En grande première mondiale, la métropole québécoise accueille présentement une célébration gospel où la reine de ce style musical reprend vie pour quelques semaines sur la scène du Centre Segal.
Mahalia Jackson n’était pas seulement la reine du gospel, mais aussi une femme entêtée et engagée qui a milité pour les droits civils à une période où le racisme et la ségrégation battaient leur plein aux États-Unis. Sa foi et sa musique ne faisaient qu’un et elle fit d’ailleurs le serment de prêter sa voix exclusivement aux chansons spirituelles qu’elle interprétait toujours avec beaucoup de passion.
En ce moment au Centre Segal, sa présence unique et son énergie débordante reprennent vie sur scène, plus de 40 ans après sa disparition, dans le cadre d’un spectacle musical où elle est incarnée par une autre légende de la musique: la chanteuse de jazz montréalaise Ranee Lee. Fidèle à la reine du gospel qui avait une façon bien à elle de bouger, taper des mains et solliciter son public, fermant aussi fréquemment les yeux, Ranee Lee a livré une performance passionnée, interprétant les plus grands succès de Mahalia Jackson avec beaucoup d’entrain et d’émotion.
De son enfance dans la pauvreté à la Nouvelle-Orléans jusqu’à la Marche sur Washington de Martin Luther King Jr. où elle chanta devant une foule de 250.000 personnes, la célèbre chanteuse nous raconte son parcours, s’adressant directement au public ; chacun de ses souvenirs donnant lieu à un morceau musical. Si Ranee Lee parvient avec beaucoup d’humour et de subtilité à faire revivre le passé de Mahalia Jackson, ses longs monologues cassent parfois le rythme du spectacle qui ne cesse d’osciller entre parties parlées et chantées.
Son interprétation est juste et permet au public d’imaginer les épisodes de vie racontés, mais ceux-ci trouvent d’autant plus leur intérêt lorsqu’ils sont illustrés sur scène. À ces occasions, qu’on aurait aimées plus nombreuses, les 7 femmes et hommes qui ont comptés dans la vie de la chanteuse gospel se joignent à elle ; les premières étant incarnées par Adrienne Mei Irving (Raisin in the Sun) et les seconds par Tristan D. Lalla (RACE). Ce dernier campe entre autres Martin Luther King Jr. avec beaucoup de conviction et nous fait bien sourire dans le rôle de l’oncle bavard de Mahalia qui a toujours une bonne anecdote à partager.
Neuf membres du chœur Imani Gospel Singers (IGS) de Montréal, sous la direction de Marcia Bailey, entourent également ces trois interprètes lors des moments-clés du spectacle, avec une énergie communicative qui se ressent dans toute la salle, appuyée par Taurey Butler au piano, un pilier du milieu de jazz montréalais. Pour les fans de Ranee Lee, c’est aussi un plaisir de la retrouver dans un répertoire différent qu’elle maîtrise tout autant.
La puissance du gospel fait son effet et l’ascension de la chanteuse est pour le moins inspirante. Elle nous rappelle la longue route parcourue par les Afro-Américains pour que leurs droits soient enfin reconnus; une lutte qui n’aurait pas été la même sans l’implication d’artistes comme Mahalia Jackson.
The Mahalia Jackson Musical, écrit et mis en scène par Roger Peace
Du 3 au 24 mars au Centre Segal des Arts de la Scène
Avec : Ranee Lee, Adrienne Mei Irving et Tristan D. Lalla.
Accompagnés par le chœur gospel IGS Choir, sous la direction de Marcia Bailey
Directeur musical : Taurey Butler
Décors: Jean-Claude Olivier