Cabaret est un musical qu’on ne présente plus. De sa première production en 1966 à Broadway jusqu’à l’adaptation française par Stage Entertainment qui a déjà enchanté Paris en 2006 aux Folies Bergère, en passant par le film de Bob Fosse en 1972, l’histoire de Sally Bowles dans l’Histoire de la montée du nazisme à Berlin a déjà fait vibrer des milliers de spectateurs. Comme annoncé, une nouvelle occasion est offerte d’en faire partie puisque le 6 octobre dernier, le Théâtre Marigny a entamé en grande pompe la reprise de 90 représentations, avant le départ de Cabaret en tournée dans toute la France.
Puisqu’on ne change pas une formule qui gagne, on retrouve une version qui ressemble en tous points à celle de 2006, mis à part le côté cabaret des tables individuelles de première catégorie [NDLR : qui recréait dans la salle des Folies Bergère le Kit Kat Klub de la pièce] qui n’a pas été repris pour cette brève période.
Le Théâtre Marigny est cependant un choix à la hauteur et constitue un très bel écrin tant par ses murs que par sa taille plus intimiste. Et si vous avez déjà vu le spectacle, l’ardeur des artistes autant que leur rigueur sont toujours au rendez-vous avec quelques petits plus…
Des personnages approfondis…
La scénographie, un brin trop épurée en début de spectacle, trouve une juste mesure par la suite, et permet à la mise en scène et au spectateur de se focaliser sur l’essentiel.
Car il semble bien que ce soit tout le propos de cette production : creuser la psychologie des personnages en insistant sur leur progression tout au long de l’histoire. On est bien loin du show de divertissement ; la solidité de ce musical relève davantage du registre d’une pièce de théâtre dramatique [Cabaret est adaptée d’une pièce elle-même tirée d’un roman] magnifiquement portée par la troupe.
Claire Pérot est fidèle à son incarnation adoubée par Liza Minelli comme l’une des meilleures Sally Bowles, et son jeu, si c’était possible, a encore gagné en profondeur. Elle réussit à garder son dynamisme tout en proposant un personnage en mutation constante et dont on ne peut que suivre avec impuissance la lente descente de l’espoir à la résignation.
Claire Pérot, toujours aussi excellente dans le rôle de Sally Bowles, dans Cabaret
Les scènes pleines de tendresse de Catherine Arditi et Pierre Reggiani fonctionnent d’autant mieux que l’harmonie vocale semble avoir bénéficié de l’expérience passée pour venir compléter un jeu toujours aussi juste.
Enfin, Emmanuel Moire, seul nouvel interprète d’un rôle principal qui, on ne peut le cacher, était attendu au tournant, l’était encore plus après une présentation presse pleine de promesses le mois dernier.
Eh bien, on peut dire que le chanteur (comme le comédien) était au rendez-vous. Si la première scène manque encore un peu de lâcher-prise, il a su montrer par la suite un Emcee bien à l’aise qui devrait donc finir de prendre ses marques rapidement. Avec une fragilité nouvelle — étonnante du haut de son 1m80 — il interprète un Emcee plus humain incarnant au plus près la déchéance progressive du monde qu’il commente.
Emmanuel Moire dans le rôle du Emcee de Cabaret
…Pour un rendu saisissant
Pour le reste, "les filles sont magnifiques, l’orchestre est magnifique" et on ressort une nouvelle fois enchanté par le show, l’adaptation, les costumes, les lumières, la mise en scène…
La troupe de Cabaret pendant les saluts
Reste cette sensation un brin désagréable d’avoir été pris au piège et d’avoir plongé de l’atmosphère joyeusement décadente du Kit Kat Klub à la pesante présence nazie sans avoir vraiment su repérer le moment où tout cela est devenu insupportable. C’est la force du spectacle et la marque de la magnifique construction de ce musical qui est sans doute l’un des plus complexes et aboutis que nous ayons eu la chance de voir à Paris depuis dix ans. Courrez-y !
Cabaret, de Joe Masteroff, John Kander et Fred Ebb
À partir du 6 octobre 2011 au Théâtre Marigny
Du mardi au vendredi à 20h30
Le samedi à 16h30 et 21h
Le dimanche à 16h30
Théâtre Marigny,
Carré Marigny,
75008 Paris
Adaptation française : Jacques Collard et Éric Taraud ; Costumes : Emmylou Latour ; Mise en scène : Sam Mendes ; Chorégraphie : Rob Marshall.
Avec : Emmanuel Moire (Emcee), Claire Perot (Sally Bowles), Geoffroy Guerrier (Cliff Bradshaw), Patrick Mazet (Ernst Ludwig), Catherine Arditi (Fraulein Schneider), Pierre Reggiani (Herr Schultz), Delphine Grandsart (Fraulein Kost). Doublures : Patrice Bouret (Herr Schultz) et Jocelyne Sand (Fraulein Schneider).
Ensemble : Catherine Arondel, Joseph Emmanuel Biscardi, Vanessa Cailhol, Pia Lustenberger, Franck Mignat, Amélie Munier, Tris
tan Robin, Audrey Senesse.
Swings : Camille Artichaut, Adrien Biry, Julie Galopin, Pierre Lamiraud, Lionel Losada, Marie Laure Ravau.