Durant tout le mois de janvier, le Théâtre de l’Opprimé laisse carte blanche au collectif Le Foyer qui y présente notamment sa création Nica’s Dream, mêlant jazz et théâtre.
"Si on t’accordait trois souhaits qui devaient se réaliser sur le champ, que souhaiterais-tu ?"
Telle est la question que Pannonica de Kœnigswarter (surnommée Nica), baronne issue de la branche anglaise de la famille Rothschild, a posé à trois cents amis musiciens de jazz qu’elle photographie au Polaroïd de 1961 à 1965.
De leurs réponses (tantôt poétiques, tantôt désespérées, parfois cyniques et souvent utopiques) est né le livre Les Musiciens de Jazz et leurs Trois Vœux, publié en 2006 grâce au travail de sa petite fille Nadine et de Frédéric Pajak.
Le musicien, comédien et metteur en scène Louis Caratini (La Mégère à peu près apprivoisée) a décidé de redonner vie à ces réponses au travers d’un spectacle musical, à mi-chemin entre documentaire et concert, réunissant un groupe de musiciens jazz et un quatuor de comédiens.
Parmi ces derniers, on retrouve notamment Olivier Dote Doevi (Transparence ; La Mégère…) et Renaud Boutin (La Vie Parisienne) aux côtés de Benoît Felix-Lombard et Pierre-Antoine Chevallier.
Tour à tour, ils interprètent une centaine de personnages et leurs réflexions sur la vie, le monde, la musique, l’amour, la richesse ou les races. Les fils rouges (parfois drôles) sensés mettre en perspective le concept – à travers le prisme d’une émission de radio, de confessions de prisonniers, de discussions de boudoir ou de conversation sur un trottoir en hiver – ne parviennent pas à rendre digeste ce pêle-mêle épuisant de réponses et de vœux. La mise en scène trouve rapidement ses limites et fait de Nica’s Dream un exercice de style systématique qui tourne autour de réponses en trois temps.
La musique, brillamment interprétée par le Caratini Bebop Quartett, n’aide malheureusement pas non plus à alléger cet objet théâtral très conceptuel : elle intervient entre deux séquences sans jamais réussir à se fondre avec le théâtre (à l’exception peut-être d’un sketch durant lequel chaque comédien mime la musique jouée en live, avec plus ou moins de talent). Les deux cohabitent avec maladresse, et les comédiens sont la plupart du temps spectateurs des envolées musicales tout comme les jazzmans (et la jazzwoman) restent de simples observateurs durant la majorité du spectacle.
On regrette d’autant plus de ne pas adhérer à Nica’s Dream que les réponses issues du travail de Pannonica, l’amie des jazzmans, soulèvent de nombreuses questions politiques, sinon philosophiques, et suscitent la réflexion sur des thèmes variés, y compris la musique ("qu’est-ce que la bonne musique ? existe-t-il de la mauvaise musique ?").
La réponse la plus cinglante et la plus mémorable restera celle de Miles Davis qui, résumant en deux mots la condition des jazzmans noirs dans les années 1960, ne formula qu’un seul vœu : "Être blanc".
Nica’s Dream, de Louis Caratini
Coproduction Collectif Le Foyer / Caratini Jazz Ensemble
Au Théâtre de l’Opprimé
78/80 rue du Charolais – 75012 Paris
Les 5, 8, 10 et 12 janvier 2013 à 19h et le 13 janvier à 15h.
Reprises le 26 février 2013 à la Salle Jacques Brel (Fontenays-sous-Bois) et le 28 mars 2013 au Pôle Culturel (Alfortville)
D’après le livre de Pannonica de Kœnigswarter, Les Musiciens de Jazz et leurs Trois Vœux.
Adaptation et mise en scène : Louis Caratini ; direction musicale : Patrice Caratini.
Avec : Renaud Boutin, Pierre-Antoine Chevalier, Olivier Dote Doevi, Benoît Félix-Lombard et le Caratini Bebop Quartett (Patrice Caratini, Alain Jea-Marie, Julie Saury et André Villéger).