À la fois très respecté du milieu et aimé du public, Serge Postigo ne cesse de surprendre par ses choix audacieux et ses multiples talents. Travailleur acharné, véritable touche-à-tout, ce passionné infatigable est toujours à la recherche de nouveaux défis. Retour sur son parcours éclectique.
D’acteur à metteur en scène
Né à Agen en 1968 d’une famille d’origine marocaine, Serge Postigo passe son enfance entre la France, le Maroc, les Pays-Bas et la Belgique. Vers l’âge de 11 ans, ses parents décident d’enfin poser leurs valises au Québec. Le choc culturel est grand pour l’adolescent qui détonne par son allure et son accent du sud de la France.
Dès sa sortie de l’École nationale de théâtre en 1993, il s’impose au petit écran avec des rôles mémorables dans Watatatow, 4 et demi, Urgences ou Scoop. Au cinéma, il tient aussi l’affiche notamment dans Aurore et Ma vie en Cinémascope. Mais c’est au théâtre qu’il se sent véritablement comme un poisson dans l’eau, à l’aise autant dans le répertoire classique que contemporain. Le mystère d’Irma Vep, Ma femme, c’est moi, Ladies Night, Le vent et la tempête, Tartuffe, Boeing, Boeing… Il se distingue au fil des années dans de nombreuses productions d’envergure que ce soit comme acteur ou metteur en scène.
En 1998, il décroche son premier rôle dans une comédie musicale : Grease. C’est le début d’une nouvelle aventure pour Serge Postigo qui révèle alors ses autres atouts : le chant et la danse. Il attire d’ailleurs l’attention de Denise Filiatrault qui lui propose de jouer dans les comédies musicales qu’elle met en scène (Irma la douce (2002) et Neuf (2007). Il est à bonne école avec cette grande dame du théâtre québécois qui excelle dans le genre. À tel point qu’il décide de se tourner lui aussi vers la mise en scène de comédies musicales dès 2011 avec Le Petit Roy, le tout premier spectacle musical dont il signe la création.
La passion des comédies musicales
Depuis, les comédies musicales de Serge Postigo égayent les étés des Québécois dans le cadre du Festival Juste pour rire. Mary Poppins, Footloose, Fame, Mamma Mia!… Année après année, les spectacles qu’il met en scène sont un rendez-vous incontournable pour tout amateur du genre. Kinky Boots aurait été la prochaine œuvre à être présentée pour la première fois en français en Amérique du Nord à l’été 2020, mais la situation mondiale que nous connaissons a eu raison de cette production, comme tant d’autres.
Au-delà de la mise en scène originale, Serge Postigo signe aussi la traduction et l’adaptation de ses comédies musicales. Chaque fois, c’est un véritable travail d’orfèvre qu’il réalise en choisissant les mots justes et fluides pour chaque chanson. Ce fut particulièrement le cas avec l’habile traduction française (la toute première au monde) de Mary Poppins qu’il nous a livrée en 2016.
La plus coûteuse (et le plus grand succès) des comédies musicales jamais produites par Juste pour rire en 35 ans réunissait une cinquantaine de personnes sur scène et dans les coulisses tous les soirs. Ce tour de force valut à Serge Postigo le prix du metteur en scène et du spectacle de l’année (ADISQ).
Tenter l’impossible
S’il surprend par la qualité de ses adaptations et l’originalité de ses mises en scène, l’artiste de 52 ans ose également tenter l’impossible. Il l’a fait notamment en 2010 avec L’avare de Molière, éclairé par 2000 chandelles ! Allumer autant de bougies à proximité du public n’était pourtant pas chose aisée et inquiétait énormément les intervenants concernés, mais il a réussi à tous les convaincre.
Même persévérance pour Mary Poppins. Serge Postigo voulait faire voler la célèbre nounou au-dessus des 2218 spectateurs du Théâtre St-Denis, mais on lui répondait toujours que c’était techniquement impossible. Il n’a jamais abandonné l’idée qui s’est finalement concrétisée et demeure l’un des temps forts du spectacle.
Des choix qui font polémique
Mais comme on ne peut pas plaire à tout le monde, il a aussi soulevé la polémique quand il a choisi d’organiser des auditions libres toujours pour Mary Poppins en 2015. Les professionnels du milieu se sont sentis mis de côté, eux qui peinent déjà à trouver des rôles. Serge Postigo ne voulait au contraire oublier personne, élargissant les auditions afin que des quidams puissent aussi avoir leur chance. Il réitère d’ailleurs la formule depuis.
Un choix pas si étonnant quand on sait que l’acteur et metteur en scène québécois n’adhère pas à l’idée d’une hiérarchie dans le milieu culturel. Il considère et respecte au même titre chaque personne, malgré leurs responsabilités différentes. Des costumiers aux comédiens, en passant par les ouvreurs et les éclairagistes, tout le monde a une importance à ses yeux et vise le même but : la réussite du spectacle.
Cette vision artistique globale, il l’a aussi mise en pratique pendant un an de 2013 à 2014 en devenant vice-président de Juste pour rire. Pour les besoins de ce rôle, il avait d’ailleurs complété une maîtrise en administration des affaires (Executive MBA) pour perfectionner ses connaissances de gestionnaire.
Les Producteurs et autres projets
Si les Québécois n’ont pas eu le plaisir d’assister à l’un de ses spectacles depuis le début de la pandémie, les Français auront bientôt la chance de le faire puisque Serge Postigo se glissera dans la peau de Max Bialystock à l’automne prochain à Paris dans Les Producteurs. Un premier rôle en France pour cet artiste versatile qui signera aussi la mise en scène et l’adaptation théâtrale du film culte Papy fait de la résistance. Une captation télévisuelle sera également bientôt diffusée sur les ondes de France 2.
Espérons aussi qu’il regagne au plus vite les planches québécoises pour nous présenter une autre comédie musicale, pourquoi pas, entièrement écrite de sa plume. Une chose est sûre : au Québec ou en France, son grain de folie nous manque. Nous l’attendons avec impatience afin qu’il nous transporte à nouveau dans des univers magiques et déjantés, comme il sait si bien le faire.
Références:
Bélanger, Luc. 2017 (22 mars). « Serge Postigo en cinq actes », La Presse.
Lapointe, Bruno. 2021 (7 janvier). « Un rôle en France pour Serge Postigo », Le Journal de Montréal.
Tremblay, Geneviève. 2019. Serge Postigo, Au gré du vent. Documentaire HD, 45 min 30.