Le Vingtième Théâtre nous propose une virée au soleil provençal en pleine époque de la Guerre d’Algérie.
La Compagnie Minuit Zéro Une nous plonge dans le quotidien de Mimi, gérante d’un bistro-guinguette qui porte son nom, au début des années 60. Au comptoir, les rumeurs sur les habitants du petit village de Provence vont bon train. En plus d’écouter ce que les rues disent, Mimi suit l’évolution de la guerre à la radio quand elle est seule : d’origine algérienne, elle a dû quitter son pays natal, rejetée par les siens, pour pouvoir vivre avec Charles — un Français — l’homme qu’elle aime. Elle a beau avoir, comme elle le dit, replanté ses racines en France, la blessure de cet exil forcé est toujours présente.
Le décor, avec son comptoir, ses piles de chaises et de tables, les costumes et l’ambiance nous plongent instantanément dans l’univers du bistro : le spectateur devient l’observateur privilégié des allers et venues des amis de Chez Mimi et des ragots qui s’y échangent. Au fils des visites de Nathalie, Jacques, Dédé et Magali, on partage leurs rires, leurs histoires et leurs amours, mais on s’imprègne également des inquiétudes de Mimi sur cette guerre qui sévit chez elle, et celles de Charles pour sa femme.
Amélie Gonin, Fabrice Josso, Ian Fénelon et Elsa Agnès dans "Chez Mimi" (photo : Carole Benoist)
Dans le petit village, les rumeurs vont bien vite (parfois plus vite encore que les langues qui les colportent) et sont au centre des discussions de comptoir : on dit que Dédé abandonne son poste pour aller chez Mimi en pleine journée de travail ; il paraît que tout le monde sait que Nathalie a un grain de beauté sur la fesse — ce qui rend Jacques fou de rage… Des histoires qui, avec un peu de recul, nous font prendre conscience que, dans notre société actuelle, les rumeurs vont encore plus vite, alimentées par les nouveaux moyens de communication (internet et réseaux sociaux en tête) qui sont à la disposition de notre voyeurisme.
Rayhana campe magnifiquement une Mimi attachante, qui n’a pas sa langue dans sa poche (sauf pour le sujet de la guerre qu’elle vit comme un tabou) pour nous transmettre toutes ses émotions.
Les avis divergents du petit groupe d’amis nous rappellent les multiples positions des Français sur la situation en Algérie à l’époque. Des discussions qui nous renvoient irrémédiablement à la situation actuelle, seulement cinquante ans plus tard, et les questions omniprésentes de l’immigration, du racisme, des enfants d’Algériens nés en France, des pieds noirs revenus au pays…
La troupe de "Chez Mimi" (photo : Michel Marteau)
La musique de cette comédie provençale repose sur le personnage de Ricky Norton, le chanteur des dancing du samedi soir chez Mimi. Avec sa banane, son déhanché et sa voix de crooner, il fait danser la troupe sur des reprises telles que "La Bamba" ou "Souvenirs Souvenirs". Le rapport à la musique est un peu différent du registre de la pure comédie musicale (ici, les personnages ne chantent pas leur sentiments ou leur états-d’âmes et ne poussent malheureusement qu’une petite fois la chansonnette) : elle intervient dans la pièce comme elle intervient dans nos vies, sous forme de petites digressions dans une actualité parfois morose. [NDLR : seuls un numéro collectif et un solo de Mimi en arabe tendent à se rapprocher d’une expression musicale théâtrale].
Chez Mimi est une petite pastille rétro qui n’est pas dénuée de charme avec son ambiance colorée et dansante et son sujet sensible : un mélange explosif d’émotions intenses et de saynètes légères.
Chez Mimi, de Aziz Chouaki
Au Vingtième Théâtre
7 rue des Plâtrières, Paris XXème
Du 7 septembre au 30 octobre 2011
Réservations au théâtre et dans les points de vente habituels
Mise en scène: Frédérique Lazarini ; décors et lumières: François Cabanat ; costume: Édouard Funch ; chorégraphie: Françoise Munch ; son: Joël Simon
Avec: Rayhana, Ricky Norton, Didier Lesour, Amélie Gonin, Fabrice Josso, Ian Fénelon, Elsa Agnès, Lydia Nicaud.