Musicien classique de formation, Samuel Sené a de nombreuses cordes à son arc, chef d’orchestre, metteur en scène, pianiste, coach… Du coup, quand on lui demande comment il se décrirait, il répond sans hésiter : »Un homme de théâtre musical ». Rencontre avec un artiste passionné, plein de rêves et d’ambitions.
(Pour en savoir plus, vous pouvez aussi lire notre interview de Samuel Sené de 2010)
De la musique classique au théâtre musical
Tout a commencé quand il a pris des cours de théâtre à 14 ans, et que son professeur l’a pris comme assistant. Ils mélangeaient le théâtre et la musique. »On avait l’impression d’inventer le théâtre musical, parce que j’étais au conservatoire, et on ne connaissait pas ça, on ne connaissait que l’Opéra". Il commence donc à 15 ans à faire des spectacles à Orléans mélangeant musique classique et textes.
Cette singularité qu’il assume désormais n’est pas forcément appréciée dans le milieu du classique. »Je me suis senti rejeté du classique avec Fame. Tant que je faisais Un Violon sur le Toit ou West Side Story, ça allait, c’était »noble ».’ Maintenant sa principale activité est le théâtre musical même s’il lui arrive, de temps en temps, de mettre en scène des pièces de théâtre ou de diriger des concerts.
La création de Musidrama, comme une évidence
Samuel Sené est surtout connu aujourd’hui comme étant le fondateur et le directeur artistique de Musidrama qu’il a créé fin 2010. ‘‘Ma singularité faisait que je devais créer ma propre structure. » Cette compagnie permet donc de porter ses activités et de proposer des ateliers aux artistes en herbe. »A la base c’était juste un atelier hebdomadaire pour les gens qui voulaient travailler avec moi. J’ai pu rentrer en terre quelques temps afin de me stabiliser, d’aiguiser ma pédagogie. J’ai travaillé dans le lyrique en Italie, je me suis rendu compte que la technique vocale que j’enseignais était cohérente, fonctionnait, et était reconnue à l’étranger, et que les élèves que je formais, commençaient à bosser. »
Maintenant il s’avoue très content de ce qu’est devenu Musidrama avec plus de 100 élèves sur trois ateliers, des master class (dernièrement avec David Charles Abell ou Prisca Demarez) et des créations de spectacles avec l’atelier-troupe Musidrama (Les Légendes Parisiennes ; Hashtags, le musical…et bientôt Flop).
"Ça ne se sait pas, mais on travaille aussi de plus en plus avec le monde de l’entreprise" précise t-il. "Nous faisons beaucoup de conférences, de team-buildings… pour y amener art, émotion et pluridisciplinarité".
Et maintenant, quels projets ?
La structure va continuer à "grandir de manière contrôlée » avec la création de l’orchestre Musidrama (premier collectif d’instrumentistes 100% théâtre musical), le développement de productions comme First Date qui s’est jouée au mois de mars en format lecture, sans oublier la création d’un nouvel atelier pour débutants. Bref, tout un programme !
Ce qu’il reste à améliorer selon Samuel Sené ? "Nous n’avons pas encore transformé l’essai d’aller jusqu’à produire nos créations d’atelier-troupe" avoue t’il. "Mais savoir que nous avons Légendes Parisiennes dans un tiroir, idem pour Hashtags, le musical… c’est déjà quelque chose. Nous restons en contact régulier avec les auteurs pour voir comment nous pourrions aller plus loin, car ce serait important de ne pas s’arrêter là".
Ne pas s’arrêter là, c’est-à-dire voir aussi au-delà des frontières françaises ? "Je regrette la période Diva (projet fondateur de Cathy Sabroux et Jacky Azencott dont l’objectif était d’encourager la création française autour du théâtre musical et de fédérer la communauté d’artistes, auteurs, compositeurs, metteurs en scène et producteurs). C’est dans cette dynamique que j’ai créé le réseau des West End Frenchies, une fédération des artistes francophones vivant à Londres".
Son avis sur la situation du théâtre musical en France
C’est sans l’ombre d’une hésitation que Samuel Sené nous donne sa perception : "D’accord, on arrive à remplir un Théâtre du Châtelet avec Singin’in the Rain. Cool. Mais il y a toujours ce fameux clivage entre spectacles à la française et théâtre musical. Ce n’est pas un problème en soi, mais en matière de communication et de promotion ça brouille la perception et donc le goût des spectateurs… et aujourd’hui le public est toujours un peu paumé entre les deux".
Est-ce que cela signifie que la comédie musicale est peu considérée en France ? "Pour les élitisites, ce style sera toujours considéré comme du "divertissement" par opposition au monde de l’opéra ou du théâtre dit "sérieux". On doit composer avec, comme c’est aussi le cas dans le West End ou à Broadway".
Mais alors, que nous manque t’il en France pour véritablement percer avec la comédie musicale ? "Je ne sais pas si la comédie musicale anglo-saxonne, spécifique à une langue et une culture, remportera une adhésion massive et durable du public en France. Continuons à créer des ouvrages de langue et de culture française. Pour développer le répertoire anglo-saxon artisti
quement et économiquement, peut-être n’avons-nous pas assez de têtes d’affiche "chantantes", de gens connus et célèbres qui puissent porter un spectacle sur leurs épaules. Le phénomène de "star-cast" est encore trop rare chez nous. J’ai entendu trop de personnes râler sur le fait que Chimène Badi ait rejoint la distribution de Cats, le musical. J’ai envie de dire "et alors ?" Elle sait chanter, elle ramène du public, un autre public même… et c’est bien !".
Vous l’aurez compris, Samuel Sené est bien plus qu’un musicien, chef d’orchestre et metteur en scène. C’est aussi un visionnaire et entrepreneur aguerri qui n’a de cesse de chercher à améliorer l’aura de la comédie musicale en France. Il a en tout cas su transformer ses rêves de grand passionné en réalisations et projets qui lui permettent aujourd’hui de bénéficier d’une très bonne réputation dans le milieu. Vivement la suite pour savoir ce qu’il nous réserve !
Interview réalisée par Romain Lambert et Stéphany Kong
Crédit photos : Nash Pictures Photography