Michel Fau, comédien versatile qui montre un goût certain pour le travestissement, se met en scène pour un Récital Emphatique dans lequel il égratigne avec amour les grandes chanteuses lyriques et les tragédiennes grandiloquentes.
Si vous n’êtes pas familiers de la carrière de Michel Fau au théâtre, à l’opéra, ni même au cinéma (le comédien a plus d’une corde à son arc), vous le connaissez sans doute à travers sa prestation mémorable lors de la dernière Nuit des Molières où il interprétait "Quelqu’un m’a dit", de Carla Bruni Sarkozy, avec emphase et force caricature.
Nul doute que cette performance sert de point de départ au récital ampoulé que l’artiste donne jusqu’à la fin du mois au Théâtre des Bouffes du Nord.
Le postulat est le même : une diva anonyme, sorte de Castafiore sublime, donne à voir (et surtout entendre) l’étendu de son non-talent le temps d’un concert, s’attaquant au passage à quelques textes de théâtre.
Au cours de ce récital pénible mais évidemment désopilant qu’accompagne le très talentueux pianiste Mathieu El Fassi, ce sont Saint-Saëns, Racine, Rameau, Gershwin et même la chanteuse Zaz que Michel Fau assassine. De Samson et Dalida à Castor et Pollux en passant par le standard "Summertime" (de Porgy and Bess), la cantatrice qu’il incarne ne sait ni chanter juste, ni jouer la tragédie.
On devine derrière son vibrato et sa diction terribles qu’elle n’apprend ses textes qu’en phonétique, comme de simples excuses pour s’adonner à de nombreux agitements de bras et prendre la pose.
Croisement irrévérencieux entre Miss Piggy et un sosie de Lara Fabian sous corticoïdes, le personnage est prétexte à un exercice de style sur la médiocrité, dont l’interprétation d’un extrait de Phèdre à quatre reprises (dans quatre registres tous plus minables les uns que les autres) constitue l’apogée.
Hélas, très attaché à la forme parfois soporifique du récital, Michel Fau nous impose un trop long enchaînement d’arias qui use et abuse sans surprise de la pauvreté de l’interprétation de son alter ego féminin. Si l’on se laisse fasciner par la grâce de sa gestuelle et son talent à nous faire oublier l’homme qui se cache derrière le personnage, on ne peut s’empêcher de déplorer qu’il ne suffise pas de mettre un homme dans une robe (superbe au demeurant) pour qu’un spectacle tienne et fasse rire.
Le texte "Mékong B4" de Roland Menou entraîne heureusement, bien que tardivement, cette icône de pacotille sur un terrain glissant qui la fera sombrer dans l’horrible trivialité de la chanson populaire, voire de la paillardise, deux registres dans lesquelles elle brille par sa constance à être mauvaise.
Si Michel Fau exploite au maximum sont talent à délivrer la plus drôle des performances loupées, son Récital Emphatique constitue un objet théâtral bancal et gratuit qui déçoit par manque de dramaturgie.
Récital Emphatique, mis en scène et interprété par Michel Fau
Au Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis boulevard de la Chapelle 75010 Paris
Jusqu’au 30 décembre 2011 à 19h
Réservations au théâtre et dans les points de vente habituels.
Mise en scène : Michel Fau ; accompagnement au piano : Mathieu El Fassi ; robes : David Belugou ; maquillages : Pascale Fau ; coiffures : Élodie Martin.