Si l’on prend la liste des trente plus grands succès de Broadway des années 1960 et 1970 depuis Un Violon sur le toit jusqu’à Grease en passant par Chicago et Cabaret, tous ont fait l’objet d’un important revival, à l’exception de Pippin.
Connue principalement pour la vision chorégraphique qu’y apporta Bob Fosse, la production originale affiche pourtant pas moins de 1.944 représentations au compteur à Broadway entre 1972 et 1977. Le transfert à Londres, cette même année, fut en revanche très bref.
Pour la jeune génération, le compositeur et parolier Stephen Schwartz est aujourd’hui associé à Wicked (récemment devenu le 14ème musical le plus joué au monde) et à son musical rock et biblique Godspell qui jouit actuellement d’une reprise à Broadway.
Or, Pippin est pour moi, musicalement, bien supérieur à ces deux œuvres et même si Michael et les Jackson Five en ont enregistré deux chansons ("Morning Glow" et "Corner of the Sky"), ce musical est surtout joué aux États-Unis dans le circuit régional et amateur ou par des productions d’écoles, peut-être à cause de son titre suggérant quelque chose d’enfantin !
Au contraire, bien ancré dans son contexte historique entre la Guerre du Vietnam et le Watergate, Pippin est une vision seventies du IXème siècle et traite de manière réaliste de l’éveil sexuel (trente ans avant l’adaptation de Spring Awakening), de la politique (tentative d’assassinat de Charlemagne par son propre fils) et de la guerre (de Cent Ans bien sûr, mais avec un clin d’œil à la Seconde Guerre Mondiale) avec le sardonique "Manson Trio" dans le numero "Glory", ici brillamment recréé, comme toutes les autres chorégraphies, par Chet Walker.
Ayant travaillé avec Bob Fosse comme danseur puis assistant depuis ses 18 ans jusqu’aux dernières heures du maître en 1987 lors de la reprise de Sweet Charity, Walker apporte une forte patte d’authenticité à cette excellente production. Cette nouvelle interprétation se démarque par ailleurs de l’original au niveau de l’époque (Pippin est maintenant un geek vivant à travers les jeux vidéo) et de toute la conception visuelle de Timothy Bird, qui avait déjà excellé dans son apport high tech à la reprise de Sunday in the Park With George, également créée à la Menier Chocolat Factory avant d’être tranférée dans le West End puis à Broadway.
Même réussite au niveau des costumes de Jean-Marc Puissant, des nouvelles orchestrations de Simon Lee et de la mise en scène de Mitch Sebastian, ils réactualisent une œuvre brillante sans la dénaturer. Pippin reste indissociable de la vision de Bob Fosse : contrairement à une reprise récente aux États-Unis qui échoua dans la tentative de s’en détacher, cette première reprise anglaise combine à merveille le nouveau et l’ancien.
La distribution est impeccable depuis Matt Rawle sorti de Zorro pour nous camper une raconteur bien différent de Ben Vereen (l’original) mais également efficace, jusqu’à Harry Hepple à la fois fort et touchant dans le rôle principal.
Si vous le pouvez, courrez donc à Londres pour cette reprise de Pippin à la Menier Chocolate Factory dans le quartier de London Bridge jusqu’au 25 février, car les critiques n’ayant pas toutes été tendres, on peut craindre qu’il n’y ait pas de transfert dans le West End cette fois, et c’est bien dommage. Sinon, le DVD de la version originale, filmée au Canada, bien que reniée par Fosse lui-même, est toujours disponible…
Pippin, de Stephen Schwartz et Roger O. Hirson
Du 22 novembre 2011 au 25 février 2012
Menier Chocolate Factory
53 Southwark Street, Londres SE1 1RU, Royaume-Uni
Du mardi au samedi à 20h, le samedi et dimanche à 15h30
De 29 £ à 40 £
Mise en scène et chorégraphie : Mitch Sebastian, Scénographie et décors : Timothy Bird pour Knifedge, Costumes : Jean-Marc Puissant, Lumières : Ken Billington, Son : Gareth Owen, Direction musicale et arrangements additionnels : Tom Kelly, Orchestrations et supervision musicale : Simon Lee
Avec : Carly Bawden, Ben Bunce, Louise Gold, Bob Harms, Harry Hepple, Holly James, Ian Kelsey, Anabel Kutay, David McMullan, Stuart Neal, David Page, Matt Rawle, Frances Ruffelle, et Kate Tydman
Site Internet : https://www.menierchocolatefactory.com