Comme nous vous l’avions annoncé récemment, vous pouvez retrouver Laurent Ban dans une adaptation musical d’Hamlet, l’œuvre de Shakespeare du 17 au 23 février à l’Espace Cardin. Musical Avenue a participé à la générale de presse. Essere o non essere… Être ou ne pas être ? Nous connaissons tous le fameux dilemme du prince Hamlet. Telle est la question, dit-il. Ce n’est malheureusement pas la seule que l’on se pose devant le spectacle.
Etre ou ne pas être trop long
Le paradoxe de ce spectacle, c’est qu’il réussit à la fois à paraître court, précipité, voire à bâcler l’histoire et toutes ses subtilités originelles, et en même temps à paraître long, monotone, semblant ne plus finir. Ce contraste rythmique est créé tout d’abord par la succession hâtive de ces tableaux qui résume, dans les grandes lignes, la légende d’Hamlet. Les scènes chantées s’enchaînent, décrivent l’action et laissent peu de temps au spectateur pour respirer.
Parallèlement, à l’intérieur de chaque scène, il semblerait que le parti ait été pris de faire de chaque dialogue, de chaque tirade, de chaque monologue, une chanson de deux minutes trente environ. Là où Shakespeare avait pris soin de rythmer son œuvre à la fois par de longs et tortueux monologues et par des scènes courtes où l’essentiel est déclamé aussi vite qu’un coup de poignard, ici, chaque propos est soumis à des refrains et à des couplets sempiternels, puis encore des refrains, qui sont ensuite repris une nouvelle fois en chœur… Résultat, le propos perd totalement de son efficacité et certains spectateurs sont littéralement "bercés" par la musique.
Etre ou ne pas être trop
Est-ce un autre parti pris de brouiller les pistes à savoir si l’on est face à un opéra ou autre chose ? Si le genre n’est pas clair, le jeu d’acteur semble pourtant laisser deviner quelques pistes : on est dans le "surjeu" en permanence. On déclame, on hurle, on pleure, on se jette par terre, on gigote dans tous les sens, on lève les yeux au ciel, on lève les bras au ciel, on tend sa main vers le ciel…… C’est pompeux, c’est "vintage", c’est épuisant. Le plus triste, c’est que c’est parfois drôle quand ce n’est pas censé l’être. Le pire, c’est que ça laisse le spectateur totalement hermétique à l’émotion. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir un matériau propice à toute une palette diverse de sentiments entre les mains.
Etre ou ne pas être juste un effet
Si le style musical, lui non plus, ne semble pas trop défini, entre ballades, mélodies de variété, opérette, airs créés au synthétiseur, le cadre espace-temps bouscule nos repères. Tout d’abord à travers un univers minimalisme, la scène se résume à un cyclo sur lequel sont projetés des images « épurées », qui, encore une fois se révèlent d’un contraste des plus étonnants, car elles font parfois preuve d’une intelligence de mise en scène (notamment le spectre du père d’Hamlet) et parfois d’un pseudo-ésotérisme incompréhensible au non-initié, quand elles ne se contentent pas tout simplement de faire belle plante.
Sans parler des costumes, conçus spécialement à l’occasion par le créateur Pierre Cardin, dont les paillettes et les teintes métallisées pourraient également parfaitement s’intégrer au spectacle D.I.S.C.O. ou à un épisode de La Guerre des Etoiles. Mais, pour le coup, on peut tout de même admettre reconnaître la patte de l’artiste. Après, des goûts et des couleurs…
Etre ou ne pas être tout simplement
A la question : qu’a voulu dire l’auteur de l’adaptation ? On reste sans réponse. On est comme Hamlet, on ne sait pas comment réagir. On ne sait que penser, on est assailli de doutes. On connaît tous l’histoire d’Hamlet. On aime la découvrir et la redécouvrir sous de nouveaux angles, de nouvelles perspectives, à travers des doubles lectures. On peut la faire résonner en nous comme un miroir qui nous ressemble aujourd’hui. Ici, on semble qu’en faire simplement l’exposé. Aucun point de vue. Rien de neuf sous le soleil. Au mieux, un cours de rattrapage si on avait oublié quelques passages depuis le temps qu’on ne l’avait pas lu.
C’est un spectacle pour un public averti. Un public, qui soit comprend l’italien couramment (pas de surtitrage), ou connaît déjà la pièce. L’avantage, c’est que le "surjeu" permettra de faire comprendre à ceux qui manquent de l’un ou l’autre ("ah, c’était peut-être pour ça?"). On peut tout de même saluer les prestations vocales des artistes sur scène ainsi que leur endurance, spécialement celle de Laurent Ban qui enchaîne tirades chantées sur tirades chantées. Les chansons auraient également pu avoir de la place pour quelques compliments qui vanteraient leur potentiel, si seulement nous n’avions pas eu l’impression d’entendre la même chose pendant plus de deux heures… Dommage.
Hamlet, de Daniele Martini d’après l’oeuvre de William Shakespeare
Du 17 au 23 février 2014
A l’Espace Pierre Cardin à Paris
Réservation au théâtre et dans les points de vente habituels.
Costumes : Pierre Cardin ; Arrangement et Orchestration : Giancarla Di Maria ; Son : William Antico ; Mise en Scène : Daniele Martini
Avec : Laurent Ban, Guiseppe Cartella, Heron Borelli, Ilaria de Angelis, Valentina Spreca, Luca Marconi, Daniele Martini, Pabrizio Voghera.