Critique(s) d'“In the Heights” ("D'où l'on vient")

Temps de lecture approx. 9 min.

La sortie d’In the Heights est l’événement immanquable de cet été pour les amoureux.ses de la comédie musicale. Comme pour The Prom, nous avons été incapables de déterminer qui de Musical Avenue aura la chance de rédiger une critique. Nous serons donc plusieurs à livrer nos avis. Alors, In the Heights, qu’en avons-nous pensé ?

In the Heights (D’où l’on vient en version française) nous plonge dans le quartier new-yorkais de Washington Heights où vivent Usnavi et ses proches. À ses débuts à Broadway en 2008, ce rôle était joué par son créateur, Lin-Manuel Miranda, qui n’est plus utile de présenter (session de rattrapage ici au cas où). A l’époque, la pièce avait été multi-récompensée aux Tony Awards et avait notamment décroché le fameux sésame de la meilleure comédie musicale, et de la meilleure partition pour son compositeur. Plus de dix ans plus tard, Warner Bros. a confié les rênes de son adaptation sur grand écran à Jon M. Chu, qui travaille aussi sur la version filmique de Wicked (si elle sort un jour…).
Dans cette transposition au cinéma, le rôle d’Usnavi est interprété par Anthony Ramos que l’on avait pu voir dans Hamilton. Olga Merediz est la seule comédienne de la distribution originale à reprendre son rôle, Abuela Claudia. Tandis que Lin-Manuel Miranda et Christopher Jackson (Benny dans la version d’origine à Broadway et plus tard Georges Washington dans Hamilton) font des apparitions en tant que vendeurs de piraguas et de glaces. A l’affiche, on retrouve aussi Daphne Rubin-Vega qui avait incarné la première Mimi dans Rent à Broadway. In the Heights porte entièrement la marque de fabrique de Lin-Manuel Miranda qui mélange ici sonorités latines et rap, avec de nombreuses inspirations au genre de la comédie musicale (Stephen Sondheim, Cole Porter, Chita Rivera, Rita Moreno, Rent, Oklahoma! et surtout West Side Story). Que vaut donc In the Heights en film ?


L’avis de Thomas :

Washington Heights est un quartier en ébullition. Gagner 96 000$ à la loterie pourrait changer la vie de n’importe qui dans ce quartier, comme celle du jeune Usnavi rêvant de retourner en République Dominicaine pour renouer avec ses origines. Jon M. Chu s’est chargé de donner vie à ce musical latino aussi touchant qu’entraînant. Grâce à une mise en scène spectaculaire, des numéros de danse époustouflants et Anthony Ramos en leader attachant de la troupe, In the Heights est une vraie bouffée d’air frais pour peu que vous aimiez le style Salsa/HipHop et les histoires romantiques prévisibles mais efficaces.
La plupart des seconds rôles sont excellents et certains numéros comme « Paciencia y Fe », « No Me Diga » ou « Carnaval de Barrio » sont des bijoux de mise en scène. On regrettera quand même que les deux rôles féminins principaux manquent un peu de charisme comparés à leurs alter ego scéniques, ainsi que de toutes petites longueurs dans la seconde partie. Malgré ces légers bémols, In the Heights est une œuvre à voir sur grand écran pour se le prendre en pleine face et frissonner du début à la fin aux sons de Washington Heigts !

 

L’avis de Florian : 

N’ayant jamais vu l’œuvre originale dont est tirée le film, j’ai visionné In the Heights sans aucune attente particulière ou à prioris. Et j’ai tout simplement adoré ! Doté de personnages terriblement attachants et de rythmes latinos entraînants qui donnent envie de se lever de son siège, In the Heights est un pari plus que réussi.
La réalisation de Jon M. Chu donne de l’ampleur aux numéros musicaux et leur confère un dynamisme bienvenu qui permet de ne jamais réellement s’ennuyer. La scène « 96 000 » figure ainsi parmi l’une des scènes les plus réussies du long-métrage.
In the Heights est l’expérience parfaite pour célébrer la réouverture des salles. Euphorisant, rythmé et doté de scènes visuellement sublimes, le film s’impose comme un « must-see » pour tous les amateurs de comédies musicales. On n’a qu’une envie en sortant de la salle : aller faire un tour du côté de Washington Heights !


