Depuis le 18 janvier, le Vingtième Théâtre de Paris nous propose une nouvelle création, L’Hôtel des Roches Noires, de Françoise Cadol (livret) et Stefan Corbin (musique). Après plusieurs cycles de lectures prometteurs depuis 2009, le spectacle a trouvé son écrin pour prendre son envol et hanter un public venu nombreux à la première le 18 janvier dernier.
"On joue à cache-cache ?", demande Caroline (Gaëlle Pinheiro) à Willy (Arnaud Denissel), pendant qu’Alfred (Stefan Corbin) joue un air lancinant au piano. Nous sommes dans ce qu’il reste de l’Hôtel des Roches Noires, à Trouville. Celui-ci est hanté par trois fantômes, Willy, Caroline et Lord Hopking (Christian Erickson), qui tuent leur ennui en effrayant les rares promoteurs immobiliers, entretenant l’espoir d’une réhabilitation prochaine de leur cher hôtel. Dévoré de culpabilité suite à la mort de son épouse, Jules (Olivier Breitman), un vivant, entre alors dans l’hôtel pour en faire un centre commercial. Il peut étonnamment voir et parler avec les âmes perdues, qui vont se battre pour lui redonner l’envie de vivre et surtout, de réhabiliter leur cher hôtel.
Incontestablement, la scénographie de Sophie Jacob et les lumières de Thierry Alexandre nous plongent dans une ambiance surréaliste, en dehors du temps et de l’espace, à mi-chemin entre rêve et réalité. Quoique peu créative, la mise en scène de Christophe Luthringer donne les clés nécessaires pour comprendre les interactions entre fantômes et vivants. Mise à part l’insupportable chanson disco de Gloria (star de variétés décatie), la musique est envoûtante, entêtante et contribue joliment à l’ambiance mystérieuse et énigmatique de la pièce.
En revanche, bien que le livret de Françoise Cadol dégage une certaine poésie, le résultat déçoit. L’émotion, voir le malaise bouleversant du spectateur sont systématiquement gâchés par des séquences plus ou moins drôles, en témoigne le personnage inutile, voir insupportable, de Gloria joué par une toujours excellente Ariane Pirie. On a comme l’impression que l’auteur s’est sentie obligée de donner à sa pièce des allures comiques, nuisibles, selon nous, à la qualité de la pièce.
Cela étant dit, il est impossible de ne pas souligner le formidable talent de la belle troupe de comédiens. A noter une nouvelle fois la performance exceptionnelle d’Olivier Breitman (Le Roi Lion), alors que Gaëlle Pinheiro (Frankenstein Junior ; Spamalot) et Arnaud Denissel (Spamalot) prouvent qu’il est tout à fait possible d’allier de belles dispositions vocales à d’excellentes qualités de comédien.
Malgré une idée de départ originale et plutôt intéressante, cette comédie musicale ne nous aura pas totalement convaincus. Alors que la pièce propose par moments une véritable réflexion toute en poésie sur le deuil, la culpabilité, et le souvenir, le livret est pollué de facéties inutiles qui gâchent quelque peu la pièce. L’Hôtel des Roches Noires n’en demeure pas moins une jolie création, qui ne laissera certainement pas indifférents les spectateurs mystiques, ou simplement curieux.
Photos : Ah Kye
L’Hôtel des Roches Noires, de Françoise Cadol et Stefan Corbin
du 18 janvier au 4 mars 2012
du mercredi au samedi à 19 h 30 et le dimanche à 15 h
Vingtième Théâtre
7 rue des Plâtrières
75020 Paris
le 6 mars 2012 au CAC de Meudon (2 représentations)
le 9 mars 2012 au Théâtre Roger Barat, Herblay (2 représentations)
le 17 mars 2012 au Sud-Est Théâtre, Villeneuve Saint-George
le 27 mars 2012 au Théâtre André Malraux, Rueil-Malmaison
Assistant à la mise en scène : Xavier Simonin ; Chorégraphe : Sophie Tellier ; Scénographe : Sophie Jacob ; Éclairagiste : Thierry Alexandre ; Concepteur sons : Franck Gervais ; Costumes : Aurore Popineau ; Vidéaste : Nicolas Maisse ; Ingénieur du son : Xavier Robin ; Coiffeur, maquilleur : Antoine Wauquier.
Avec Ariane Pirie, Gaëlle Pinheiro, Françoise Cadol, Olivier Breitman, Christian Erickson, Arnaud Denissel, Stefan Corbin.