La Nuit d’Elliot Fall se joue au Vingtième Théâtre depuis le 3 novembre. Mimi est très malade, elle n’est pas jolie, mais elle est très malade. Les fleurs poussent sur son lit et la consument peu à peu. Alors que sa mère désespère de voir la fortune et le manoir de la famille tomber aux mains du machiavélique comte Lovejoy si sa fille venait à mourir, son médecin retrouve une ancienne prophétie. Le baiser d’un certain Eliott Fall pourrait peut-être sauver Mimi. Preciosa, sa gouvernante, part aussitôt à sa recherche alors que la nuit tombe sur Moon Island…
Dans un monde où les gens ne croient plus à la magie et où les héros des contes (pour enfants) ont dû se reconvertir, Vincent Daenen (textes) et Thierry Boulanger (musique) nous offrent une fable à la Tim Burton pour le moins incongrue. Les Trois petits cochons tiennent un cabaret douteux, le grand méchant loup se travestit en prostituée sanguinaire et les ours de Boucle d’or boivent du scotch dans un cimetière.
Pour une première pièce jouée, l’auteur donne un texte poétique et drôle. Thierry Boulanger, qui n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine (C’est pas la vie ; Jusqu’aux dents ; Esprit es-tu là ? de Stéphane Laporte) signe 14 chansons jazzy/cabaret assez efficaces servies par un trio de musiciens. Il ose, à la fin du spectacle, un chœur a cappella de toute beauté.
Servi par une pléiade d’acteurs hors pair dont certains s’étaient déjà illustrés dans Le Cabaret des hommes perdus (on retrouve avec bonheur la grâce androgyne de Sinan Bertrand et la gouaille inimitable de Denis d’Archangelo), Jean-Luc Revol livre une mise en scène magistrale réglée au millimètre. Les tableaux s’enchaînent, les créatures les plus loufoques se mettent à faire des claquettes, le petit chaperon rouge fait du lap dancing (on reste sans voix – alors qu’elle n’en manque pas – devant la souplesse de Sophie Tellier). Une mention spéciale pour les décors de Sophie Jacob et les costumes d’Aurore Popineau qui nous font plonger au cœur de l’ambiance strass et gothique de Moon Island.
Perdu quelque part entre Moulin Rouge et Batman, entre Faust et les Contes d’Hoffmann, on ne sait plus exactement quel est notre âge : on voudrait tout autant s’endormir dans les bras de Christine Bonnard en ourson au cœur tendre qu’inviter Olivier Breitman, envoûtant méchant à paillettes, à danser le tango. Quant à Flannan Obé, son Elliott hésitant et quelque peu incrédule offre un contrepoint intéressant aux exubérances de ses petits camarades.
"Vous rirez comme ce n’est pas permis" nous promet Revol et il a raison. Alors, ne languissez plus, courrez au Vingtième passer la nuit avec Eliott Fall ! Attention, le réveil n’est pas garanti…
Crédits photo : Claire Besse
La Nuit d’Elliot Fall, de Vincent Daenen
Du 3 novembre 2010 au 27 février 2011
Du mercredi au samedi à 21h30 et le dimanche à 17h30
Vingtième Théâtre
7 rue des Plâtrières
75020 Paris
Mise en scène : Jean-Luc Revol ; Assistant mise en scène : Laurent Courtin ; Musique originale : Thierry Boulanger ; Décor / scénographie : Sophie Jacob ; Costumes : Aurore Popineau ; Lumière : Philippe Lacombe ; Chorégraphies : Armelle Ferron.
Avec : Denis d’Arcangelo, Sinan Bertrand, Sophie Tellier, Christine Bonnard, Olivier Breitman, Flannan Obé.