Le Prince et le Pauvre
Du 1er avril au 27 mai, le mercredi à 14h30 au Vingtième théâtre (de 10 à 12 €), puis du 7 au 12 juillet à 15h30 au Théâtre Trianon dans le cadre du festival Les Musicals (de 19 à 25 €, réduction avec le pass festival).
Marius du meilleur spectacle jeune public en 2008.
Ludovic-Alexandre Vidal et Julien Salvia nous invitent à (re)découvrir le célèbre conte de Mark Twain.
L’histoire démarre lorsque le prince de Galles, Edouard Tudor, rencontre Tom Canty, un enfant des rues. Constatant leur ressemblance frappante, les deux enfants décident de changer de vêtements et d’identité afin de vivre la vie de l’autre pour quelques heures. Ce jeu innocent va virer au cauchemar quand le terrible Lord Hertford, l’oncle du prince, décide de profiter de ce jeu et de la mort du roi pour s’emparer du trône…
Sous ses airs de spectacle pour enfant, Le prince et le pauvre s’avère finalement être une comédie musicale tous publics qui s’adresse également aux adultes, à travers de nombreuses références et allusions (dont un désopilant "God Save the King" sur le final). Grâce à une mise en scène épurée et dynamique, les artistes nous plongent dans le vieux Londres du XVIème siècle qui abrite des pauvres très pauvres, et des riches souvent indifférents. Les textes de Ludovic-Alexandre Vidal sont à la fois accessibles, percutants et sophistiqués, tandis que les musiques de Julien Salvia nous replongent avec délice dans une ambiance proche de celle des mythiques films d’animation musicaux des studios Disney.
La variété des rythmes et des mélodies nous invite dans un univers musical très riche, d’un swing très Bob Fosse au lyrisme qui n’est pas sans nous rappeler Jekyll & Hyde ou Les Misérables. Les chorégraphies, à la fois amusantes et bien construites, permettent de mettre en valeur les nombreux tableaux de groupe, qui constituent sans conteste l’une des forces de ce tandem d’auteurs. Julien Salvia explore d’ailleurs avec talent toute la palette des possibilités vocales de sa troupe, maîtrisant les facettes du chant en groupe si prisé outre-Manche et outre-Atlantique : chant à plusieurs voix, harmonies, canons… Le résultat est un ravissement pour les yeux et pour les oreilles, même si le piano seul peine par moments à soutenir efficacement les huit comédiens. Il serait judicieux d’enrichir l’accompagnement musical d’une orchestration plus fouillée, avec quelques musiciens supplémentaires, afin de donner au spectacle une autre dimension.
Les personnages sont admirablement campés, et les deux auteurs ont su insuffler énormément d’humour et d’émotion à leur spectacle. On appréciera la performance de Jeanne Reggiani, une dame Edith rafraîchissante en serveuse de bistrot, et bien sûr celle du ténébreux Lord Hertford, interprété par David Koenig, absolument formidable sur les rythmes tango sardoniques, si adaptés à son personnage de méchant. Le duo qu’il forme avec Gustave, son serviteur idiot, incarné par un François Borand hilarant, est absolument croustillant. Enfin, le choix d’utiliser des jeunes femmes pour incarner les deux enfants (Gaëlle Gauthier et Vanessa Cailho) est tout à fait judicieux, et on se laisse volontiers berner par le talent des comédiennes. Enfin, la mère de Tom (Rachel Pignot) nous prend à la gorge, troublante cousine d’une Fantine dans Les Misérables.
Le fait que la première production du spectacle s’adresse en premier lieu aux enfants induit toutefois quelques scènes peu réalistes empreintes d’une atmosphère kitsch parfois légèrement surfaite. Le spectacle sera d’ailleurs légèrement retouché dans le cadre de la nouvelle production pour le théâtre Trianon, afin de transformer la pièce en véritable spectacle tous publics. En attendant, on se délecte de pouvoir entonner en chœur avec les artistes "Et que toujours ces mots résonnent, un roi n’est rien sans sa couronne, mais un homme n’est rien sans son cœur", lorsqu’ils nous saluent après cette heure et demie de bonheur qu’ils nous ont apportée.
Il nous reste à espérer que ce talentueux tandem d’auteurs prenne la place de choix qu’il mérite dans l’univers parisien du spectacle musical. Il semblerait d’ailleurs que les deux artistes aient quelques nouveaux projets sur le feu…
Le Prince et le Pauvre, une comédie musicale de Ludovic-Alexandre Vidal et Julien Salvia.
Mise en scène : Julien Salvia. Chorégraphies : Johan Nus. Piano : Caroline Gaudfrin ou Sébastien Menard.
Avec en alternance 21 artistes dont Jeanne Reggiani, François Borand, David Koenig, Robert Aburbe, Vanessa Cailho, Rachel Pignot, Anthony Fabien, et Gaëlle Gauthier (cast de la représentation du 21 avril au Vingtième Théâtre présentée ci-dessus).