L’avis de Philémon :

Dans l’ensemble, j’ai aimé cette adaptation d’In the Heights. La réalisation est maîtrisée (voire un peu trop), le sound design est d’une grande qualité, la distribution est globalement très bonne. On prend plaisir à se plonger dans le quotidien des personnages de ce quartier qui ne manque pas de vie.
Pour transposer l’œuvre des planches au grand écran, Jon M. Chu a rajouté des éléments irréels en post-production. Ils jouent ainsi sur les spécificités du cinéma que l’on ne retrouve pas au théâtre. Pourquoi pas. Cela peut marcher et justifier justement une version filmique. Néanmoins, cela reste beaucoup trop léger pour que ce soit un réel parti pris. Au final, ces éléments dénotent plus qu’ils ne convainquent. Et dans le même temps, les chorégraphies extravagantes sont impressionnantes au début mais manquent de diversité au bout d’un moment…
Je regrette surtout des changements majeurs qui rendent l’adaptation moins intéressante que l’œuvre d’origine. Abuela Claudia occupe normalement une place beaucoup plus importante. Elle est la confidente et la voix de la raison qui guide les personnages dans leurs décisions (directement ou indirectement). Sans ça, le ciment a du mal à prendre et les rôles deviennent assez unidimensionnels : du début à la fin du film, leur évolution est en fait plutôt minime. A la place, l’emphase est mise sur la coupure de courant. Pourtant, le blackout est, en définitive, vite résolu sans qu’il n’influence vraiment l’histoire. C’est dommage…
In the Heights est tout de même un film réussi qui assume entièrement d’être une comédie musicale. C’est ce que j’ai apprécié le plus et pour ça, il mérite d’être vu (au moins une fois). Je tiens également à saluer le numéro de « Paciencia Y Fe » qui est magnifique et différent.


L’avis de Romain :

J’ai découvert In the Heights en 2015, dans la superbe production du Charing Cross Theatre à Londres. L’intimité qu’offrait ce lieu permettait à l’œuvre de prendre toute sa dimension et nous étions embarqués par les interprètes dans ce quartier de Washington Heights, avec pourtant très peu d’éléments de décor. Il se dégageait de ce spectacle une grande vitalité et, surtout, une grande sincérité. C’est justement cette sincérité qui malheureusement manque à cette adaptation cinématographique.
Jon M. Chu, qui signe ici son premier film musical, tombe dans les pièges que de nombreux réalisateurs qui se sont tentés à ce genre n’ont pas su éviter. Comme pour l’adaptation de The Prom par Ryan Murphy, on ne peut qu’applaudir l’esthétique du film extrêmement léchée, mais rend-elle justice au propos du film ? Tout devient lisse et propre, même quand les personnages étouffent en pleine canicule leur coiffure reste impeccable. Certaines images ne sont pas loin de nous faire penser à Crazy Rich Asians, le précédent film du réalisateur. Si cet univers visuel se mariait parfaitement avec l’adaptation du roman de Kevin Kwan, il semble un peu déplacé dans ce contexte.
Mais cette esthétique est en adéquation avec la folie des grandeurs dont est victime Jon M. Chu. D’une œuvre plutôt intimiste centrée sur une communauté vouée à disparaître, il en fait une super-production hollywoodienne. Les numéros musicaux en pâtissent particulièrement. Individuellement, ils font de très bons clips, mais le tout manque de cohérence et surtout ne met pas en valeur les chansons. Ce n’est pas parce qu’on réalise une comédie musicale qu’il faut absolument avoir 14 326 danseur.euse.s en permanence et 14 changements de lieux par chansons. Est-ce un manque de confiance envers l’œuvre d’origine ou envers les spectateur.rice.s ? (Ou un peu des deux ?) Dans cette débauche de moyens, le numéro qui finalement est le plus efficace est « Carnaval Del Barrio ». Situé dans un lieu unique (une cour d’immeuble) avec un nombre limité (toute proportion gardée) de danseur.euse.s, c’est le tableau qui fonctionne le mieux et qui n’est pas sans rappeler West Side Story ou Sweet Charity.
Ce qui est d’autant plus préjudiciable c’est que cette avalanche de couleurs et d’effets de style, au lieu de les camoufler, vient souligner les faiblesses du livret. On reproche souvent à In the Heights son histoire simplette, voire anecdotique, mais généralement ce problème est balayé par la profonde humanité qui émane de cette comédie musicale. Une humanité que l’on peine à trouver dans ce film. Et pourtant elle est bien là, portée par la fabuleuse Olga Merediz. Elle seule réussit vraiment à nous émouvoir et son « Paciencia Y Fe », la plus belle chanson de la partition, est bouleversant (mais encore une fois était-ce nécessaire de mettre en scène aussi littéralement cette chanson ? Les paroles et son interprétation parlent d’elles-même).
Au final, même si je râle beaucoup, je n’ai pas passé un mauvais moment devant ce film. Le plaisir de retrouver ces chansons et ces personnages est quand même bien présent. Et pour une fois que l’on peut voir un film musical où tout le monde, sans exception, chante bien, on ne va pas bouder son plaisir. Mais je m’interroge toujours, une telle adaptation était-elle nécessaire ? Une bonne comédie musicale fait-elle un bon film ? Vous avez quatre heures.

