Fantasmagloria vous emmène dans l’ambiance glamour et feutrée des cabarets. Ce songe nocturne nous entraîne tantôt côté coulisses tantôt à la scène, pour nous faire revivre de grands moments musicaux et des numéros soignés de danse.
22H05, un horaire parfait pour se retrouver à la nuit tombée dans la petite salle du théâtre de l’Arrache-Coeur. Lorsque la porte s’ouvre, les nymphes gracieuses déambulent déjà en tenue légère entre les rangées, sur fond sonore jazz, et aguichent le public qui prend place. Toute ressemblance avec le pré-show de Moulin Rouge! nous semble….totalement volontaire ! Et pour cause, l’un des premiers numéros se fait sur « Lady Marmalade », nous plongeant directement dans l’ambiance des grandes comédies musicales anglo-saxonnes.
Fantasmagloria est un spectacle pluridisciplinaire, dans lequel se succèdent numéros dansés aux chorégraphies soignées, chansons originales et moments théâtraux. Un mélange des genres plaisant, dans lequel on va retrouver de grands airs de comédie musicale (dont de nombreux emprunts à Moulin Rouge!), qui ne sont cependant pas chantés en live, mais également d’autres chansons détournées et remaniées, cette fois-ci interprétées par Benjamin Maytraud, dans le rôle de James, seul personnage masculin dont on suit les pérégrinations depuis l’ouverture de son “Circus Club”. À vrai dire, l’histoire est assez basique : jalousies féminines, influences amoureuses, difficultés financières, rien de bien nouveau n’est conté dans le spectacle. Et pourtant, le petit twist final, sans être novateur, est assez plaisant et emporte notre conviction. Les valeurs de persévérance, de confiance en soi et d’audace qui en ressortent sont bien amenées et concluent positivement le spectacle.
La vraie beauté de Fantasmagloria réside ailleurs, et surtout, dans sa mise en scène, ses chorégraphies et ses costumes. Les quatre artistes féminines revêtent de nombreuses tenues, en changent très rapidement, et l’atmosphère des cabarets est on ne peut plus présente. Corsets, strass, numéros de charme, mais aussi des tableaux plus expérimentaux ; avec “Pourvu qu’elles soient douces” de Mylène Farmer (oui, vous avez bien lu), nous assistons à un moment visuel voluptueux et lumineux, à découvrir absolument.
Il n’y a pas que Mylène Farmer qui fait une incursion dans la partition. Les fans de comédie musicale ont plaisir à ré-entendre des classiques, mais aussi à découvrir des chansons détournées d’un répertoire pop français ou international (comme le proposent les jukebox musicaux). Les orchestrations réarrangées pour le spectacle, conçues pour garder sa teinte jazz, sont particulièrement soignées et les enregistrements de bonne facture. La qualité est au rendez-vous, contribuant à créer des moments suspendus dans le temps (“Les Moulins de mon cœur”, “Cry Me a River” ou “Bad Romance”). On est surtout enchanté d’avoir de très nombreux moments musicaux tout au long du spectacle, ou même des accompagnements sonores jazz en fond des dialogues. Loin d’être déstabilisées, les quatre artistes dansent et jouent avec talent. Nous saluons leur investissement sans faille et leur énergie tout au long du spectacle, et même si les décors et accessoires ne sont pas imposants, ils sont tout de même nombreux et doivent nécessiter un ballet millimétré en coulisses pour garder toute la fluidité entre les scènes. Épreuve réussie pour les artistes et pour la mise en scène stricte et limpide d’Antoine Nya.
Humour, mélancolie, émerveillement, voilà quelques-uns des sentiments qui vous traversent pendant la soirée. Fantasmagloria rend hommage à de nombreuses formes de spectacle vivant. Il vous transporte dans une synthèse intimiste des marqueurs du cabaret et du burlesque, sans pour autant tomber dans des clichés rétro, pour un moment poétique et joyeux. Une belle découverte de ce festival d’Avignon !
