Après des mois d’attente, l’adaptation en théâtre musical de Zazie dans le métro entame sa tournée à travers la France. Après de premières représentations à la Maison de la Culture d’Amiens, elle enchaîne avec des dates à la MC 93 et à l’Azimut d’Antony.
Mélancolique mon cul !
Héroïne du livre de Raymond Queneau, Zazie est une petite fille au caractère bien trempé qui n’a pas sa langue dans sa poche. Pour l’éloigner d’un père alcoolique qui a tenté d’abuser d’elle, sa mère l’envoie chez son frère, l’oncle Gabriel qui habite à Paris. Ce dernier tente de divertir la petite en lui faisant visiter la ville et rencontrer ses amis hauts en couleur. Mais rien n’y fait, Zazie ne veut qu’une chose : voir le métro ! Manque de chance… c’est jour de grève !
L’adaptation scénique de Zabou Breitman transcrit l’univers franc, déjanté et parfois surréaliste de Raymond Queneau. Sa langue poétique, drôle et provocatrice joue avec les mots, les sonorités et un argot légèrement désuet pour créer des associations incongrues et pourtant pleines de sens. Rien de surprenant dès lors dans le choix de reprendre ces textes pour en tirer des chansons. Et cela fonctionne merveilleusement bien ! Toute la partition, signée Reinhardt Wagner, est un petit bijou qui emprunte autant au jazz qu’aux musiques populaires françaises des années 1950. Les paroles regorgent d’humour et d’intelligence à l’image des solos de Zazie « Politesse mon cul ! », « Faire chier les mômes », ou encore l’hilarant duo de Gabriel et Marcelline : « Faut qu’j’récupère ».
L'Oulipo mis en scène
Du côté de la distribution, Alexandra Datman (Les Mystérieuses cités d’or) est une révélation de l’année : elle campe une Zazie boudeuse et déterminée, bien décidée à ne pas se laisser « emmerder » par les adultes. Elle est entourée par une ribambelle de personnages joués par les six autres interprètes : de l’oncle transformiste au chauffeur de taxi/guide touristique Charles en passant par le flic/satyre ou la nymphomane. Le public accueille avec enthousiasme la performance entraînante de Catherine Arondel dans le grand numéro de Madame Mouaque et s’attendrit face à la maladresse et les doutes de Gabriel(la).
Zabou Breitman signe une mise en scène inventive et loufoque. La comédie musicale s’ouvre par une scène d’ouverture mémorable : plongés dans le noir, des fenêtres illuminées de forme géométrique s’ouvrent et se ferment au rythme de la musique, faisant apparaitre et disparaitre les personnages de l’histoire à venir et rappelant l’imaginaire des génériques des années 60. Par la suite, les procédés ingénieux se multiplient pour traduire les scènes absurdes et surréalistes qui émaillent le récit : mannequins, tapis roulant et changements de costumes express reproduisent sur scène d’improbables batailles, des courses poursuites incohérentes, des dédoublements ou déplacement éclairs où un personnage sort d’un côté de la scène pour entrer au même moment de l’autre. Le tout est ponctué d’une scénographie épurée et efficace évoquant aussi bien l’intérieur d’un appartement, d’une cave, d’un marché aux puces, d’une rue parisienne ou du sommet de la Tour Eiffel, offrant au spectateur parisien la liberté de compléter le décor par sa propre expérience de la capitale.
Une réjouissante ode à la grossièreté et à la franchise !
Zazie dans le métro est une très belle découverte de la saison 2023-2024, débordante de trouvailles et de clins d’œil, abordant des sujets graves sur un ton d’apparente légèreté. On regrettera un final un peu plat et rapide par rapport à l’ingéniosité du reste de la pièce ou la force de la scène dans la version cinématographique. Avec une si belle partition, on aurait apprécié un dernier grand numéro musical pour clôturer cette histoire drôle et douce-amère à la fois.
On y retrouve l’esprit libre et un peu fou du roman qui semble plus d’actualité que jamais. Rires, bonne humeur et émotions émaillent un spectacle qu’on ne se lasse pas de savourer !