Nous avions quitté le Théâtre Mogador le 25 septembre dernier après une présentation très réussie des coulisses et répétitions de La Belle et la Bête, nouvelle production de Stage Entertainment pour la saison 2013-2014. À la veille de la première de gala du 24 octobre, nous avons pu découvrir le spectacle en avant-première. La production française est-elle à la hauteur de ce spectacle qui a tenu l’affiche pendant treize ans à Broadway ?
Les origines de l’histoire de La Belle et la Bête sont lointaines, mais les adaptations modernes puisent leurs racines dans le recueil Magasin des enfants de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont paru en 1757. Quant au musical, il s’inspire directement du dessin animé des studios Disney sorti en 1991. Après avoir repoussé une mendiante à l’apparence misérable, un jeune prince capricieux et égoïste est transformé en bête par celle qui se trouve être une fée. Il ne recouvrera son apparence humaine que s’il parvient à aimer une femme et s’en faire aimer en retour.
Comme souvent dans les productions de Stage Entertainment, la grande force du spectacle réside dans sa troupe, qui est une nouvelle fois de grande qualité. En particulier, le trio constitué par Dan Menasche (Cabaret aux Folies Bergère; Mamma Mia! à Mogador), David Eguren (Le Roi Lion à Mogador) et Léovanie Raud (Zorro aux Folies Bergère ; Sister Act à Mogador) respectivement dans les rôles de Lumière, Big Ben et Mme Samovar, est absolument magique et ravit les spectacteurs à chaque apparition. Dans la même veine, le duo constitué par Alexandre Faitrouni (Le Fou), que nous avons interviewé récemment, et Alexis Loizon (Gaston) fonctionne remarquablement bien.
Si leurs performances sont plutôt encourageantes, Manon Taris (Les Misérables à Lausanne ; Sister Act à Mogador) et Yoni Amar (Les Misérables à Lausanne ; Sister Act à Mogador) semblent encore éprouver le besoin de trouver leurs marques, leurs prestations dans les rôles titres manquant encore par moments de relief. En particulier, les séquences entre Belle et son père (Didier Clusel) manquent énormément de fluidité. Nul doute qu’au fil des représentations, les artistes se sentiront de plus en plus à l’aise. Les ensembles fonctionnent très bien, que ce soit dans le village ou au château de la Bête, et les harmonies vocales sont de toute beauté.
Entraînés par une oeuvre originale de grande qualité, les spectateurs se laissent facilement emporter par cette histoire d’amour universelle. A ce titre, l’adaptation de Nicolas Nebot (chansons additionnelles) et Ludovic-Alexandre Vidal (livret), qui avaient déjà œuvré sur Sister Act, est très fluide et intègre parfaitement les chansons du film original. Cependant, la magie n’opère pas totalement, pour des raisons essentiellement techniques. D’abord, comme nous le redoutions, le nombre de musiciens dans l’orchestre est insuffisant pour une si belle partition, même si cette lacune se fait naturellement oublier au fil des scènes.
Ensuite, la mise en scène donne l’impression que le plancher du théâtre Mogador est trop étroit pour accueillir les tableaux les plus complexes. On y trouve également quelques maladresses, comme ces incessants déplacements latéraux pour concrétiser de longues marches. Les acteurs sont pourtant bien dirigés, c’est bien l’idée générale de la mise en scène qui est un peu décevante.
La technique qui en découle n’est bien souvent pas à la hauteur de l’ambition du spectacle. Plus exactement, l’ensemble des ficelles a vieilli, et il aurait sans doute mieux valu recréer une mise en scène avec les moyens du XXIème siècle. Ainsi, nous aurions moins vu ces rails pour guider certains éléments de décor et tous ces petits détails un peu trop visibles qui nuisent à la magie des effets spéciaux. Malgré tout, beaucoup de tableaux sont très beaux, comme par exemple "C’est la fête", très apprécié dans la salle, "Apprendre à l’aimer", "Histoire éternelle" et la transformation finale qui est absolument saisissante, même si on est loin des moyens de la version de Broadway.
Contrairement à l’esthétique américaine ou anglaise, la scénographie de la version française est très "cartoon". Le jeune public est ravi, mais le propos aurait pu (dû ?) donner lieu à un traitement plus adulte dans les décors, notamment ces paysages dessinés en fond. A contrario, le château de la Bête et les décors associés sont ingénieux et majestueux. Enfin, les costumes sont particulièrement réussis, avec une mention spéciale pour le maquillage de La Bête et les costumes de ses serviteurs.
Finalement, nous avons passé un agréable moment au Théâtre Mogador. Si elle reste très au-dessus du niveau général des adaptations françaises de musicals anglo-saxons, l’adaptation de La Belle et la Bête se place un cran en-dessous de celles de Le Roi Lion, Cabaret, ou Sister Act. La production que nous avons vue date de sept ans, le spectacle en a vingt, et ça se traduit dans le résultat. Il reste encore du chemin avant que Paris ne dispose des théâtres et des moyens de Broadway ou de Londres.
Ceci dit, il serait dommage de passer à côté d’un joli specta
cle qui ravira petits et grands, et notamment les fans du dessin animé qui y verront une adaptation très fidèle.
Crédits photos : Brinkhoff & Mögenburg ©Disney
Merci à Baptiste Delval pour sa collaboration dans la rédaction de cette critique.
La Belle et la Bête, de Linda Woolverton (livret), Alan Menken (musiques), Howard Ashman et Tim Rice (paroles)
A partir du 24 octobre 2013
Théâtre Mogador,
25 rue de Mogador
75009 Paris
Adaptation du livret : Ludovic-Alexandre Vidal ; Adaptation des paroles : Claude Rigal-Ansous (chansons du film) et Nicolas Nebot (nouvelles chansons) ; Mise en scène : Glenn Casale assité de Véronique Bandelier ; Chorégraphe : Jeroen Luiten.
Avec Manon Taris (Belle), Yoni Amar (La Bête), Alexandre Faitrouni (Lefou), Alexis Loizon (Gaston), Alix Briseis (Plumette), Dan Menasche (Lumière), David Eguren (Big Ben), Didier Clusel (Maurice), Léovanie Raud (Mme Samovar) et Gabriella Zanchi (Mme Grande Bouche).
Ensemble et swing : Alain Tournay, Alex Arce, Camille Mesnard, Céline Vogt, Dalia Constantin, Gregory Gonel, Jérémy Deglise, Joseph Dockree, Lucas Raziejewski, Ludivine Bigéni, Marie Glorieux, Olivier Podesta, Paula Ferreira, Julien Mior, Sofia Nait, Stoyan Zmarzlik, Angelo Difiglia, Cerise Calixte, Kirill, Virginie Ramis, et Yves Adang.