Focus album : « Kinky Boots », Original West End Cast Recording

Temps de lecture approx. 7 min.

Bien plus qu’une simple bande-son de spectacle, l’album Kinky Boots est un témoignage de la capacité de la musique à unir, émouvoir et divertir. Que vous soyez fan de comédie musicale ou non, cet album vous emportera dans un tourbillon d’émotions et d’énergie positive…

Adaptée d’un film sorti au cinéma en 2005, lui-même basé sur la véritable histoire d’un cordonnier en Angleterre, Kinky Boots est une comédie musicale qui raconte les aventures de Charlie Price, un jeune homme qui hérite de l’usine de chaussures de son père, en difficulté financière. En cherchant un moyen de sauver l’entreprise, il fait la rencontre de Lola, une drag-queen charismatique. Ensemble, ils décident de créer une ligne de bottes pour sa troupe, ce qui transforme leurs vies en défiant les stéréotypes…

Il est rare qu’une comédie musicale relativement récente offre deux enregistrements différents. Il y a d’abord l’Original Broadway Cast Recording, sorti en mai 2013, puis l’Original West End Cast Recording, paru seulement trois ans plus tard, en 2016. Cerise sur le gâteau, une captation vidéo du spectacle, enregistrée à Londres en 2018, est également disponible pour notre plus grand plaisir ! Bien qu’elle soit d’excellente qualité, on regrette que les sous-titres en français, pourtant présents lors de sa diffusion au cinéma, n’aient pas été conservés sur les versions disponibles à l’achat. Malgré ce détail, nous ne pouvons que vous recommander de visionner le spectacle, tant la qualité est au rendez-vous !

L'album de tous les records

L’enregistrement original de Broadway a su marquer les esprits : il est rapidement devenu le disque le plus acclamé de la scène new-yorkaise depuis The Book of Mormon, sorti deux ans plus tôt. Avant même que les previews ne débutent sur les planches de Broadway, un premier exploit s’est dessiné : le titre « The Sex is in the Heel » a explosé un record vieux de 25 ans en devenant la première chanson de Broadway à atteindre le top 10 du palmarès des Clubs Billboard. Ce succès ne s’est pas arrêté là puisque l’album a décroché le prestigieux Grammy Award du meilleur album de comédie musicale !

Stark Sands incarne Charlie, tandis que Billy Porter prête ses talents à Lola, et Annaleigh Ashford brille dans le rôle de Lauren. Ce trio original, qui a façonné les personnages, leur apporte une énergie indéniable. Toutefois, malgré une distribution impeccable, cette version souffre d’un certain manque de naturel. L’accent anglais que tentent de reproduire les comédiens américains n’est en effet pas toujours crédible et l’enregistrement, réalisé en studio, manque parfois de relief.

La version londonienne, quant à elle, a capturé la magie d’une performance live, enregistrée devant un public au théâtre Adelphi. Et ça fait toute la différence !

Impossible de ne pas être séduit par la performance de Matt Henry dans le rôle de Lola. Finaliste de The Voice UK en 2013, il a depuis prouvé qu’il était bien plus qu’un simple candidat de télé-réalité. Lauréat d’un Laurence Olivier Award pour sa prestation, il livre une interprétation vocale remplie de soul, d’émotion et d’assurance. Son charisme est palpable dans les titres emblématiques comme « Land of Lola » et « Hold Me in Your Heart », qui mêlent habilement vulnérabilité et exubérance. Killian Donnelly, dans le rôle de Charlie, complète parfaitement ce duo avec une voix puissante et pleine de sincérité, notamment dans « Soul of a Man », où il parvient à exprimer avec intensité les doutes de son personnage.
Enfin, Amy Lennox s’empare du rôle de la délurée Lauren, après avoir brillé dans Legally Blond, 9 to 5 et plus récemment Cabaret sur les planches du West End.

Une partition éclectique

Sur le plan musical, Kinky Boots propose un éventail de styles des plus éclectiques mêlant pop, funk, new wave et même des touches de tango. Par moments, l’ambiance évoque fortement les années 80, ce qui n’est guère surprenant étant donné que Cyndi Lauper, la compositrice, a connu ses plus grands succès durant cette période. Cependant, loin de sombrer dans la nostalgie kitsch, l’orchestration est savamment travaillée, évitant tout excès. Même lorsque certaines chansons adoptent un style un peu cliché (avec l’utilisation de synthétiseurs ou de batteries électroniques par exemple), cela reste parfaitement assumé et cohérent avec l’univers flashy et scintillant du spectacle.

