Troupe en constante évolution autour du talentueux Pierre Lericq, figure de proue qui en est l’auteur, parolier, compositeur, metteur en scène et interprète principal, les Épis Noirs nous reviennent enfin avec la création parisienne tant attendue d’Andromaque – Fantaisie Barock’, succès du dernier festival d’Avignon.
Drôle de cirque pour une tragédie
Un néon flexible en forme de chapiteau qui surplombe la scène, quelques caisses de bois et une guirlande d’ampoules posées au sol : c’est ainsi que se dessine le décor épuré de la piste de cirque sur laquelle va se tramer la tragédie d’Andromaque – Fantaisie Barock’.
Pour sa dernière création, Pierre Lericq, chef de file des Épis Noirs, s’attaque donc à l’un des personnages de la mythologie grecque qui a le plus marqué l’histoire du théâtre.
Tragédie oblige, Andromaque est sans doute une des œuvres les moins faciles des Épis Noirs. L’humour incomparable de l’auteur (que l’on apprécie depuis plus de vingt ans dans les spectacles Flon Flon, L’Odyssée des Épis Noirs, ou encore Fatrasie) se met une fois de plus au service de la réinvention d’un mythe universel, mais se fait ici plus discret et subtile, soulignant le drame qui se noue sans jamais lui voler la vedette.
Andromaque – Fantaisie Barock’ procure un plaisir certes moins immédiat que d’autres pièces actuellement à l’affiche (notamment dans le même théâtre) plus divertissantes, mais sait toucher par son intensité dramatique.
Tout y est superbe : de la mise en scène (qui emprunte tant aux clowns qu’au théâtre classique) aux décors (épurés et servi par des jeux de lumières magnifiques), en passant par les comédiens (qui passent du burlesque aux larmes avec talent) et le texte éblouissant signé Pierre Lericq. L’auteur manie une fois de plus la plume avec une habileté infaillible, passant par tous les registres de langue, de l’argot au soutenu, constellant ses dialogues de calembours astucieux qui ne sont pas sans évoquer Raymond Queneau.
Le génie des Épis Noirs triomphe une fois de plus dans la capacité à transcrire un récit mythique et grandiose dans une réalité triviale, simplifiant l’argument pour mieux souligner le ridicule de l’inexorable tragédie, sans pour autant tomber dans la parodie ni la caricature.
Musicalement, cet Andromaque n’usurpe pas son appellation "Barock" et n’hésite pas à citer les grands du rocks (comme Lou Reed et son "Walk on the Wild Side") tout en explorant l’esthétique musicale qui a fait la marque de fabrique de la troupe, de la musique manouche à la vieille chanson française.
À l’inverse d’une comédie musicale dans laquelle le texte des chansons est partie intégrante du récit, les petites perles musicales qui émaillent le spectacle sont autant de parenthèses en français ou en anglais, comptines tragiques qui suspendent l’action le temps d’un instant.
Grand écart entre la loufoquerie et la tragédie suggérées jusque dans son titre, Andromaque – Fantaisie Barock’ est un spectacle à ne surtout pas manquer.
Andromaque – Fantaisie Barock’, des Épis Noirs
Texte, paroles, musiques et mise en scène : Pierre Lericq ; création lumière : Véronique Claudel ; création son : Jean-Pierre Spirli ; costumes : Alexandra Konwinski ; assistants : Lucas Bléger et Nicolas Lepont.
Avec : Anaïs Ancel, Muriel Gaudin, Fabrice Lebert et Pierre Lericq.
Au Vingtième Théâtre, 7 rue des Plâtrières, 75020 Paris
Jusqu’au 15 janvier 2012
Du mercredi au samedi à 19h30, dimanche à 15h00.
Relâches exceptionnelles les 24 et 25 décembre.