Un des plus gros cartons du cinéma américain des années 1990 avec Whoopi Goldberg est adapté pour la scène. Sister Act, film déjà très musical s’il en est, fait donc l’objet d’un lifting près de 20 ans après sa sortie en salle. Des sœurs sur scène qui chantent à tue-tête et danse à s’en retourner la soutane… les clés du succès ?
Années 1970. Une boîte de nuit de Philadelphie est le théâtre d’un drame : Dolorès Van Cartier, aspirant à faire sa place dans la musique, et accessoirement copine du patron mafieux, est témoin malgré elle de la liquidation d’un employé gênant. Avec toute son extravagance, Dolorès prend alors la fuite et, sous protection policière, se retrouve dans un couvent, vêtue d’un habit de sœur pour se cacher en attendant la date du procès… Le point de départ de Sister Act est très fidèle au film d’Emile Ardolino de 1992 qui a porté Whoopi Goldberg au firmament hollywoodien. Un peu trop fidèle d’ailleurs, l’action mettant un moment à se mettre en place malgré les numéros chantés.
Tableaux d’ensemble à tomber par terre
Dès les premiers tableaux d’ensemble cependant (le magnifique "Suis ta voie"), la soupape de timidité et de retenue qui caractérisait le début du spectacle explose en plein vol et Sister Act prend enfin toute son ampleur. Chorégraphies, costumes, rythme… le dosage est parfait et le final du premier acte est déjà l’occasion de provoquer un bel enthousiasme du public : frissons, sourires et applaudissements à la clef. Lors du deuxième acte, l’action s’emballe de plus belle et les sonorités disco-soul-funk des chansons participent allégrement à ce partage de bonne humeur.
Musique, traduction et adaptation : extraordinairement réussies
L’efficacité de Sister Act se trouve sûrement dans sa musique. Prenant un pari risqué, Alan Menken, à qui l’on doit la musique de nombreux films Disney, a choisi de réinterprété entièrement la bande originale du film. Exit donc les "My Guy (My God)", "I Will Follow Him" ou "Hail Holy Queen" qui ont enchanté le public lors de la sortie du long-métrage. Menken ressuscite des sons issus des années 70 et 80 en écrivant une toute nouvelle partition, hommage appuyé à des géants tels que Donna Summer, Diana Ross ou même Barry White pour les numéros masculins. De l’aveu même de Whoopi, les chansons de Menken sont bien meilleures que celles du film. Dans la vraie tradition des comédies musicales de Broadway ou du West End, ces chansons font avancer l’histoire, et elles constituent une tribune pour chaque personnage leur donnant la possibilité de s’exprimer chacun sous une forme différente.
Le théâtre autorisant ce que le cinéma empêche, la dérision, l’exagération et un grain de folie complètement assumé caractérisent l’interprétation de l’intrigue et des numéros chantés. Paillettes, sequins, brillants, couleurs vives : la pièce va très loin dans le délire multicolore en multipliant costumes et décors pour souligner la gaité et la ferveur des nonnes. Cet élan se communique au public avec succès.
L’humour de la pièce, présent de bout en bout, est taillé sur mesure pour le public français. Avec quelques références très parisiennes ainsi que des clins d’œil sur l’actualité (même politique, "Marie Ségolène du Poitou" ou "C’est Noël, ma mère") auxquelles le public est très sensible, on ne peut que saluer le travail d’adaptation du livret par Ludovic-Alexandre Vidal. Même chose pour les paroles des chansons adaptées par Nicolas Nebot. Celles-ci coulent de manière très fluide et les rimes accrocheuses s’enchaînent le plus naturellement du monde.
Une distribution qui porte admirablement bien la soutane
Kania en tête, la distribution de ce Sister Act français ne souffre d’aucun défaut. Si quelques petits accrocs se font entendre au niveau de la diction, on mettra ces imperfections au rang du manque de rodage (la pièce a été vue lors de son avant-première). Jeune artiste canadienne d’origine haïtienne, Kania brille par son incroyable charisme : présence, jeu, chant, danse, tout est parfait. Son interprétation du rôle principal diffère de celle de Whoopi mais rend le personnage toujours aussi attachant.
