Critique : “William Arribart, Naufragé de l’Ile des Rêves” à la Bourse du Travail de Lyon les 3 et 4 décembre 2022

Temps de lecture approx. 6 min.

Annoncé depuis la fin de l’année 2021, le spectacle a enfin vu le jour à Lyon début décembre 2022. Musical Avenue est parti à la découverte de cette création originale, mêlant les codes de la comédie musicale et de la magie.

William Arribart, héros de ses spectacles

Après avoir brisé le Sortilège des Neiges, nous retrouvons William Arribart dans une nouvelle aventure. Bien que dans ses spectacles il joue toujours son propre rôle, avec plus ou moins de rêverie, on note immédiatement que cette histoire est bien plus personnelle que les précédentes. Le travail d’écriture s’en ressent. Si le spectacle est émaillé de plusieurs numéros de magie (qui font bien sûr la singularité et la signature de l’artiste), L’île des Rêves recèle, dans une certaine mesure, une part autobiographique.

Dès l’ouverture du rideau, les enfants venus découvrir le spectacle ce jour-là sont émerveillés par la grande cabane prenant place sur scène. Ce décor bien pensé nous invite au voyage ; d’abord visible de son aspect extérieur, elle tournoie tout au long du spectacle pour nous plonger à l’intérieur de ce cocon, comme si le spectateur faisait partie de la bande d’aventuriers. Le début manque toutefois de rythme. La mise en place des éléments principaux de l’intrigue et la présentation des personnages viennent rompre la dynamique des premiers instants, qui s’accompagne d’une mélodie entraînante. On bascule ensuite dans notre monde réel, pour nous expliquer les envies d’évasion du héros, devenu stagiaire dans une grande entreprise où la notion de gestion des ressources humaines semble être restée volontairement au stade embryonnaire. La caricature s’avère drôle mais peut-être un peu poussée.

Crédit photo : Benjamin Gorichon

C’est finalement cet étrange paradoxe, un peu déroutant au départ, qui donne par la suite son relief à l’histoire. En opposant frontalement un monde imaginaire sans limite (où l’on peut par exemple apprendre à voler) avec la rigueur de notre quotidien, William Arribart met en lumière les raisons qui poussent son personnage à créer son monde rêvé. Sur l’île, il retrouve ses amis, aux caractères très différents, comme s’ils étaient les facettes inconscientes de sa personnalité, chacune complétant l’autre pour former un homme entier. Qu’il s’agisse de La Grimpe, courageuse et déterminée, La Toque, organisée et maternelle, le naïf et dévoué Hector, la rêveuse Luna accompagnée de l’espiègle Tiger, ou de Paul son meilleur ami, ils entourent le personnage central. Cette bande est une des très belles idées du scénario. Les personnages semblent vivre leur propre vie en autonomie dans le monde des rêves, mais sont en même temps influencés par les évènements du monde réel. D’ailleurs, eux aussi essaient de suggérer des idées à William et de lui transmettre des messages.

Au-delà de l’apparente légèreté du divertissement et des moments écrits à l’attention du jeune public, ce spectacle nous interroge sur les barrières entre notre conscient et notre inconscient. Finalement, William va chercher dans ses rêves, auprès de ses amis,  le réconfort et les encouragements pour faire face aux soucis du quotidien. A la frontière des rêves conscients ou de l’hypnose, le Naufragé de l’Ile des Rêves se révèle être une sorte d’introspection, que chacun peut faire, et où l’artiste se livre aussi face à son public dans des moments musicaux touchants et poétiques. 

Crédit photo : Benjamin Gorichon

Dans les pas d’une comédie musicale

Comme annoncé, cette nouvelle création franchit un pas de plus par rapport au spectacle précédent, en affirmant son identité musicale. Il ne s’agit pas d’une succession de numéros de magie avec des chansons intercalées. On est donc heureux d’avoir de vrais moments de théâtre et d’humour, et des récits chantés et dansés. Les costumes sont particulièrement soignés, notamment pour les personnages de l’Ile des Rêves. Saluons l’habileté des artistes, qui doivent pour la plupart interpréter plusieurs personnages et donc se changer en temps record entre deux scènes, mais également adapter leur jeu d’acteur (à l’image de Tiffany Leonard qui jongle entre La Toque, personnage doux et fédérateur, et l’impitoyable Charlotte Longbow, dont le but est de détruire la cabane, faire disparaître William et s’approprier l’île – et également nous parler de sa coiffure, ce qui ne manque pas d’amuser le public !).

Même si on ressent quelques latences entre les transitions, toute l’équipe s’investit avec énergie pour divertir la salle, et participe aux illusions et aux disparitions, toujours bluffantes. La mise en place des éléments et accessoires est assurée par les artistes eux-mêmes, une contrainte de plus qu’ils réussissent à dépasser. L’arrivée des accessoires est ingénieusement intégrée dans la mise en scène, comme pour la scène du banquet où la vaisselle apparaît au fur et à mesure sur la table ; elle est accompagnée d’une chorégraphie et d’une musique de percussion où les verres et gobelets deviennent instruments (si vous ne voyez pas de quoi on parle, vous pouvez vous plonger dans le premier épisode de la quatrième saison de Glee, ou à l’iconique séquence de Tarzan).

Crédit photo : Benjamin Gorichon

William Arribart, Naufragé de l’Ile des Rêves est un spectacle qui ne ressemble à aucun autre. S’il reconnaît lui-même ne pas venir du milieu de la comédie musicale, son auteur a su créer un spectacle familial original, qui joue les équilibristes entre une légèreté enfantine et des thèmes puissants. Ajoutez à cela une forte interaction avec la salle (qui participe spontanément à imiter une vraie horde de chats), de l’humour, des clins d’œil à des personnages de précédents spectacles que le public fidèle reconnaît, et vous passez un très bon moment. Pour tout vous dire, on en voudrait encore davantage : de nouvelles musiques pourraient vivifier quelques scènes, d’autant que les mélodies en bande-son de Simon Orlandi s’intègrent sans problème. Les chorégraphies sont réjouissantes, et évidemment les danses d’ensemble sont une vraie plus-value par rapport au précédent spectacle. 

Rappelons enfin que depuis 2012, les bénéfices des spectacles joués à cette période sont réservés à l’association l’Orchidée, qui soutient et réalise les projets d’enfants malades. Cet engagement caritatif est apprécié par tout le public, et les enfants profitent de ce moment d’émerveillement. 

Crédit photo : Benjamin Gorichon

Le public lyonnais a découvert avec enthousiasme ce spectacle lors de trois représentations. Au-delà de l’histoire, nous retenons cette réflexion sur notre inconscient qui parle à notre être lucide (ou bien est-ce l’inverse ?) et la force qu’un rêve peut nous donner pour retrouver confiance en soi. 

Le rendez-vous est déjà donné l’année prochaine pour voyager sur l’Ile des Rêves. D’ici là, laissez-vous rêver ! 

William Arribart, Naufragé de l'Île des Rêves
Image de Fabrice Felez

Fabrice Felez

Après une enfance où mes loisirs sont centrés autour de la musique et de la danse, c’est tout naturellement que la comédie musicale se présente à moi. En parallèle de mes études de droit, je m’initie aux spectacles, tant modernes que plus traditionnels, qui font naître en moi une véritable passion. Cet élan me pousse à intégrer l’équipe de Musical Avenue pour partager mes découvertes et vous donner envie d’apprécier les trésors de la scène parisienne et française.
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