 

L’avis de Stephany :

In The Heights mérite d’être vu au cinéma pour profiter pleinement de l’énergie du film, avec le grand écran et qualité de son qui vont bien. C’est le film idéal pour reprendre le chemin des salles obscures et en ressortir le coeur léger et pétillant. Non, l’adaptation ne rend pas vraiment justice à la comédie musicale, qu’on se le dise tout de suite (il vous suffit de réécouter le Broadway cast recording juste après avoir vu le film !). Les rôles féminins ne sont pas aussi creusés que dans le spectacle, qui donne normalement une place plus importante à l’Abuela Claudia, le coeur et poumon de Washington Heights.

Toutefois, on le sait tous, toute adaptation de comédie musicale se doit de couper des chansons et des moments d’interprétation pour que le film reste dans une durée acceptable. Ce choix de coupures s’est certes fait au détriment de certains personnages, mais d’un autre côté aussi au profit de scènes ajoutées sur un propos plus que jamais d’actualité sur l’immigration et le racisme (Nina qui se fait accuser à tort d’un vol, Sonny et son impossibilité de rejoindre l’Université tant qu’il est sans papier…).

J’ai été très touchée par les difficultés que rencontrent les personnages et leur communauté, étant moi-même enfant de parents immigrés. L’interprétation juste et sincère d’Anthony Ramos y est pour beaucoup, je me suis attachée comme jamais à son personnage d’Usnavi et c’était un réel bonheur de suivre son histoire et celles de ses amis et famille. La réalisation de Jon M. Chu est dynamique et visuellement agréable à savourer, quoiqu’un peu répétitive et avec peu de prise de risques. Peu importe, pour moi cette adaptation d’In The Heights mérite les honneurs. J’ose même dire que cela pourrait plaire à des non-aficionados de comédie musicale. « Paticiencia y Fe », comme on dit !

In the Heights (D’où l’on vient)
Image de Philémon Heutte

Philémon Heutte

J'ai toujours été passionné par les comédies musicales depuis tout petit. Dans mon enfance, j'ai suivi des cours de musique, de théâtre et de cinéma. Comme je regardais "Chantons sous la pluie" en boucle, j'ai décidé d'apprendre les claquettes à 11 ans. A force de parler sans cesse de comédies musicales, j'ai rejoint l'équipe de Musical Avenue fin 2018 pour continuer à partager ma passion. J'ai une immense admiration pour Stephen Sondheim, ma première critique pour le site était une de ces œuvres pour mon plus grand plaisir.
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