Barry Johnson, chanteur californien remarqué dans X Factor, est le seul acteur avec un léger accent perceptible, mais qui ajoute finalement au charme de son personnage de grand méchant.
Autre pousse de X Factor : Sarah Manesse, qui joue la timide Sœur Marie Robert. Telle une fleur s’épanouissant durant le spectacle, la jeune chanteuse nous délivre un superbe solo dans un des moments les plus émouvants du spectacle.
Aux antipodes, la Sœur Marie Patrick, ronde et volubile, incarnée par l’excellente Lola Ces (Hairspray ; Dracula), mériterait un peu plus de présence sur le devant de la scène. Le reste de la troupe ne manque pas de talents : Carmen Ferlan (Créatures) en Mère Supérieure troublée et touchante, Christian Bujeau (Les Visiteurs ; Pédale Douce) en un Monseigneur O’hara très enthousiaste, Valeriane de Villeneuve en hilarante Sœur Marie Lazarus, et Thierry Picaut (Le Roi Lion ; Swinging Life) en Eddie crooner…
L’euphorie est au rendez-vous. Le cœur léger, on quitte le théâtre des vibratos plein la tête et du strass plein les yeux. S’il paraît peu risqué de reprendre une œuvre cinématographique telle que Sister Act, avec un potentiel sympathie si fort, pour l’adapter sur scène, revoir l’intégralité de la partition constitue en revanche un défi relevé haut la main par Alan Menken. Après le succès de Mamma Mia! il est fort à parier que Stage Entertainment remportera les suffrages du public cette année encore. Le plus bel anti-dépresseur de la rentrée !
Crédit photos : Brinkhoff / Mögenburg
Sister Act, le Musical
Un musical co-produit par Whoopi Goldberg et Stage Entertainement France
Du 9 septembre 2012 au 31 janvier 2013 au Théâtre Mogador
Réservation en points de vente habituels
De 25 à 99€
Musique : Alan Menken, Paroles des chansons : Glenn Slater, Livret : Cheri et Bill Steinkellner, Dialogues additionels : Douglas Carter Beane
Mise en scène : Carline Brouwer, Chorégraphie : Anthony Van Laast-Mbe, Superviseur musical, arrangements vocaux et annexes : Michael Kosarin, Décors : Klara Zieglerova, Costumes : Lez Botherston, Eclairages : Natasha Katz, Sonorisation : Gareth Owen, Orchestrations : Doug Besterman, Arrangements des musiques pour les chorégraphies : Mark Hummel, Chorégraphe adjointe : Frances Chiappetta, Décoratrice adjointe : Carla Janssen Hofelt, Costumière adjointe : Diane Williams, Perruquier et maquilleur adjoint : Darren Ware, Eclairagiste adjoint : Alistair Grant, Sonorisateur adjoint : Adam Mc Cready, Adaptation des paroles des chansons : Nicolas Nebot, Adaptation du livret : Ludovic-Alexandre Vidal, Metteur en scène résident : Véronique Bandelier, Directeur musical résident : Stan Cramer, Producteur exécutif : Eric Loustau-Carrere, Directeur de casting : Bruno Berberes.
Avec : Kania (Dolorès Van Cartier), Carmen Ferlan (Mère Supérieure), Christian Bujeau (Monseigneur O’hara), Aurélie Konaté (Dolorès Van Cartier en alternance, Soeur Marie Coco, Michèle), Thierry Picaut (Eddie), Barry Johnson (Curtis), Sarah Manesse (Soeur Marie Robert), Valeriane de Villeneuve (Soeur Marie Lazarus), Lola Ces (Soeur Marie Patrick), Keny Bran Ourega (TJ), David Sollazzo (Pablo) et Franck Vincent (Joey, doublure Monseigeur).
Et : Yonia Amar, Matthieu Becquerelle, Alix Briseis, Carole Clin, Rafaelle Cohen, Jackson de Decker, Fabrice de la Villeherve, Maurren Diot, Khemi Ferrey, Aude Gillieron, Audrey Lévèque, Melina Mariale, Sofia Nait, James Noah, Rachel Pignot, Léovanie Raud, Alexia Rey, Olivier Rey, Manon Taris et Sarah Tullamore.