Le talent de Cyndi Lauper pour mélanger pop, rock et Broadway brille dans chaque morceau. L’ouverture de l’album avec « The Most Beautiful Thing in the World » capture immédiatement l’oreille avec son refrain contagieux et ses paroles pleines d’optimisme. La chanson finale, « Raise You Up / Just Be », est un hymne à la solidarité et à la célébration des différences, un message universel habillé de sons festifs et dansants.

L’un des points forts de l’album est la capacité de Lauper à naviguer entre des morceaux plus introspectifs comme « Not My Father’s Son », un duo entre Lola et Charlie qui exprime la douleur de ne pas correspondre aux attentes parentales, et des chansons plus extravagantes comme « Sex is in the Heel », où la sensualité et l’humour sont au premier plan.

Une orchestration aux petits oignons

Les orchestrations de Stephen Oremus (déjà orchestrateur sur Avenue Q et The Book of Mormon) jouent un rôle crucial dans l’impact musical de Kinky Boots. Les orchestrateurs sont souvent les héros méconnus des comédies musicales, et pourtant, ils sont en grande partie responsables de la magie sonore que nous aimons tant. Ici, Cyndi Lauper composait les mélodies de ses chansons en les enregistrant simplement sur son iPhone, puis c’est Stephen Oremus qui transformait ces ébauches en partitions complexes. Il éclatait les lignes mélodiques en harmonies, écrivait pour chaque instrument et concevait les musiques de transition qui relient les scènes aux chansons.

L’album peut également se targuer d’une belle formation de 11 musiciens, ce qui est plus que respectable pour une partition pop-rock. À une époque où les fosses d’orchestre tendent à se réduire pour des raisons de coûts, cela reste une force. L’ensemble comprend bien sûr des claviers, guitares électriques, basse et batterie, mais également des instruments moins communs dans les comédies musicales tels qu’un violon, un violoncelle, une trompette, un trombone, et un « reed » (musicien jouant de plusieurs instruments à anches comme la clarinette et le saxophone). Cette richesse orchestrale contribue à la texture unique de la partition et à l’énergie contagieuse du spectacle.

Bien que l’album capture environ 90 % du spectacle, certaines transitions, reprises de chansons et dialogues non musicaux sont absents, ce qui peut laisser une sensation d’incomplétude pour ceux qui recherchent une expérience totalement immersive. Malgré cela, l’album parvient à rendre justice à la production et donne envie de revivre le show en vidéo ou mieux, de le découvrir sur scène.

En résumé, la première incursion de Cindy Lauper dans le théâtre musical est très efficace. L’album est une réussite, à la fois fidèle à l’esprit du spectacle et doté d’une qualité musicale indéniable. Il parvient à faire vibrer et émouvoir tout en gardant l’essence du message profondément humain de la comédie musicale : la célébration de l’individualité et de la tolérance.
Kinky Boots reste une œuvre musicale à écouter encore et encore…

Le Top 3 de Nicolas

  1. Land of Lola : pour l’énergie débordante de Matt Henry dans le rôle de Lola
  2. Not My Father’s Son : pour l’émotion procurée par cette ballade touchante
  3. Raise You Up / Just Be : pour le refrain entêtant qui nous donne envie de danser à la fin du show

Points forts

Points faibles

4/5

Écouter l'album

Kinky Boot Original West End Cast Recording est accessible sur les plateformes de streaming Deezer, Spotify et Apple Music. Il est également disponible en version physique (1 CD + livret de 32 pages contenant les paroles des chansons et un mot d’introduction de l’auteur Harvey Fierstein).

Image de Nicolas

Nicolas

Musicien depuis l'enfance et aujourd'hui chef d'orchestre, c'est tout naturellement que je suis tombé amoureux des comédies musicales, au travers des partitions que j'ai eu la chance d'interpréter. C'est en alliant cette passion pour la musique et mon métier de webdesigner, que j'ai rejoint l'équipe bienveillante et très sympathique de Musical Avenue ! Fan absolu des spectacles de Schönberg & Boublil, admirateur de Lloyd Webber et accro aux chansons de Menken, je me nourris chaque jour de quelques heures de musique sélectionnées dans la centaine de CD de comédies musicales que je collectionne.
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