Les esprits chagrins et les critiques auto-proclamés puristes de l’œuvre auront un peu trop vite enterré cette version de Hair. 2009 est le quarantième anniversaire de ce musical monumental qui bouscula dès 1967 le monde musical off-Broadway pour son ton peu conventionnel.
Or, le Trianon accueille cette année une adaptation qui fonctionne plutôt bien. Même si elle reste louable et légitime, cette remise au goût du jour n’a sans doute pas le mordant du contexte original, mais l’œuvre reste ce qu’elle est : une déclaration d’amour à toutes les libertés, sous psychotropes, devenue un divertissement reconnu suite à diverses adaptations sur scènes ou à l’écran (le film de Milos Forman date de 1979).
Le spectateur est sans doute déconcerté de voir évoluer ces personnages colorés (les costumes ne m’ont pas particulièrement convaincu). Ils se présentent tour à tour en chansons et, alors que tourbillonnent ces airs plus ou moins connus, on se perd dans une narration qui paraît inexistante. Ce n’est pas pour rien que Hair est ainsi devenu le premier musical "concept" où la narration passe au second plan derrière le message. Cette absence de récit structuré agit donc tel un tableau impressionniste, dépeignant touche par touche une scène générale et permettant à l’esprit de Hair de souffler sur la salle.
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Il est à noter que la barrière de la langue peut être ressentie : le parti pris de ne traduire qu’une sélection de chansons et l’absence de sous-titres pour les autres sont questionnables… Ned Grujic, le metteur en scène à qui l’on doit récemment l’adaptation de Fame au théâtre Comédia, réussit un beau travail de direction. Si certains tableaux sont moins pertinents que d’autres, l’utilisation de l’espace, le dynamisme et l’humour font souvent mouche.
Un gros défaut subsiste pourtant : les arrangements musicaux. Ceux-ci semblent tout droit recréés à l’improviste sur un Bontempi au milieu des années 1980. On se demande quelles ont pu être les motivations éclairant un tel choix artistique. Certains "remixes" de numéros très rythmés sont pourtant les bienvenus, mais la majorité des balades sont massacrées par une guimauve sonore ô combien regrettable. N’arrageant rien, la musique n’est pas jouée en direct. Un penchant de certaines (pourtant grosses) productions qui sera, je l’espère, vite corrigé dans les années à venir.
Les acteurs sur scène, tels la tribu qu’ils incarnent, dégagent un parfum d’énergie, d’harmonie et de bonne humeur quasiment palpable. Le professionnalisme des interprètes, autant au niveau du chant (même si la diction anglaise n’est peut-être pas leur fort) que de la comédie est à saluer. Laurent Ban en tête : il est un Berger plein de peps à la plastique peut-être un peu trop impeccable mais au charisme évident. Dans le rôle de Claude ce soir-là en remplacement de Fabian Richard, Gregori Baquet semble s’amuser et savoure son bonheur avec le public. On remarquera également Magali Bonfils avec son grain particulier et Antoine Lelandais dans un rôle clownesque requérant beaucoup de talent. Yoni Amar campe un personnage complexe avec réussite. Mon doute sur la pertinence de costumes si fluos et si 80s ressurgit ici en pensant à l’accoutrement de ce pauvre Ronny : parfait croisement entre un danseur de Cher et un chasseur maori…
Finalement, un annivers’hair réussi !
Pierre Stril
Hair, livret et paroles de Gerome Ragni et James Rado, musique de Galt MacDermot. Avec Fabian Richard (Claude), Liza Pastor (Sheila), Laurent Ban (Berger), Magali Bonfils (Dionne), Antoine Lelandais (Woof), Melusine (Crissy), Caroline Bal (Mary), Tiphanie Doucet (Jeanie), Yoni Amar (Julia Giamette (Leata), Yvana Verbecq (Linda), Billy Tran (Steve), Marc Beaujour (Hud) et Daniel Delyon (Walter).
Au Théâtre le Trianon, 80 boulevard Rochechouart 75018 Paris. Du mardi au samedi à 20h00, le dimanche à 15h30.
Site officiel : www.hairmusical.fr