Au Vingtième Théâtre se joue en ce moment une adaptation d’un des plus grands drames élisabéthains, Roméo & Juliet de la compagnie Magnus Casalibus, Prix du Festival d’Anjou 2012. Une nouvelle adaptation qui promettait et dont le résultat n’est peut-être pas encore abouti.
Une oeuvre modernisée
Sur une scène telle des coulisses, on aperçoit des costumes chatoyants pendus aux portants. Suivant la pièce, un comédien vient introduire l’histoire tragique que l’on connaît bien, destin foudroyé des amoureux les plus connus au monde. Six hommes sur scène, comme au temps de Shakespeare où seuls les hommes pouvaient jouer la comédie (ce qui explique le "Juliet" au masculin ) ; six hommes se préparent devant nous, qui joueront tour à tour la quinzaine de personnages de la pièce. Une mise en scène qui joue la transparence, peu de costumes, peu de décors, et le respect de la trame de la pièce originelle.
Respect mais adaptation, par le duo Alain Sizey et Vincianne Regattieri, qui a apparemment travaillé le texte d’après plusieurs traductions pour lui donner une tournure plus actuelle. Ainsi, on entendra du "putain" dans la bouche de Mercutio, comme des références pop-modernes pour revisiter ce texte plusieurs fois centenaire. Iconoclaste ? Oui, mais Shakespeare l’était aussi.
Une belle troupe mais…
Présentée comme une pièce "musicale", on est pourtant loin d’une partition riche, encore moins originale, avec quelques chansons pop-rock parsemant les scènes, illustrations un peu pauvres d’une ambiance qui se voudrait explosive (comme la scène du bal chez les Montaigu ). On aurait attendu plus d’une belle distribution comme celle-ci, avec Alexandre Bonstein (Créatures, Le Cabaret des Hommes Perdus), qui l’année dernière avait présenté son spectacle Chienne dans ce théâtre, Sinan Bertrand (La Nuit d’Elliot Fall, Hair, Ali Baba), et Vincent Heden à la direction musicale (Frankenstein Junior, Salut les Copains).
Changeant de rôles mais à peine de costumes, les 6 comédiens forcent du coup le trait pour différencier les caractères, employant accents et intonations qui parfois détonent (avec un prétendant de Juliet digne d’un Pantalone de commedia dell’arte). Les costumes et les maquillages semblent un peu pauvres si l’on voulait creuser une veine glam-rock. Le dépouillement des décors force l’imagination mais permet aussi de donner une grande liberté aux comédiens, avec pour le coup un beau travail sur le corps, parfois jusqu’à l’acrobatie.
Une mise en scène à retravailler ?
Pour cette première, on peut imaginer un certain trac de cette nouvelle distribution qui peut expliquer certains errements dans le jeu, minauderies et mimiques brouillonnes. La mise en scène un peu confuse n’a probablement pas aidé, elle qui proposait plusieurs pistes artistiques, du glam rock au grunge, en passant par l’humour un peu gras et la commedia dell’arte et ses masques, sans vraiment en choisir aucune, en laissant le spectateur sur sa faim.
Malgré cela, on sent les comédiens investis dans la retranscription moderne de cette histoire intemporelle, tant dans le (peu de) chant que dans la comédie, mais peut être sans pouvoir aller au bout d’un projet qu’on aurait attendu plus éclatant. La longueur de la pièce et le manque de choix clairs finissent de perdre le spectateur. On aurait attendu plus de chatoyance pour cette nouvelle adaptation de la pièce emblématique de l’amour avec un grand A.
Roméo & Juliet, de la compagnie Magnus Casalibus, d’après William Shakespeare
Une co-réalisation du Vingtième Théâtre et de Magnus Casalibus
Du 19 juin au 28 juillet 2013 au Vingtième Théatre
Adaptation : Alain Sizey et Vincianne Regattieri ; mise en scène : Vincianne Regattieri ; direction musicale et composition : Vincent Heden
Avec : Lucas Anglarès, Sinan Bertrand, Christophe Bonzom, Alexandre Bonstein, Lauri Lupi, Léo Messe