions, elle joue avec les contrastes d’une figure forte en public et d’une femme aimante en proie au doute en privée. Stanislas De Lachapelle (Flash, le petit papillon) brille aussi dans ses trois rôles et donne la réplique à ses comparses avec vivacité. Face à ces personnages pourtant secondaires, Ulysse, bien que héros de l’histoire, peine à pleinement exister ; l’écriture de ce personnage manque peut-être de profondeur, apparaissant parfois trop lisse ou prévisible. A la décharge des auteurs, c’est aussi le personnage le plus difficile à réinventer puisque le plus connu du public. Le titre « Heureux qui comme Ulysse » (en référence au célèbre sonnet de Du Bellay), apparaît comme la « I Want Song » (chanson des aspirations), pourtant calibrée pour donner de l’éclat, mais n’apporte finalement pas de surprises particulières sur les motivations du personnage principal et ne crée pas le beau moment d’émotion que l’on attend.
Pour autant, l’ensemble des mélodies sont de bonnes factures et viennent très agréablement habiller le spectacle, comblant aussi quelques lenteurs du récit. Les morceaux musicaux sont autant d’occasion de réunir les comédiens pour proposer des numéros d’ensemble soigneusement chorégraphiés. La séquence des sirènes est également singulière, mêlant jeux d’ombres et de lumières, et des accessoires semblables à des marionnettes habilement manipulées par les artistes, ajoutant une touche visuelle réussie et créant l’illusion que ces femmes-oiseaux volent autour du bateau (car comme vous le savez, les sirènes en Grèce n’ont rien de commun avec un poisson!). On ressent la volonté de toutes les équipes de proposer une expérience visuelle et auditive mêlant les disciplines variées des arts vivants, de la danse traditionnelle ou de la ventriloquie pour inattendue. Les costumes, masques et maquillages, sont pensés pour souligner cette convergence des disciplines et nous inciter à l’évasion. Nous regrettons que, lors de notre venue, la représentation ait été émaillée de plusieurs problèmes techniques récurrents, notamment au niveau sonore, mais nous gageons que cela ne se reproduira pas lors des prochaines dates. Saluons néanmoins le professionnalisme des artistes qui ont su poursuivre leur performance sans se laisser perturber.
Ulysse, l’Odyssée musicale vous emporte facilement dans les périples sur les mers et iles méditerranéennes, malgré quelques déséquilibres narratifs. Petits et grands passent un bon moment avec ce divertissement familial, emportés par la vitalité des comédiens. C’est aussi l’occasion de découvrir des arts multiples du spectacle vivant, rappelant que l’Odyssée reste une source inépuisable d’inspiration et se prête à de nombreuses réinterprétations, même près de trois millénaires après sa création.
Crédit photos : Stéphane Parphot
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