Musical Avenue a eu la chance de rencontrer Vincent Gilliéron, un artiste de comédie musicale talentueux, généreux et d’une profonde gentillesse. Vous l’avez peut-être déjà vu dans Sweeney Todd et Into the woods en Suisse ; ou dans Chevaliers, la Famille Addams, Alice et Ego Systeme en France, pour lequel il a remporté en 2023 le Trophée de l’Artiste Interprète masculin. Plus récemment, nous l’avons vu dans Un air de fête proposé par les cinq de cœurs au festival d’Avignon 2024. Passionné et passionnant, il nous dévoile anecdotes et coulisses des répétitions du chef-d’œuvre Les Misérables, où il intègre l’ensemble vocal. La première est programmée le 20 novembre 2024 au théâtre du Châtelet et on trépigne déjà d’impatience. Il nous raconte aussi la création d’Un air de fête et nous fait part de ses coups de cœur musicaux !
Musical Avenue (M.A.) : Quel est ton histoire avec Les Misérables ?
Vincent Gilliéron (V.G.) : J’ai un attachement sentimental à cette œuvre majeure du patrimoine musical car ma sœur a joué dans Les Misérables à Lausanne en Suisse il y a 15 ans. J’étais émerveillé à la fois de la voir sur scène et par la découverte de ce spectacle puissant. Je suis reconnaissant de partager ma passion de la comédie musicale avec ma sœur Aude (qu’on a retrouvé dans Mamma Mia). Depuis la fin de ma formation à l’ECM, nous avons eu la chance de jouer ensemble plusieurs fois.
J’adore les Misérables. Les chansons sont iconiques, on les travaille à l’école, on les interprète en audition et pourtant on ne s’en lasse pas, c’est une partition exceptionnelle. Monter et jouer une telle œuvre sur plusieurs mois permet de l’approfondir, de la connaître mieux, d’en décortiquer chaque note, c’est passionnant. J’avais déjà eu ce ressenti pour les œuvres de Stephen Sondheim en jouant Into the Woods et Sweeney Todd.
M.A. : La version des Misérables présentée au Théâtre du Chatelet sera-t-elle inédite ?
V.G. : Totalement. C’est exceptionnel que les droits aient été accordés en France pour la création d’une nouvelle mise en scène. Ladislas Chollat, metteur en scène, imagine une toute nouvelle version des Misérables. Il ne se base pas sur les versions existantes du spectacle mais sur le roman. En répétition, nous abordons beaucoup Victor Hugo. Nous nous nourrissons à la fois du roman, du livret et de la partition pour créer une vision originale de l’œuvre et des personnages. C’est un privilège de participer à la création de cette version inédite.
M.A. : Comment se déroulent les répétitions ?
V.G. : Elles sont intenses, nous répétons 6 jours sur 7. Nous connaissions nos partitions à l’avance. Les premiers jours, nous sommes d’entrée rentrés dans le vif du sujet avec la rencontre d’Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg. Le premier accord a sonné et nous nous sommes tout de suite mis à chanter. C’était extraordinaire. Ensuite, nous sommes passés au plateau, dans un très grand studio pour commencer la mise en espace. Je me rappellerai longtemps du premier discours de Ladislas Chollat, très ému de poursuivre son travail avec nous, nous transmettant sa vision et sa passion de l’œuvre.
M.A. : Pour un peu nous projeter…Vous serez combien sur scène ?
V.G. : Nous serons 39 adultes sur scène et 3 enfants, sans compter tous les corps de métiers qui s’activent autour de la scène.
M.A. : Est-ce que le public verra bien l'ensemble vocal sur scène ?
V.G. : Oui, l’ensemble est très présent sur scène ! Les Misérables est une œuvre humaine, il y a beaucoup de scènes avec des passants dans la rue, des pauvres, des ouvriers, des policiers, des prostituées, des clients d’auberge,… Tant de personnages à faire exister ! Ladislas Chollat s’occupe de tout le monde avec une égale attention, il n’y a pas de figurant. Il place chaque comédien et comédienne : il veut que chaque personnage ait une histoire très claire, qu’il raconte quelque chose, qu’il existe !
M.A. : Cette nouvelle mise en scène se focalisera donc sur le récit ?
V.G. : Tout à fait. Le cast et les équipes créatives se concentrent sur le récit, les situations, ce qui pour moi constitue l’essentiel de la comédie musicale. Dans une œuvre comme Les Misérables, il ne faut pas passer à côté de ce que raconte l’histoire. À chaque phrase chantée, un enjeu se joue. Chaque membre de l’ensemble doit être conscient à chaque instant de ce qui se passe en lien avec le personnage qu’il incarne.
M.A. : Il y aura également de la chorégraphie ?
V.G. : Oui ! Le chorégraphe est Romain Rachline Borgeaud (Stories). J’adore danser, je suis ravi d’exprimer des émotions avec mon corps. Ajouter de la danse au récit accentue la force du propos. Nous travaillons à trouver la bonne qualité de mouvement pour qu’ils restent naturalistes et en cohésion avec nos personnages.
M.A. : Que peux-tu nous dire sur les décors et costumes ?
V.G. : J’ai hâte de voir les décors, pour l’instant on les imagine ! Nous les découvrirons en novembre au théâtre du Châtelet, avec aussi toute la partie technique : les micros, décors, lumières, costumes… On parle de plus de 300 costumes : c’est monumental. Tous ces éléments vont nourrir nos enjeux et nos personnages. J’ai hâte de traverser le premier filage avec les décors, accessoires et costumes ! Pour ma part, je passerai du sergent au mendiant, du patron du café Musain à Montparnasse dans la bande à Thénardier. Cette bande est d’ailleurs présidée par deux de mes anciens professeurs de l’ECM de Paris, Christine Bonnard et David Alexis !
M.A. : Les scènes sont-elles fortes en émotion ?
V.G. : C’est le moins que l’on puisse dire ! Pour l’instant, nous répétons en training, sans orchestre, sans décors, ni lumières. Juste nos corps et un piano, et on finit déjà en larmes. Le texte et la musique sont très forts en émotion.
Par exemple, j’aime beaucoup la scène du port qui ponctue le parcours de Fantine. Après s’être fait rabaisser par tout le monde, avoir vendu ses bijoux, ses cheveux, son corps, Jean Valjean intervient. Il considère cette femme au destin tragique et lui donne de la tendresse. Difficile de retenir ses larmes. L’acte 2 est aussi chargé en émotion. C’est pourquoi nous donnons d’autant plus d’importance à travailler les moments plus légers ou comiques du spectacle à travers Cosette, ou la bande à Thénardier !
M.A. : Quelle est ta chanson préférée ?
V.G. : C’est dur comme question ! Toutes les chansons sont extraordinaires et elles délivrent toutes des messages forts. J’aime beaucoup redécouvrir certains interludes, des scènes que j’avais oubliées, qui sont moins connues mais bouleversantes.
M.A. : On peut conclure que tu es plutôt très heureux de faire partie de ce projet ?
V.G. : Jouer Les Misérables au Théâtre de Châtelet, en étant si bien entouré, c’est réaliser trois rêves d’un seul coup. Je suis allé voir tellement de comédies musicales dans ce lieu mythique, je suis fier d’y jouer. C’est une expérience inoubliable.
Nous vous donnons rendez-vous très prochainement pour découvrir la suite de cette rencontre.