Le Théâtre yiddish Dora Wasserman en collaboration avec l’artiste montréalais Josh "Socalled" Dolgin font revivre en ce moment les nouvelles de l’écrivain juif Isaak Babel au Centre Segal des arts de la scène, dans un spectacle entièrement en yiddish avec surtitres français et anglais consacré à l’ascension de Benya Krik.
On se serait cru téléporté dans le quartier juif de Moldavanka à l’aube de la Révolution russe, jeudi soir, alors qu’avait lieu la première médiatique de cette comédie musicale conjuguant les talents de plusieurs artistes de la scène locale. C’est dans un décor de cour intérieure que la production a choisi de raconter comment "Le Roi" Krik s’est immiscé au sommet de la pègre juive. Ce décor, bien pensé et exploité, s’anime et s’embrase avec des marionnettes en ombre chinoise conçues par Clea Minaker. Celles-ci permettent de ponctuer l’action de la pièce et les émotions des personnages; un choix original pour donner vie à un décor autrement statique et colorer notre mémoire de nostalgie à travers cet art poétique qui exprime si bien la vie quotidienne d’autrefois de toute une communauté.
Si cette corde sensible mémorielle est en outre sollicitée dans tous les aspects visuels (costumes, éclairages, etc.), la présence d’un orchestre klezmer sur scène ajoute à cette authenticité recherchée pour décrire l’univers qu’était celui des gangsters juifs de la ville portuaire d’Odessa. La musique traditionnelle, mêlée au style contemporain et novateur de Socalled, participe à ce voyage dans le temps avec des airs chantés en yiddish par une troupe composée d’interprètes doués de tous âges, dont Gab Desmond qui campe Benya Krik. Quelle joie aussi d’entendre la voix déjà posée de la jeune Jordana Singer (Semyon) ou celles de Jonathan Eidelman (Lyovka) et Catherine Marmen (Tabl) s’unir dans le très beau numéro "Tabl".
Cette invitation à redécouvrir l’œuvre de Babel, pour les initiés ou non, est cependant parfois un peu difficile à suivre, peut-être en raison de la barrière de la langue, malgré les surtitres. Mais si l’histoire est un peu déroutante et qu’on aurait voulu mieux explorer la personnalité de ce mystérieux antihéros russe, Tales of Odessa réussit comme peu de spectacles à nous connecter à cette époque lointaine par ses choix scéniques brillants et audacieux ainsi que sa musique à l’imaginaire bien marquée.
Crédit photos : Andrée Lanthier
Tales from Odessa de Josh "Socalled" Dolgin (paroles et musique) et Derek Goldman (livret), d’après le cycle de nouvelles d’Isaak Babel, Traduction de Miriam Hoffman
Au Centre Segal des Arts de la Scène de Montréal du 16 juin au 7 juillet 2013
Une production du Théâtre yiddish Dora Wasserman
En yiddish, avec surtitres anglais et français
Billets: www.segalcentre.org/fr/
Mise en scène : Audrey Finkelstein ; Direction musicale : Nick Burgess ; Chorégraphies : Sasha Kleinplatz et Andrew Tay ; Décors : John C. Dinning ; Éclairages : Nicholas Descôteaux ; Costumes : Monika Herédi ; Conception de marionnettes : Clea Minaker
Avec : David Anidjar, Mark Bassel, Avi Bendahan, Leslie Bronstein, Heather Caplap, Celina Clarke, Gab Desmond, Naomi DuVall, Jonathan Eidelman, Joel Fink, Billy Finkelstein, Keila Finkelstein, Stephanie Finkelstein, Cynthia Fish, David Flicker, Paula Frank, Tiana Grandilli, David Handelman, David Herz, Renee Hodgins, Andrei Kelner, Betty Kis Marer, Bronna Levy, Bryan Libero, Catherine Marmen, Richard Martz, Morgan Nerenberg, Damian Nisenson, David Peterman, Marc-André Poulin, Jordana Singer, Benny Winkelman-Batchelor.