Musical Avenue a rencontré Emanuel Lenormand, le chorégraphe du spectacle musical de Chantal Goya, La Planète Merveilleuse. Cette super-production pour petits et grands, investit la scène du Palais des Congrès de Paris jusqu’au 26 janvier avant de partir en tournée à travers la France. Emanuel se confie sur la préparation du spectacle qui affiche déjà complet et nous raconte son parcours.
Musical Avenue : Comment es-tu arrivé sur le projet de La Planète Merveilleuse ?
Emmanuel Lenormand : J’ai un ami qui produit Chantal Goya depuis une dizaine d’années. Il y a cinq ou six ans, je lui avais dit : “Si un jour tu as besoin de quelqu’un dans ton équipe, je suis là”. J’avais dit ça en rigolant autour d’un verre et trois ans après il m’a appelé car Arthur Plasschaert , avec qui Chantal travaillait depuis toujours s’arrêtait. C’était l’époque de L’étrange histoire du château hanté en 2010. Ce qui est drôle c’est que j’étais un fan inconditionnel de Chantal Goya quand j’étais petit. J’avais dix ans quand j’ai vu mon premier spectacle au Palais des Congrès, Le Soulier qui vole. J’ai découvert ce spectacle avec tous ces décors, ces vols, ces changements de costumes, ces danseurs partout… Ça m’a presque fait découvrir la comédie musicale. A l’entracte, j’ai dit à ma mère : “C’est ça que je veux faire plus tard” et je n’en ai jamais démordu. Et, jour pour jour, trente ans après, je dirigeai Chantal au Palais des Congrès, c’était un joli clin d’œil de la vie.
M.A. Comment s’est passée la collaboration avec Chantal Goya et Jean-Jacques Debout ?
E.L. Très bien. Jean-Jacques est plutôt un poète branché sur ses musiques et Chantal, elle, regarde tout, contrôle tout, et en même temps, elle laisse faire. Elle sait que je connais sa carrière par cœur parce que j’étais fan, petit. Du coup, je suis un peu son encyclopédie vivante quand elle veut se rappeler de ses précédentes mises en scène. Ils ont à eux deux un patrimoine énorme. Ils savent faire rêver, ils savent faire du musical hall pour enfants. Et ils savent rester dans la grande tradition du théâtre. C’est assez agréable car aujourd’hui on voit beaucoup de projections, plus faciles. Eux, ils sont toujours sur les toiles peintes, les trompe l’œil, les vols, les praticables, les fausses vagues, un peu dans une ambiance “vieux théâtre”.
D’après toi, quelle est la recette de ce spectacle qui affiche toujours complet trente ans après sa création ?
Visuellement c’est très riche. Il y a beaucoup de personnages, beaucoup de danseurs (quinze danseurs et dix enfants). Chaque chanson a son nouveau tableau car l’enfant a besoin d’être motivé visuellement, surtout les petits, sinon ils s’ennuient et déconnectent… Je suis également impressionné par le nombre d’adultes qui pleurent pendant ce spectacle. Ce sont des chansons qu’ils ont entendu quand ils avaient six ou sept ans, c’est peut-être un spectacle qu’ils ont vu avec leurs grands-parents ou un disque qu’ils écoutaient dans leur chambre. Ça a bercé leur enfance et ils le transmettent à leurs enfants. Il y vraiment un truc magique avec l’enfance. Pour l’adulte, l’enfance c’est sacré par rapport à l’émotion, le souvenir, les gens perdus, et il faut absolument le respecter.
Comment de temps aviez-vous pour préparer l’exploitation du spectacle ?
Je crois qu’on va rentrer dans le livre des records ! Nous avions très peu de budget, nous n’avions donc que six jours pour apprendre la chorégraphie d’un spectacle de deux heures ! Mon assistante et moi, avons bossé en amont dès le mois d’août pendant trois mois à raison de plusieurs après-midi par semaine. Une fois en répétition, puisqu’il n’y a que six jours, il n’y a aucune place à la création malheureusement : chaque minute est calculée, rien n’était laissé au hasard. Nous avons eu ensuite une journée de révision et deux jours de montage. Parallèlement, je travaillais avec tous les enfants. Avec Chantal, ce qui est formidable, c’est d’avoir des enfants sur scène, ce qui est assez compliqué d’un point de vue administratif aujourd’hui, surtout en France. On a eu de la chance, on s’y est pris à l’avance et on a eu des enfants merveilleux, certains qui devaient danser et jouer la comédie.
Puis nous avons repris pendant deux jours intenses pour réunir tout ça. Ça s’est très bien passé grâce à des équipes formidables. On a fait deux répétitions générales mais en public en province pour être sûr et on a ouvert au Palais des Congrès devant 4000 personnes.
