RENCONTRE : Camélia Fernandes et Joshua Nyamey nous présentent « SIX, le TFE »

Temps de lecture approx. 10 min.

Pour un grand nombre d’entre nous, le mois d’août est synonyme de vacances, de repos et de déconnexion. Ce n’est pas le cas des élèves du Cours Florent qui, une fois de plus, se lancent dans des projets toujours plus ambitieux. Comme l’année dernière, la rentrée prochaine sera riche en projets de fins d’études. Pour patienter, découvrons dès à présent les préparatifs de SIX.

SIX est une œuvre musicale au parcours singulier. D’abord présentée comme un projet de fin d’étude, elle a connu un tel succès qu’elle a depuis été jouée à Londres, à Broadway, à Chicago et en Australie. Ce spectacle, qui tient plus d’un concert pop-rock de Taylor Swift que d’une comédie musicale avec Fred Astaire, nous plonge au XVIème siècle pour donner la parole aux six femmes du roi anglais Henri VIII.  Pièce musicale inclassable et haute en couleur et en performances vocales, Camélia Fernandes et Joshua Nyamey sont aux commandes de l’adaptation française, et nous font découvrir leur travail de fin d’études.

Musical Avenue (M.A.) : Pourquoi avez-vous choisi SIX comme TFE ?

Camélia Fernandes (C.F.) : L’idée est venue au cours de la deuxième année du cycle de formation au Cours Florent. Je ne connaissais pas du tout cette comédie musicale, et c’est sur les conseils d’une amie que j’ai écouté et découvert les musiques. Plus j’en découvrais sur le spectacle, plus l’idée d’en faire un TFE progressait, je ne pouvais pas me limiter à quelques chansons. 

Gabrielle Knight (qui interprètera le rôle de Katherine Howard) avait très envie de participer à l’aventure. Depuis l’été 2022 nous avons commencé les traductions, récupéré les pistes audio et nous avons réfléchi à comment construire le projet, l’aventure était lancée. 

Si j’ai choisi SIX, c’est aussi pour les messages portés par le spectacle, qui m’ont touchée dès la première fois où je l’ai vu. J’ai toujours été inspirée par l’histoire des femmes sur un plan historique. Je connaissais celle de certaines comme Anne Boleyn, pour d’autres je me suis beaucoup documentée et fais des recherches. Je voulais continuer de raconter leur histoire, faire entendre leurs voix. Et puis il y a aussi les chansons, les sonorités pop-rock, le format “concert” avec les danses ; ce spectacle rassemble tout ce que j’aime, je ne pouvais pas choisir autre chose pour mon TFE.

M.A. : Comment allez-vous adapter le spectacle ? Quels sont les axes musixaux et de mise en scène qui vous tiennent à coeur?

Joshua Nyamey (J.N.) : Comme Camélia, je ne connaissais pas SIX avant de m’y intéresser ; dès l’écoute des albums j’ai trouvé que la musique était magnifique. Le mélange des références historiques alliées à une mise en scène très moderne avec le message féministe en fil conducteur sont les marqueurs forts du spectacle, que nous allons garder. 

C.F. : Je veux que chacune des artistes sur scène puisse construire son personnage et se l’approprier, qu’elle incarne l’une des reines comme elle la ressent. J’ai des idées sur le rendu général attendu, mais je veux laisser à chacun un espace de liberté et de proposition, que chacune puisse mettre de sa propre personnalité dans le rôle. On se connaît tous, on a déjà présenté plusieurs extraits pour pouvoir être retenu et on travaille en confiance. Pour que mes camarades puissent appréhender leur rôle, j’ai raconté l’histoire de chaque reine individuellement à chacune, du début à la fin ; je leur laisse ensuite la liberté d’investir leur personnage en fonction de leur ressenti. Il faut qu’elles fassent ressortir les traits caractéristiques de leur héroïne, qu’elles racontent aussi leur propre histoire, sans chercher à copier ce qui a déjà été fait. On a évité de décortiquer les vidéos existantes et je me sers de ce qu’on a appris avec Alexandre Faitrouni sur nos spectacles de fin d’année (Cabaret et Rent) pour les grandes directives de mise en scène. 

