Le Théâtre du Châtelet revêt une devanture aux couleurs du tango argentin, rouge passion et noir, pour accueillir le retour de Tanguera. Trois ans après leur dernier passage à Paris, la troupe de danseurs revient pour une vingtaine de représentations pendant trois semaines.
Le spectacle suit Gisèle, jeune française arrivée à Buenos Aires au début du vingtième siècle. À peine a-t-elle posé un pied sur le quai argentin qu’un docker, Lorenzo, va tomber amoureux d’elle. Elle est accueillie par Gaudencio et une Madame, qui vont l’entraîner au cœur du quartier populaire de la Boca, dans les coulisses de la prostitution et d’un cabaret. Elle y deviendra l’une des vedettes : une Tanguera. Lorenzo va tout faire pour l’enlever des griffes de Gaudencio et ses hommes.
Le spectacle se présente comme un film muet, sans aucun dialogue mis à part les onomatopées et apostrophes entre les personnages. Il y a donc une omniprésence de la musique, qui est trois fois admirablement chantée, pour nous situer l’histoire et les étapes clefs du périple de Gisèle – même si la compréhension du déroulement de l’histoire (déjà-vue) n’en dépend pas. Le spectacle ressemble bien plus à un ballet de tango qu’à une comédie musicale.
Les émotions sont transmises au public par les pas de tango, et c’est réussi : on ressent jusqu’au fond de la salle l’amour entre la jeune femme et le docker, ainsi que la violence des chorégraphies effectuées par le maquereau et ses hommes. Ces emmêlements de jambes créent un tourbillon de sentiments magnifiquement sublimé par la mise en lumières.
Toutefois, il arrive que l’admiration de la technique poussée des chorégraphies nous éloigne de la vague de sentiments, le temps de quelques passes. Ceci n’enlève rien à la beauté des scènes, dont les moindres détails sont soignés.
Il y a toujours quelque chose à regarder, qu’ils soient deux ou la vingtaine de danseurs sur les planches.
Il y a toujours quelque chose à écouter : les musiciens ne font des pauses que de quelques secondes entre chaque scènes, le temps des applaudissements, de tourner la page de la partition et de reprendre leur souffle.
Ce voyage en Argentine, au cœur du Tango, vaut le détour pour la troupe remarquable de danseurs et la chanteuse, moins pour l’histoire revisitée encore et encore.
Tanguera, de Diego Romay et Dolores Espeja
Direction musicale, musique originale et arrangements : Gerardo Gardelin ; Arrangements des tangos : Lisandro Adrover ; Scénario : Diego Romay, Dolores Espeja ; Paroles : Eladia Blazquez ; Chorégraphie : Mora Godoy ; Mise en scéne : Omar Pacheco ; Décors : Valeria Ambrosio ; Costumes : Cécilia Monti ; Lumières : Ariel Del Mastro ; Orchestre : Buenos Aires Tanguera Ensemble.
Avec : Leticia Fallacara, Junior Cervila, Esteban Domenichini