Le Système de Ponzi, c’est la genèse des plus grandes arnaques financières de ce siècle, la dernière ayant été initiée par le tristement célèbre Bernard Madoff. La pièce retrace l’histoire de Carlo Ponzi, immigré italien fantasque à l’origine de cette utopie financière. Au début du XXème siècle, après des années de galère, Carlo, rebaptisé Charles Ponzi se frotte au rêve américain, et monte à Boston une escroquerie financière, garantissant 50% d’intérêts en 45 jours à quiconque lui confie son argent, ce qui le rend millionnaire en une année. Lorsque les investisseurs veulent se retirer, on les paye avec l’argent des nouveaux venus, jusqu’au moment où le système se rompt et qu’on ne peut plus rembourser tout le monde.
David Lescot, auteur associé au Théâtre de la Ville, produit ici une véritable machine infernale, ascension sans frein d’un escroc espiègle. Si Ponzi n’est pas un enfant de chœur, il apparaît en magicien, croyant presque lui-même à la possibilité que sa chaîne fonctionne finalement et rende tout le monde plus riche. Le comédien Scali Delpeyrat prête à Ponzi sa fraicheur candide et son enthousiasme ; à ses cotés, neuf autres comédiens-chanteurs-musiciens, jouent tour à tour une cinquantaine de personnages, d’un petit village italien aux cours de justice américaines.
La mise en scène est une mine de trouvailles plus originales les unes que les autres, du décor à la fois simplissime et transformable à l’infini ( des tables, tout simplement ) aux costumes, sobrement intemporels. En passant par la musique, non pas accompagnement mais personnage à part entière du théâtre de David Lescot, omniprésente, parfois simple battement en sourdine, parfois sur le devant de la scène au détour d’une chanson de cabaret, elle se pose en fil rouge de cette montée en puissance du système et scande le destin inéluctable de Charles que seul la mort arrêtera.
Si le théâtre aime les escrocs, le portrait fait ici de Ponzi est celui d’un homme pris dans le tourbillon de l’appât du gain, fasciné par les jeux d’argent, les chiffres et leur manipulation ; voulant rendre fière sa mère restée en Italie, couvrir de bijoux et de cadeaux sa femme adorée mais laissée de coté quand il se lance dans ses turpitudes financières, l’engrenage est bien construit et rejette finalement l’inventeur lui-même.
D’un sujet politico-financier peu abordable au départ, David Lescot présente une belle création, enthousiaste et rythmée quasiment tout du long : on regrettera une fin trainant un peu en longueur sans forcément ajouter plus à l’argumentaire de la pièce.
Le Système de Ponzi de David Lescot
Au Théâtre des Abbesses du 25 janvier au 10 février 2012
31 rue des Abbesses, Paris XVIIIè
01 42 74 22 77 et www.theatredelaville-paris.com
En tournée : du 17 au 19 janvier 2012 au Théâtre de l’Union–CDN (Limoges) ; les 17 et 18 février 2012 à la Scène Nationale de Cavaillon ; le 17 février à la Halle aux Grains (Blois) ; du 12 au 17 mars à la Manufacture–CDN (Nancy) ; du 20 au 24 mars à la Comédie de Saint-Étienne ; du 11 au 21 avril au Théâtre National de Strasbourg.
Texte, mise en scène et musique de David Lescot ; scénographie d’Alwyne de Dardel ; lumières de Paul Beaureille ; costumes de Sylvette Desquet
Avec : Scali Delpeyrat, Marie Dompnier, Odja Llorca, Elisabeth Mazev, Céline Milliat-Baumgartner, Charlie Nelson, Jean-Christophe Quenon et les musiciens Clément Landais et Virgile Vaugelade