Quelles ont été tes principales difficultés en tant que chorégraphe sur ce spectacle ?
Ma première difficulté c’est que j’adore ce métier ! Donc je fais beaucoup de choses, il faut le temps. Et quand on travaille avec quelqu’un de connu, il faut travailler avec un ego : c’est elle qui prime, comment la mettre en valeur ? Et il faut respecter la charte Goya/Debout qui existe. Parfois j’ai fait des petites touches un peu modernes et là, elle disait : “Attention, attention, ce n’est pas mon monde ça !”. Ce fameux monde… Puis le challenge avec les enfants, mais j’ai une jolie équipe. Trois mois avant ils avaient tout : les chansons, les textes à apprendre… Il y a un truc magique avec l’enfance. Je pense qu’avant la puberté, l’enfant ne connaît pas le trac. Il ne connaît pas la fierté. Ils sont vrais. Puis vers douze, treize ans, ça change. L’enfant, lui, se jette sur scène. Je suis impressionné, moi à leur âge, j’aurais été vert de trouille.
Quel a été ton parcours jusqu’à présent ?
Je voulais être comédien… (rires). J’ai fait le conservatoire à partir de douze ans, puis arrivé sur Paris, il fallait commencer à travailler. J’ai fait le danseur : Douchka, Casimir, Chantal Goya, il ne manquait plus que Dorothée ! (rires). J’ai passé les auditions pour Disney pour faire la promotion du parc dans toute l’Europe. Puis ils m’ont proposé un contrat de six mois en Floride pour apprendre tous les méandres du spectacle à l’américaine “Made in Disney”. A mon retour, je m’occupais des parades sur les parcs. J’adore le monde de l’enfance mais au bout d’un moment, j’ai voulu faire autre chose. En 2008, j’ai écrit une comédie musicale pour trois amies avec Alyssa Landry et son mari Thierry Boulanger, Jusqu’aux dents, sur trois femmes enceintes. On a joué à Paris pendant deux mois et gagné le prix SACD. Mon rêve serait que ça se rejoue donc je le relance de temps en temps pour qu’un producteur en mal de spectacle le repère… (rires). J’ai écrit un autre spectacle musical pour Dominique Nobles, Nobles s’oblige, avec plusieurs chansons sur sa vie et toute sa folie. On continue de travailler ensemble. Puis Jean-Marc Chastel, un ami de longue date, un grand de la télévision, m’a demandé d’écrire avec lui un spectacle pour Daisy Miotello, Le temps d’une lessive par une négresse italienne. C’est un personnage dont le père est black américain et sa mère blanche italienne, elle, au milieu, qu’est-ce qu’elle est dans tout ça ? Elle est métisse… C’est vraiment un sujet d’actualité en France. On est programmé au Théâtre de l’Archipel en février.
Que penses-tu de la place du spectacle musical en France ?
Depuis dix ans, on arrive enfin à avoir de gros spectacles à l’affiche. La programmation de Stage Entertainment notamment. Ça fait plaisir. Quand on se promène près de Mogador, on voit des affiches et on a presque l’impression de s’être trompé de rue… Est-on à New York ? A Londres ? Mais il y a une méconnaissance de la comédie musicale par le public. Ils confondent les opéras rocks, les concerts de rock avec les comédies musicales et c’est un peu dramatique. Après c’est une question d’éducation. Ça ne fait pas partie du budget loisir des Français au quotidien d’aller voir un spectacle musical contrairement aux Anglais. Je n’ai pas envie d’être pessimiste, ça plaît de plus en plus. Certains prolongent même leur succès. Pour celui qui croit aux comédies musicales, comme j’y crois, car j’ai quand même écrit une comédie musicale, c’est ambitieux, c’est une prise de risque même à Paris, la capitale du théâtre.
Visionnez le teaser de "La planète Merveilleuse" :
La Planète Merveilleuse
Un conte musical écrit, composé et mis en scène par Jean-Jacques Debout avec Chantal Goya
Jusqu’au 26 janvier 2014
Au Palais des Congrès
Porte Maillot
75017 Paris
Et en tournée dans toute la France : le 1er Février à Caen, le 2 février au Grand Quévilly, le 8 à Deols, le 9 à Nantes, le 15 à Saint Etienne…
Le temps d’une lessive par une négresse italienne
De et mis en scène par Jean-Marc Chastel et Emanuel Lenormand, avec Daisy Miotello
A partir du 7 février 2014
Théâtre de l’Archipel
17 Boulevard de Strasbourg – 75010 Paris