Rien ne pouvait sembler plus racoleur qu’une pièce jouée en fin de semaine à 23 heures et mettant à l’affiche une ex-star du X. Cabaret Canaille s’avère pourtant être un divertissement de très bonne facture, ne ménageant pas son lot d’agréables surprises.
Le directeur artistique du Festival d’Anjou, Nicolas Briançon, concepteur et metteur en scène de ce Cabaret Canaille, a réuni quelques uns des textes les plus coquins de la littérature, de la poésie et de la chanson française. Si l’oreille du spectacteur frissonne ou tréssaille à l’évocation aussi crue du sexe, la découverte dans le programme de la liste des auteurs concernés est d’autant plus surprenante. Sans verser dans la vulgarité gratuite d’un spectacle trop grivois, les textes de Théophile Gautier, Victor Hugo, Alfred de Musset, Paul Verlaine, Jean de La Fontaine, Guillaume Apollinaire ou Guy de Maupassant sont accompagnés de chansons, notamment de nombreux airs des Frères Jacques. Les vignettes se succèdent habilement et dépeignent tous les aspects de la chose grâce à un vocabulaire fleuri, une esthétique sobrement léchée, et quelques notes de musique…
"Les Nuits d’une Demoiselle", la chanson incontournable de Colette Renard, qui énumère des métaphores aussi osées qu’innattendues, sur l’acte sexuel, est interprétée par la seule présence féminine de la pièce. Clara Morgane se montre versatile. Dans un registre toujours glamour, elle aborde comédie et chanson avec entrain et candeur. La maîtrise de la belle est parfois vacillante mais son sourire et sa sincérité l’emportent. On peut évidemment se demander si le passé sulfureux de la comédienne n’a pas prévalu sur son talent. Il s’avère que Clara Morgane apporte pourtant un atout indéniable au charme de cette revue.
Sur scène également, un pianiste (Antoine-Marie Millet) et trois comédiens qui, tout comme leur complice féminine, incarnent mille et une facettes des comportements sexuels masculins : le violeur, l’admirateur, le fétichiste, l’inverti, le débridé… Le formidable Michel Dussarat sort nettement son épingle du jeu. Cet habitué des mises en scènes de Jérôme Savary ou du Grand Magic Circus, qui est également à la création des costumes, incarne sûrement les rôles les plus singuliers et les plus drôlatiques. Alors que Muratt Atik joue davantage la carte de la sobriété, Pierre-Alain Leleu endosse quelques uns des savoureux moments du spectacle. Il fait notamment patienter la salle avant le lever du rideau avec talent, grâce à un jeu demandant la participation du public.
Malgré une tête d’affiche qui pourrait faire craindre le pire, le Cabaret Canaille apparaît finalement comme une revue plaisante et plutôt intelligente qui n’en reste pas moins très coquine, dans le fond, plus que dans la forme heureusement.
Cabaret Canaille, de Nicolas Briançon
A La Pépinière Théâtre
7 rue Louis-le-Grand, 75002 Paris
Le jeudi et vendredi à 23h
Textes de : Benjamin Peret, Germain Nouveau, Colette Renard, Théophile Gautier, Mathurin Regnier, Victor Hugo, Alfred de Musset, Louis Protat, Paul Verlaine, Vincent Scotto, Jean de La Fontaine, Robert Desnos, Alexis Piron, Pierre Motin, Guy de Maupassant, Théodore Hannon, Pierre Louys, Louis Perceau. Musiques des Frères Jacques, Jean Baïtzouroff.
Avec Muratt Atik, Michel Dussarat, Pierre-Alain Leleu et Clara Morgane
Piano : Antoine-Marie Millet
Site Internet : www.theatrelapepiniere.com