Un après-midi de débats avec des intervenants de qualité
Quelles tendances aujourd’hui pour la comédie musicale ?
Il évoque ensuite les comédies musicales "trash", souvent générationnelles, qui dénoncent avec humour et autodérision un certain sens de l’absurdité ou le poids des non-dits, avec en exemple The Book of Mormon, The Producers, Avenue Q, Monty Python’s Spamalot…
Puis c’est au tour du phénomène Lin Manuel Miranda avec son fameux Hamilton qui fait actuellement un carton à New York dont il est, chose étrange à Broadway, à la fois, auteur, compositeur, librettiste. Il s’agit d’un spectacle qui revisite l’histoire des Etats-Unis à travers sa diversité, ses ethnicités et à travers, encore une chose rare à Broadway, un style musical spécifique : le rap.
Il aborde ensuite la tendance aux comédies musicales immersives, Once, Hair, où les musiciens sont également à vue, plongés souvent avec les artistes et les spectateurs dans un décor souvent intimiste. Ces derniers sont d’ailleurs souvent invités à monter sur la scène. Et enfin, il parle de la tendance des nouveaux compositeurs "classiques" qui envahissent le paysage de la production musicale et l’illustre avec une vidéo de The Bridges of Madison County, spectacle musical inspiré du film Sur la route de Madison, avec Clint Eastwood et Meryl Streep qui a connu un flop à Broadway
Les modèles économiques de la comédie musicale selon les pays
Il expose ensuite le modèle du "spectacle musical à la française". Le principe est souvent le même : exploitations dans des Zéniths et non pas des salles de spectacle à proprement parler, un modèle économique qui repose (presque) entièrement sur l’enregistrement du disque, un album qui compile des chansons qui peuvent être détachées de la trame dramatique, un "teasing" un an avant qui annonce un calendrier très calibré avec la sortie d’un single en janvier, une diffusion dans les médias et sur les ondes pour vendre le disque qui va vendre les places, des représentations à Paris en septembre pendant trois mois, puis une tournée en France et quelques pays francophones limitrophes, pour un retour à Paris pour quelques dates le temps de la vente de la captation du spectacle. On parle de budget de quelques millions d’euros pour un retour à court terme avec des chiffres d’affaire autour des 100 millions d’euros à l’année.
Il présente ensuite le modèle anglo-saxon, le même à Broadway qu’au West End. Ici pas de disque, tout tourne autour du spectacle vivant avec une place majoritairement accordée au livret, à l’histoire mais également à la chorégraphie et à l’orchestre live. Ici les budgets tournent autour des 20 millions de dollars avec des rentabilités autour des 2 milliards de dollars, tournées en Amérique du Nord et ventes de licences comprises. Ici, pas de durée d’exploitation pré-déterminée, le spectacle est à l’affiche tant que les gens achètent leurs billets et le but est de jouer 8 fois par semaine dans des salles de 1500 à 2000 places le plus longtemps possible. Tout d’abord pour rembourser la mise de départ, ensuite pour profiter des bénéfices.
Et enfin il évoque brièvemment le modèle hybride qu’est le Théâtre du Châtelet qui conjugu
e les deux avec succès, des productions subventionnées à vocation internationale et commerciale, avec une durée d’exploitation de quelques dates à quelques semaines et une importance pour le livret, la chorégraphie, la scénographie et à l’orchestre situé dans la fosse.
Comment vendre une comédie musicale, et avec qui ?
Il aborde ensuite les compétences à acquérir pour réussir sur le monde du marché de la comédie musicales : bien évidemment les compétences artistiques indispensables mais attention, également le sport, la méditation et le yoga !
Il conclut avec un discours encourageant pour tout ceux qui se lancent dans un projet et dont les conseils trouvent résonance parmi une bonne partie du public : il faut travailler, être toujours préparé, être curieux, flexible, optimiste, proactif, bienveillant, savoir s’entourer de personnes positives et avoir le courage de rester soi-même en toutes circonstances. Le public salue, galvanisé.
Retour sur l’Âge d’or de Broadway, là où tout a décollé
C’est ainsi que nous partons sur un voyage en musique qui nous prend au départ des années 20 avec les Ziegfled Follies, avec pas mal d’aller-retour d’inspiration réciproque entre Hollywood et Broadway, l’évènement Showboat qui marqua la naissance de la comédie musicale américaine telle qu’on la connaît aujourd’hui. En passant par les Frères Gershwin (Funny Face, Lady Be Good), d’autres confrères tout aussi incontournables Irving Berlin, Cole Porter, Rodgers & Hart…
L’exemple de The Rocky Horror Picture Show
Il nous raconte comment le show s’est inspiré à la fois des années soixante et de son esprit hippie, de révolution sexuelle, on parle de Hair, Jesus Christ Superstar. D’ailleurs Richard O’Brien décide d’écrire la pièce "The Rocky Horror Show" à la suite d’une audition qui ne s’est pas révélée prometteuse. Le spectacle prend aussi racine dans la culture populaire de la science fiction des années cinquante, mais également dans le glam et punk des années soixante-dix avec par exemple les icônes David Bowie, Sex Pistols, Vivienne Westwood. Puis c’est la mode de l’opéra rock, on évoque Phantom of the Paradise, Tommy…
La pièce eut un grand succès à Londres, bien qu’un échec cuisant à Broadway. Une petite production entreprend d’en faire un film musical, mêlant certains comédiens du début de la pièce à des nouveaux acteurs ou actrices comme Susan Sa
randon. De nouveau un échec cuisant. Et pourtant il a la chance de sortir dans un autre cadre de distribution : les midnight movies au Waverly Theater.
Et là, c’est le début du succès, qui se voudra grandissant et international, entre le public et les blagues, les interventions, puis les quolibets, puis les annonces, puis le pré-show, puis les costumes, puis le "shadow casting" dont nous ne révèlerons pas trop, bien que nous en ayons eu une charmante prestation pendant la conférence, pour ne pas gâcher le plaisir de découvrir cette expérience.
Julien Monterosso conclut avec l’influence qu’à eu The Rocky Horror Picture Show sur la culture populaire, épisodes Simpsons, That’s 70’s Show, Fame et Glee à l’appui, voire même la possibilité que ce dernier ait pu ouvrir la voie à des comédies musicales d’un genre nouveau comme Reefer Madness, Hedwig and the Angry Inch ou encore Evil Dead the musical. Il nous apprend même qu’il y a eu une suite au film : Shock Treatment. Vous en avez entendu parlé ? Et bien non, ce fut lui aussi un flop au cinéma. Décidément.
The Book of Musicals, une initiative à féliciter !
The Book of Musicals, de Tatiana Sanichanh, Estelle Marie, Justine Laguerre et Patricia Lam
Le 16 avril 2016
A la Sorbonne Nouvelle, Amphithéâtre D02
13 rue Santeuil 75005 Paris
Avec : Laurent Valière, Xavier Dupuis, Arnaud Cazet, Chantal Schutz et Julien Monterosso