Critique : "Croquefer / L'Île de Tulipatan" à l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet

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Critique : "Croquefer / L'Île de Tulipatan" à l'Athénée Théâtre Louis-JouvetLa compagnie de théâtre lyrique Les Brigands met à nouveau à l’honneur Offenbach en présentant deux opéras bouffe en un acte servis par une troupe délirante.

Il n’est jamais trop tard pour découvrir Offenbach. L’Athénée Théâtre Louis-Jouvet programme actuellement deux nouvelles mises en scène des Brigands qui s’intéressent à des œuvres moins célèbres du compositeur de La Belle Hélène et La Vie Parisienne.

Croquefer

La première partie, dévolue à Croquefer, ou Le Dernier des Paladins, donne le ton dès le lever de rideau avec ses personnages fantasques aux noms croustillants : Croquefer, "chevalier sans foi et sans pudeur", a enlevé Fleur-de-soufre, la fille de son rivale Mousse-à-Mort, un chevalier estropié et muet qui l’effraie en dépit de sa décrépitude. S’il espère se servir de la donzelle comme monnaie d’échange pour mettre un terme à une guerre de 23 ans qui l’a ruiné, Croquefer rencontre la résistance de Boutefeu, son écuyer belliqueux empli d’ambition, à qui il ne parvient pas à tenir tête. Le quatuor de pacotille se fait quintette à l’arrivée de Ramasse-la-Tête, neveu de Croquefer et, en secret, amant de la captive…

Croquefer

De chorégraphies idiotes en blagues pipi-caca, Croquefer tourne en dérision l’opéra pour le plus grand plaisir des amateurs d’opéra bouffe et celui des néophytes habituellement rebutés par trop de lyrisme.
Si le livret (d’Adolphe Jaime et Étienne Tréfeu) ne parvient pas à maintenir une tension continue, la troupe, qui s’adonne avec bonheur à ce jeu puéril digne d’une cour de récré, déploie en revanche une énergie infaillible pour faire rire le public. Leur terrain de jeu (signé Thibaut Fack) est un décor de poche génial dans lequel la forteresse du personnage titre prend de faux airs de château de sable noir. Elle est surplombée d’un miroir géant dont le mise en scène de Jean-Philippe Salério tire magnifiquement parti : parfois allongés au sol, les comédiens nous paraissent alors, dans le reflet du miroir, juchés au sommet de la structure ou en suspension dans les airs.

Croquefer

L’Île de Tulipatan

Le miroir se fait galerie des Glaces dans un second acte délicieux consacré à L’Île de Tulipatan. Créé en 1868 (la même année que La Périchole), ce second opéra bouffe plus sobre dans sa mise en scène surpasse le premier dans l’écriture de son livret signé Henri Chivot et Alfred Duru. Bien que cousue de fil blanc, l’intrigue, riche en secrets mis au jour et rebondissement absurdes, est irrésistible. Travestissement et confusion des genres en forment le cœur, avec les personnages d’Alexis, le "fils" trop sensible de Cacatois XXII, duc de Tulipatan, et la "fille" d’Octogène Romboïdal (son Grand Sénéchal), Hermosa, grand amatrice de tintamarre et garçon manqué.
Dans le rôle de cette dernière, Flannan Obé (La Nuit d’Elliot Fall ; L’Envers du Décor), qui interprète Croquefer dans la première partie, remporte en une fraction de seconde l’adhésion du public lorsqu’il paraît dans une robe blanche diaphane, chaussé de godillots. Hilarant dans ce rôle de princesse du tambour autant qu’excellent dans l’interprétation des airs d’Offenbach, il ressemble sous sa perruque à une Claire Pérot blonde qui reprendrait avec outrance son rôle de Sally Bowles dans Cabaret.

Tulipatan

Emmanuelle Goizé, décapante en Boutefeu crasseux dans Croquefer, se métamorphose en prince rougissant de Tulipatan. Lara Neumann (Lucienne et les Garçons), légèrement en retrait dans la première partie dans laquelle elle campe Fleur-de-soufre, fait des merveilles dans le rôle de Théodorine, la mère d’Hermosa, qui perd le contrôle lorsque son plus lourd secret doit être dévoilé.

L’humour fait mouche, la musique nous entraîne, et c’est l’intégralité du public, des quelques petits présents aux plus grands, qui s’esclaffe de bon cœur.
Un programme rafraîchissant et charmant qui vaut le détour !


Croquefer ou Le Dernier des Paladins / L’Île de Tulipatan, par la Compagnie Les Brigands

Athénée Théâtre Louis-Jouvet
7 rue Boudreau – 75009 Paris

Du 20 décembre 2012 au 13 janvier 2013

Et le 15 janvier au Fanal Scène Nationale à Saint-Nazaire (44).

Croquefer ou Le Dernier des Paladins
Opérette bouffe de Jacques Offenbach ; livret : Adolphe Jaime et Étienne Tréfeu

suivi de L’Île de Tulipatan
Opéra bouffe de Jacques Offenbach ; livret : Alfred Duru et Henri Chivot.

Direction musicale : Christophe Grapperon ; mise en scène : Jean-Philippe Salério ; chef de chant : Nicolas Ducloux ; orchestration : Thibault Perrine ; chorégraphie : Jean-Marc Hoolbecq ; scénographie et lumières : Thibaut Fack ; costumes : Élisabeth de Sauverzac ; maquillages : Catherine Nicolas.

Avec : Loïc Boissier (Mousse-à-mort / Cacatois XXII), Emmanuelle Goizé (Boutefeu / Alexis), Lara Neumann (Fleur-de-soufre / Théodorine) Flannan Obé (Croquefer / Hermosa). Et en atlernance : François Rougier et Olivier Hernandez (Ramasse-la-tête / Romboïdal)

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