Sur l’aimable invitation de Musidrama (organisateur d’ateliers et à l’origine de créations de spectacles comme #Hashtags, le musical), nous avons pu assister en observateur à une masterclasse autour de l’oeuvre de Stephen Sondheim.
Retour sur un événement d’exception animé par David Charles Abell, chef d’orchestre renommé et dernièrement à l’affiche de Kiss me Kate au théâtre du Châtelet).
Des échanges sans tabou
La masterclass était organisée en plusieurs parties : d’abord, David Charles Abell s’est présenté au public de la salle de la Générale et en a profité pour parler de son parcours (le tout dans un très bon français, s’il vous plaît !) en soulignant qu’il considère la comédie musicale comme un art sérieux ("serious fun") et qu’il est ravi qu’en France des personnes comme Jean-Luc Choplin, le Directeur du théâtre du Châtelet, pense de même.
David Charles Abell a ainsi longuement évoqué sa collaboration avec Monsieur Choplin, notamment sur Kiss me Kate au théâtre du Châtelet, dont la dernière représentation venait de se dérouler la veille même. Ils n’imaginaient pas, aussi bien l’un que l’autre, que le spectacle remporterait autant de succès chez nous. Kiss me Kate ne sera cependant pas repris à Paris mais se jouera au Théâtre de la ville du Luxembourg à l’automne 2016.
Une fois que les artistes, auteurs, journalistes et producteurs présents dans la salle ont pu poser toutes leurs questions à David Charles Abell, sept artistes sélectionnés avant le jour J ont pu interpréter un morceau de leur choix écrit et composé par Stephen Sondheim.
Des artistes triés sur le volet avant la masterclass
L’objectif de la masterclass pour les artistes ? Interpréter une chanson susceptible d’être présentée lors d’une audition, avec ici Samuel Sené au piano, et travailler directement avec David Charles Abell (en rechantant si nécessaire) pour voir ce qui fonctionne bien et ce qui doit au contraire être amélioré.
A noter que David Charles Abell n’avait pas travaillé en amont avec les artistes et ne les connaissait donc pas. Il pouvait ainsi se positionner naturellement dans le rôle d’un Directeur de casting qui découvre de nouveaux talents.
Parmi les "candidats" du jour, on retrouve à la fois des artistes en devenir (Mehdi Vigier, Ed Warden et Stanislas Clément, ce dernier étant actuellement à Londres pour suivre un parcours d’un an en comédie musicale) et des artistes plus aguerris tels que Quentin Bruno (Next Thing You Know), Lauren Berkman (Ordinary Days) ou encore Charlotte Ruby (Dom Juan), voire Alice Pech qui a déjà joué dans plusieurs Opéras mais qui peut être considérée comme "débutante" dans le monde de la comédie musicale.
Voici les numéros qu’ils ont choisis d’interpréter tour à tour sous l’oeil observateur et incisif de David Charles Abell :
- "Not While I’m around" (Stanislas Clément) de Sweeney Todd, puis "Being alive" de Company suite à une suggestion de David Charles Abell qui trouvait que la chanson lui correspondait mieux.
- "Sunday in the Park with George" (Charlotte Ruby) de Sunday in the Park with George, avec Vincent Merval dans le rôle de George
- "Finishing the Hat" (Quentin Bruno) de Sunday in the Park with George
- "The Miller’s Son" (Lauren Berkman) de A Little Night Music
- "Stay with me" (Alice Pech) de Into the Woods
- "Agony" (Mehdi Vigier et Ed Warden) de Into the Woods
Les leçons à retenir de la masterclass
Avant d’entendre chanter les différents artistes pré-sélectionnés, David Charles Abell a donné son avis sur les artistes français qu’il a pu entendre jusqu’alors lors d’auditions précédentes. Selon lui, ce qui leur manque aujourd’hui pour être retenus dans des productions comme celles du Théâtre du Châtelet (à qui on reproche souvent de n’embaucher que des artistes étrangers) est lié à la monotonie du son de la langue française qui nous habitue à parler/chanter sur un ton très homogène sans intonations variées, contrairement aux américains qui savent parfaitement bien projeter leur voix et utiliser la "voix belt".