M.A. : Quelles sont les étapes pour pouvoir présenter le TFE ?

C.F. :  Cela se fait sur plusieurs mois. Pour le premier tour, nous préparons un teaser et une fiche de présentation. Pour le teaser, je voulais me concentrer sur l’ouverture, que l’on puisse découvrir les six reines en même temps sans donner plus d’importance à l’une plutôt qu’à l’autre, et que l’on ait envie de découvrir leurs histoires individuelles ensuite. 

Pour le deuxième tour, on doit présenter un numéro d’une quinzaine de minutes en plateau devant un jury. J’avais envie de quelque chose de beaucoup plus profond, entrer dans l’intimité de ces femmes. J’ai retravaillé le numéro d’ouverture et distribué les solos.

J.N. : Nous avons essayé de faire un condensé du spectacle en 15 minutes; évidemment ce n’est pas facile, mais on voulait montrer la grande variété de styles du spectacle : des solos où chaque reine exprime son individualité jusqu’aux numéros de groupe où elles doivent donner la sensation d’être unies. On voulait aussi faire ressortir l’humour qui caractérise le spectacle en ajoutant des petites scènes entre les chansons.

C.F. et J.N. : Nous avons aussi dû gérer le départ de deux des filles en cours de création, car elles ont été appelées sur d’autres projets personnels et ne pouvaient pas refuser les propositions qu’elles ont reçues. Nous avons contacté d’autres élèves de notre classe, qui se sont immédiatement intégrées au projet. Aurore Maestracci et Marie Hamamdjian étaient un peu inquiètes de nous rejoindre au début, mais le cast a vite été une évidence et l’énergie de groupe était facile à trouver vu que l’on a partagé nos années d’études au Cours Florent.

M.A : Le TFE sera présenté en français, comment avez-vous appréhendé les traductions ?

C.F. : Au début j’ai traduit tout le livret, et au fur et à mesure j’ai demandé à d’autres personnes d’apporter leur regard neuf sur les traductions. D’anciens élèves mais aussi les filles qui vont jouer dans le TFE ont aidé à nettoyer les versions de leurs chansons. J’ai reçu l’aide de Mallory Cheminet (qui a travaillé sur de nombreuses traductions pour les TFE précédents) et Alexandre Dupuis-Pasqualini pour les rimes, la construction des phrasés et des rythmiques. 

J.N. : Nous essayons aussi de garder les marqueurs d’humour du spectacle, mais on doit parfois changer totalement certains jeux de mots qui ne fonctionnent pas du tout en français, ou bien trouver d’autres références historiques, car certaines peuvent être comprises par un public anglo-saxon mais pas par les Français qui ne sont pas aussi familiers avec l’histoire d’Henri VIII. Je me souviens que la traduction de “All I Wanna Do” a été particulièrement difficile ; outre la longueur de la chanson, il y a beaucoup de jeux de mots ou références qui sont destinées au spectateur anglais et qui ne font pas sens dans une traduction littérale, on a donc dû être imaginatif pour garder la trame et le sens général tout en adaptant la chanson.

M.A. : Pour ceux qui ont pu voir SIX à Londres par exemple, on se souvient des costumes qui sont assez incroyables ; quelle est votre approche sur ce point ?

C.F. : Pour les premières étapes du TFE (le teaser et le plateau) je ne voulais pas de costumes particuliers. La première fois les filles étaient entièrement vêtues de noir, je voulais mettre l’accent sur une forme de deuil. Pour la présentation de 15 minutes elles étaient au contraire tout en blanc, comme si elles vivaient une renaissance en s’exprimant de façon plus personnelle. 

Et pour le TFE en lui-même, je ne peux pas faire l’impasse sur les costumes ; donc oui, il y aura des paillettes, ça va briller ! Damien Mouveaux (qui jouait le roi George III dans le TFE Hamilton) s’occupe de la confection de la majorité des costumes. Il a fallu tout créer en intégralité, faire des recherches et ajouter des tissus. D’ailleurs la cagnotte en ligne (à retrouver ICI) nous aide notamment à financer les achats des matières et costumes. On espère pouvoir donner un effet “waouh” en septembre prochain. 

M.A. : Au niveau des chorégraphies, avez-vous une approche particulière compte-tenu du format du spectacle?

