Lorsqu’on s’apprête à assister à une "opérette barge" mise en scène par Bernard Menez, dans laquelle les femmes sont des hommes, et les mâles des hommelettes, on s’attend à tous les délires. Et on est encore loin de la réalité ! De pirouettes rocambolesques en saillies dignes des plus grands philosophes de comptoirs, tous les fusibles pètent à tour de rôle dans cette comédie musicale surréaliste.
Xavier, le "Gros", est enceint de Paul, son compagnon. Les deux hommes mènent une existence modèle de couple homo bien rangé dans leur petit pavillon cosy, dont la quiétude et le bonheur vont voler en éclat avec l’arrivée de leurs tatas (Tante Schmurtz et son mainate, et Tante Chose), deux harpies qui s’exècrent.
La cohabitation s’annonce d’autant plus chaotique que Xavier arrive à terme prématurément, donnant naissance à un rejeton qui dégoûte tout le monde. Once de finesse charnelle dans ce grand capharnaüm, la petite troupe reçoit à intervalle régulier la visite d’un joli minet exhibitionniste tantôt pompier, infirmier, ou livreur de pizzas… Mais où est la vache dans tout ça ?
Âmes sensibles s’abstenir !
Amoureux de la poésie et de la dramaturgie… allez donc vous faire mettre un bon coup de pied au séant avec cette comédie musicale follement tordue !
Cette pièce — à ne pas mettre devant tous les yeux — est un cirque indéfinissable et irrévérencieux dont l’humour trash est sans limite.
Les clichés de la comédie musicale (bons sentiments ; chorégraphies guillerettes ; mélodies gentilles) y sont tournés en dérision. L’auteur les dépoussière à grand coup de salaceries, dans un vocabulaire qui n’a rien à envier aux petites annonces hard entre gays sado-maso.
Avec la volonté ouvertement affichée de choquer, la vulgarité du livret et de la mise en scène (peu avare en fesses glabres et zizis à l’air) produit son petit effet et les spectateurs les plus raffinés ont tôt fait de déguerpir.
Mais derrière les grivoiseries de cette bande de joyeuses tapettes, quel propos l’auteur a bien voulu dissimuler ? On y parle de sexe (bien sûr), mais aussi d’amour, de vie et de mort. Tous les ingrédients d’une existence réussie ! Bienheureux ceux et celles qui y découvriront une interprétation intellectuelle tant le propos du Gros, la Vache et le Mainate semble être d’offrir un pur cartoon barjot.
Pierre Guillois (l’auteur) s’en justifie, et concède que le contenu narratif de la pièce n’est qu’un prétexte à une suite de numéros de cabarets déjantés.
Au passage, les petites valeurs bourgeoises (auxquelles nombre d’hommes et de femmes homos aspirent de plus en plus) en prennent pour leur grade.
L’équipe de cette opérette barge est on ne peut plus hétéroclite. Pierre Guillois, qui en signe le texte et interprète le rôle de Paul, était encore il y a peu directeur du Théâtre du Peuple de Bussang où la pièce a été créée.
Son metteur en scène, Bernard Ménez, plus connu pour ses comédies de boulevard et son disque d’or "Jolie Poupée", a fait ses gammes dans d’autres spectacles musicaux comme La Belle de Cadix.
Olivier Martin-Salvan (Ô Carmen) est brillant dans le rôle de l’homme-mère grassouillet.
Jean-Paul Muel, éternel second rôle des comédies françaises au cinéma (Papy fait de la résistance ; Les Visiteurs…), fait montre d’une truculence qui n’est pas sans rappeler Jean-Claude Dreyfus. En tante indigne, il donne la réplique à Pierre Vial, sociétaire honoraire de la Comédie Française, charmant en petite vieille.
Luca Oldani complète le tableau de famille dans le rôle du gogo de service.
Toute la troupe donne de la voix sur des chansons originales composées par François Fouqué, tantôt envolées lyriques, numéros de cabarets, balades jazz, ou encore airs guillerets inscrits dans les stéréotypes de la comédie musicale.
En dépit de la dominante licencieuse des paroles, quelques unes de ces chansons, pas toujours polissonnes, montrent l’élégance avec laquelle l’auteur sait aussi manier la plume. On se prend alors à regretter qu’il incombe aux interprètes les moins doués vocalement de les interpréter.
Cabrioles, surprises et catastrophes en tout genre rythment ce spectacle atypique qui donne le tournis. Et on ne vous dis pas tout ! Comme le reste de la salle, nous avons prêté le serment de ne pas révéler les secrets que recèle cette aventure théâtrale dingo. Il vous faudra y aller pour le voir… et pour le croire !
Le Gros, la Vache et le Mainate, de Pierre Guillois
Du 7 février au 3 mars 2012
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h
Au Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt – 75008 Paris
Et en tournée : le 6 mars au Piano’cktail (Bougenais) ; les 9 et 10 mars au Grand R (La Roche sur Yon) ; le 17 mars à la Coupole (Saint-Louis) ; les 3 et 4 avril à la Maison de la Culture (Amiens) ; les 11 et 12 avril à la Halle aux Grains (Blois) ; du 26 au 29 avril au Théâtre du Jorat (Mézières) ; le 15 mai au Théâtre d’Alençon (Alençon).
Texte de Pierre Guillois ; musique
de François Fouqué ; mise en scène de Bernard Menez ; scénographie d’Audrey Vuong ; costumes d’Axel Aust ; lumières de Jean-Yves Courcoux ; chef de chant : Céline Bothorel ; chorégraphies de Sophie Tellier.
Avec : Pierre Guillois en alternance avec Gregory Gerreboo, Olivier Martin-Salvan, Jean-Paul Muel, Luca Oldani et Pierre Vial. Au piano : Laurian Daire en alternance avec Chris Cody.