Pour illustrer son propos, David Charles Abell a mis en avant les habitudes de ses compatriotes américains qui parlent très fort dans les lieux publics sans même s’en rendre compte. Il considère ainsi que les artistes français doivent faire des efforts supplémentaires pour mieux projeter leur voix (ne pas murmurer !) et exprimer franchement ce qu’il appelle les "voyelles américaines".
Autre échange tenu lors de la masterclass : lors des auditions, jusqu’à quel degré de liberté peut-on aller pour adapter une partition à sa voix ? Sondheim est notamment réputé pour être très rigide sur ce point. Faux, dit David Charles Abell. Il est sans doute plus intransigeant qu’un Cole Porter, pour qui chanter "Too Darn Hot" de Kiss me Kate serait ennuyeux si on ne swingait pas un peu ou n’ajoutait pas de variations. Pour interpréter un titre de Sondheim, c’est tout de suite plus délicat mais il ne faut pas s’interdire d’adapter ou d’oser proposer des variations si cela sied mieux à la voix de l’artiste concerné. Il ne s’agirait pas d’une insulte à l’oeuvre originale : Sondheim accepte les transpositions pour adapter son oeuvre aux voix des artistes, mais dans une certaine mesure effectivement car il aime bien maîtriser tout ce qui est fait sur ses oeuvres !
Un des principaux conseils que David Charles Abell a donné aux artistes présents dans la salle : ne pas hésiter à se documenter et faire beaucoup de recherches pour préparer un rôle. Pas uniq
uement sur le personnage, mais aussi sur l’époque, le contexte, l’oeuvre elle-même, les intentions de l’auteur, les anecdotes. Cela peut procurer un avantage certain lors de l’audition, en montrant aux directeurs de casting qu’un artiste sait aussi bien appréhender une oeuvre de 2016 qu’un autre créée il y a des décénnies.
Au-delà de ses conseils, David Charles Abell a reconnu avec sincérité qu’il était agréablement surpris des progrès réalisés en France en comédie musicale ces dernières années. Il se rappelle aussi avec humour que ses principaux échecs sont connotés "français" (Martin Guerre ; Les Misérables à Paris…) mais que ses plus gros succès le sont aussi (Les Misérables ailleurs dans le monde, Phantom of the Opera…). Mais qui a dit que nous ne sommes pas plein de contradictions ? A méditer donc…
Les prochains événements de Musidrama
Si en savoir plus sur cette masterclass vous a intéressé, nous ne pouvons que vous conseiller d’inscrire d’ores et déjà dans vos agendas les prochaines dates des événements Musidrama, à savoir :
- Masterclass avec Prisca Demarez "Vivre le personnage au présent" lundi 28 mars 14h-18h
- Atelier jonglage avec Laurent Bienaimé samedi 16 avril 10h-13h
- Simulation de casting avec Olivier Bénézech samedi 16 avril 14h-18h
- Conférence de Jean-Luc Jelery : le 11 o’clock number dans l’histoire du théâtre musical samedi 21 mai 14h-17h
- Flop le musical, une création d’Alexandre Bonstein et Sinan Bertrand et Patrick Laviosa, avec l’atelier troupe, mise en scène Samuel Sené dimanche 5 et lundi 6 juin 2016
- Ateliers-concerts : dimanche 29 et 30 juin
A suivre également sur MusicalAvenue : une interview avec le créateur de Musidrama, Samuel Sené, qui nous en dira plus sur l’ensemble de ces événements !
Crédit photos : Nash Pictures Photography pour Musidrama
Masterclass de David Charles Abell, autour de l’oeuvre de Stephen Sondheim
Evénement organisé par Musidrama le 13 février 2016 (de 10h à 14h)
A la Générale
11 rue Rabelais, 93100 Montreuil
Avec au piano : Samuel Sené, et au chant : Stanislas Clément, Charlotte Ruby, Lauren Berkman, Alice Pech, Quentin Bruno, Mehdi Vigier, Ed Warden