Aujourd’hui, pour fêter en fanfare l’arrivée de cet hiver qui sera musical ou ne sera pas, nous vous proposons une promenade au Musée de Broadway, situé, bien à propos, à deux pas de Times Square, à New York (New York). Si pour vous tout prétexte est bon pour fredonner Sondheim, Schwartz, Llyod Webber et consorts, soyez avertis, ce musée va réaliser vos rêves les plus fous ! Alors, c’est parti !
Avant de pousser la porte de ce musée des merveilles, arrêtons-nous un instant, pour expliciter ce qu’est « Broadway ». Outre l’immense avenue qui porte ce nom, le terme désigne aujourd’hui une institution culturelle avant tout : un groupement des 41 théâtres de plus de 499 places localisés dans un certain périmètre autour de Times Square (pour être précis, entre la 41e et la 54e rue et entre la 6e et la 8e avenue, à une exception près). On y joue des pièces de théâtre et spectacles musicaux à visée majoritairement commerciale, bien qu’une poignée de compagnies non lucratives y gèrent quelques salles et que certaines productions avant-gardistes y soient parfois reprises.
Dans l’imaginaire collectif cependant, Broadway évoque surtout un lieu étincelant, où se donnent des spectacles de qualité ; du divertissement démesuré, débauche chorégraphiée de costumes, de couleurs, de musique et de lumières.
En franchissant le seuil du 145W 45th Street, préparez-vous d’emblée à un défi de taille : résister à l’appel de l’achat compulsif car on pénètre en effet directement dans la boutique de toutes les tentations ! Le second est plus compliqué encore : contenir son enthousiasme lors de la visite de ce Musée de Broadway, dans lequel les heures passent plus vite que le Starlight Express… Si le sujet vous intéresse, comptez en effet au minimum 3 heures de visite pour en profiter comme il se doit.
La découverte commence piano, par la présentation des différentes pièces actuellement jouées sur les scènes des théâtres de Broadway, puis un récapitulatif sympathique de l’histoire des bâtiments qui les accueillent. L’occasion de faire le compte de tous les shows que l’on a aimés, détestés, ou manqués…
Le développement des salles de spectacle étant intrinsèquement corrélé à celui de l’art dramatique, on se lance ensuite allègrement dans un parcours chronologique chatoyant présentant l’évolution de la scène new-yorkaise de 1732 à nos jours. Du théâtre classique (drame, vaudeville…), au début du musical (music-hall, revues sophistiquées à la Ziegfeld…) intimement lié à l’évolution de la scène artistique noire ; de la légèreté d’avant-guerre aux manifestations contre la guerre du Vietnam, ou du mouvement pour les droits civiques à l’épidémie du SIDA qui a fait des ravages dans les milieux artistiques, la visite met en lumière le rapport inévitable entre la grande Histoire des États-Unis, et celle de sa scène théâtrale.
« À quoi sert le théâtre si ce n’est à montrer la lutte de l’Homme, qu’il soit noir, vert, orange ou blanc, pour conquérir sa vie, son effort pour lui donner un sens ? »
Eugene O’Neill, dramaturge
L’exposition ne manque pas non plus de présenter les problématiques idéologiques et sociologiques, ainsi que les aspects peu reluisants des productions. Est notamment évoquée la sclérose d’un art qui a pendant longtemps refusé de prendre des risques pour privilégier la rentabilité à la volonté artistique, et enfermant le théâtre musical américain dans les limites des attentes du public, tandis qu’en Europe le genre, affranchi des contraintes de légèreté et d’insouciance exigées, se renouvelait.
Le musical n’est heureusement plus aujourd’hui un divertissement calibré, qu’importe le côté de l’Atlantique où l’on se trouve ; c’est un art multiforme, un moyen d’expression, de transmission ; un véhicule idéologique qui reflète les difficultés et les avancées de notre société.
Follow the Yellow Brick Road - Un parcours plein de surprises
Des compositions originales aux spectacles dits « jukebox » (qui ne reprennent que des titres existants), le sujet du musical est donc fouillé, décortiqué, analysé sous toutes ses coutures. Pourtant rien n’est ici rébarbatif ni lénifiant, bien au contraire ! La scénographie interactive, digne de son fourmillant sujet, est à la fois ravissante, ludique et exaltante. Préparez vos téléphones : les opportunités photos sont légion ! Du succès surprise de Show Boat en 1927 à Oklahoma (1943), les pionniers Rodgers et Hammerstein ouvrent la danse. Quand soudain en un (ou plusieurs…) célèbre claquement de doigts, nous voilà chez Doc, en plein West Side ! Après s’être essayé, avec plus ou moins de succès, aux chorégraphies de Jerome Robbins, on change radicalement de style au Kit Kat ou au Cat Scratch Club, on se balance cheveux au vent et poing levé en plein Flower Power. On teste ensuite les mots croisés « Sondheim » ( !), on souffle les bougies avec Bobby de Company, on frappe chez Les Producteurs, le cœur battant… La liste est encore longue…
On admire surtout une multitude de costumes, d’accessoires, de maquettes des productions des plus célèbres aux plus contemporaines (on reste sans voix devant celle du Gerschwin Theatre, où se joue Wicked). Puis lorsque l’on croit que le rideau va tomber… c’est pour mieux nous faire pénétrer dans l’envers du décor. Compositeurs, producteurs, maquilleurs, régisseurs, costumiers, scénographes… les (passionnants) métiers de l’ombre sont enfin sous le feu des projecteurs.
Après avoir virtuellement foulé la scène de tous les théâtres de Broadway, longuement étudié une incroyable fresque détaillant le cycle de création et de production d’un spectacle de Broadway, et profité de la petite exposition temporaire (en ce moment « Disney à Broadway », jusqu’au 5 janvier 2025), le temps est venu de rejoindre la réalité en poussant la stage-door (entrée des artistes) qui nous sépare du monde réel… Et de courir à TKTS pour s’ébahir, rire, pleurer et chanter devant un nouveau spectacle.
Adresse : 145 West 45th street, New York, NY
Horaires : lundi à mercredi 9h30-16h ; jeudi à dimanche 9h30-18h30
Prix d’entrée : $43
Pour plus d’informations, vous pouvez jeter un œil au site du musée