J.N. : SIX n’est pas vraiment une comédie musicale classique, il n’y a pas de troupes de danseurs, pas vraiment de numéros uniquement dansés ; tout repose sur les épaules et les voix des six reines. Pour leur donner plus de liberté de mouvement, elles n’auront pas de micro en main, je veux qu’elles puissent utiliser tout leur corps. Nous sommes plusieurs à nous répartir les tableaux chorégraphiques (avec Camélia et aussi Lilou Larre et Alexandre Dupuis-Pasqualini notamment). Le spectacle va être très “cardio” pour les filles, elles vont devoir enchaîner les tableaux tout en assurant vocalement, et elles n’auront pas beaucoup de sorties de scène. J’ai quand même l’ambition de leur créer des chorégraphies qui les mettent en valeur, même s’il n’y a pas d’ensemble derrière elles. On va travailler sur les lignes de corps avec les bras, comme pour les grands concerts. Nous allons leur demander équilibre et précision, c’est un challenge très motivant.

M.A. : Pouvez-vous nous partager une anecdote concernant la création ou les difficultés rencontrées pour votre TFE ?

C.F. : Créer son TFE c’est se confronter à une quantité inimaginable de défis à relever et de décisions à prendre, mais aussi à toute l’organisation et la gestion d’un spectacle, bien au-delà de ce qui se passe sur scène. On passe par la gestion et la coordination des agendas de chacun, l’organisation de la résidence, trouver des ressources, gérer la communication, la collecte de dons, superviser les régies son et lumière… Il y a un gros travail en amont que le public n’imagine pas forcément. Cette année, pour des raisons d’agenda notamment, nous avons opté pour une double résidence avec le TFE Mary Poppins, parce qu’on a beaucoup de comédiens sur les deux projets. On va alterner pour que chacun puisse s’investir, la résidence c’est le moment où on donne vraiment vie au spectacle. 

J.N. : Récupérer les musiques et les bandes-sons est aussi une des difficultés pour présenter le TFE. Avec mes notions en musique, je me suis attaqué à la retranscription des partitions et des harmonies, ou au moins de ce que je percevais à l’écoute, là aussi c’est un travail assez long (surtout quand on n’est pas professionnels). Les chansons sont très riches, avec cette association médiévale/pop-urbaine caractéristique. J’essaie de saisir les nuances vocales et musicales de chaque personnage, pour pouvoir les travailler pendant la résidence. Une des plus dures est certainement “Heart of Stone”, c’était primordial de noter les nuances, c’est la chanson la plus challengeante pour moi. Le mashup final va aussi être très intense, il faudra tenir le rythme après plus d’une heure de spectacle. 

C.F. : Pour l’anecdote, je n’arrivais pas à trouver le thème du monologue d’Anne de Clèves ; c’est Blanche Faivre qui nous a composé le morceau au piano, à l’oreille, c’est donc son enregistrement qu’on aura lors de la présentation du TFE. Plus généralement, j’ai mobilisé toutes les personnes que je connaissais pour trouver un maximum de matériel et de versions instrumentales. 

M.A. : Pour finir, que peut-on vous souhaiter ensuite ?

C.F. : Au départ, SIX était un projet de fin d’études, quelque chose qui nous ressemble. J’espère pouvoir porter ce TFE en France au-delà du Cours Florent. Avec tout le travail accompli et l’énergie qu’on a mis dedans, je n’ai pas envie d’abandonner ce projet dans quelques mois, j’aimerais que le spectacle puisse être produit en France, ou même qu’il dépasse nos frontières. SIX porte un message fort et aussi un style différent de comédie musicale que le public français pourrait découvrir. 

SIX, le TFE
Image de Fabrice Felez

Fabrice Felez

Après une enfance où mes loisirs sont centrés autour de la musique et de la danse, c’est tout naturellement que la comédie musicale se présente à moi. En parallèle de mes études de droit, je m’initie aux spectacles, tant modernes que plus traditionnels, qui font naître en moi une véritable passion. Cet élan me pousse à intégrer l’équipe de Musical Avenue pour partager mes découvertes et vous donner envie d’apprécier les trésors de la scène parisienne et française.
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