Nous connaissions la comédie musicale, l’opéra rock, l’opéra rap… Et voici qu’un nouveau genre vient élargir la famille des spectacles musicaux : l’opéra country ! Entre moments de folie et prouesses vocales, Cathy et Jack, coyote et bel canto réalise un grand écart entre l’Ouest américain et l’Est de l’Europe, et c’est un mélange réussi qui vous attend !
Le Festival d’Avignon est l’occasion de découvrir toutes sortes de créations. Dans la petite salle de l’Atypik théâtre, d’une quarantaine de places, sur des coussins disposés le long de banquettes circulaires autour de la petite scène, c’est dans un format intimiste que nous rencontrons Jack et Cathy, deux personnages loufoques, diamétralement opposés et pourtant liés par une passion commune, celle de la chanson. Jean-Pierre Caporossi insuffle à son personnage un côté rétro et caricatural délicieux, en faisant de cet homme une sorte de présentateur télé des années 1980, rêvant (voire fantasmant) l’ambiance country. Jack est un personnage attachant, un peu timide ou introverti (sauf quand il se met à jouer et chanter) ; il est notre narrateur, faisant le lien avec le public et nous expliquant le parcours de ces deux personnages.
Il faut dire que la communication avec Cathy est plutôt complexe. Personnage loufoque et burlesque, elle évolue dans son monde de gloire et d’opéra, dans un français très approximatif, fortement marqué par les accents de l’Est (mais on ne saurait pas dire de quel pays exactement). Sandrine Le Brun est épatante dans cette incarnation, mélange de diva excentrique, passionnée par son art mais également attendrissante et poétique lorsque le public participe à éclairer “les lucioles” pour Cathy.
Ces deux personnages – que tout oppose sur le papier – se complètent à merveille, et la complexité de leur caractère fait que l’on s’attache immédiatement à eux. Chaque chanson est l’occasion d’en découvrir un peu plus. La musique est d’ailleurs prépondérante, puisque l’heure de spectacle se présente majoritairement sous la forme d’un concert. Et là encore, quel choc culturel ! On se retrouve avec de grands airs d’opéra, revus et corrigés avec un accompagnement à la guitare, avec une rythmique typique de l’Amérique de l’ouest. Les arrangements sont efficaces et bien pensés, et l’on n’est pas plus perturbés que ça de redécouvrir “l’amour est un oiseau rebelle” en tapant du pied dans nos santiags. Mais cette imprévisibilité ne s’arrête pas là ; nous n’en dirons pas plus pour ne pas gâcher la surprise et laisser le plaisir de découvrir toutes les musiques qui ont pu être détournées (attendez-vous tout de même à un petit choc si vous avez été enfant dans les années 1980).
Cathy et Jack, Coyote et bel canto est un spectacle drôle et intelligent, jouissif et enjoué. Le public est mis à contribution et participe à une mise en scène simple mais terriblement efficace, reprenant certains codes du théâtre. Une lumière, un rideau, un regard avec un spectateur, tout est prétexte pour nos deux acolytes à nous emporter dans leur folie musicale et à nous faire taper des mains. C’est avec une composition originale que se termine le spectacle, et lorsque les deux artistes tombent le masque (ou plutôt la perruque), c’est encore une surprise pour nos yeux. Après 6 créations depuis 2012, la compagnie « Une Autre Carmen » nous livre donc un spectacle inédit, rempli de bonnes idées, habilement divertissant et dont on ressort avec un grand sourire. A découvrir sans hésiter jusqu’à la fin du Festival.