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Musical Avenue : Avec Les Aventures de Tom Sawyer, vous avez remporté trois Trophées de la Comédie Musicale (dont celui du Spectacle Jeune Public) lors de la dernière édition. Comment avez-vous réagi ?
Ludovic-Alexandre Vidal : Nous étions hyper émus, avec notamment le Trophée du Public. Si on imagine que les votants sont plutôt des initiés à la comédie musicale, c’est une véritable reconnaissance.
Julien Salvia : Même avec l’étiquette « jeune public », la partition a été reconnue comme véritable partition de comédie musicale (le spectacle a remporté le Trophée de la Meilleure Partition ndlr). C’est toujours bon pour le « CV » d’un spectacle d’obtenir des prix. Nous avons toujours dans l’idée de vendre nos spectacles à l’étranger. C’est d’ailleurs la prochaine étape que nous souhaitons aborder avec Double D (société de production des Aventures de Tom Sawyer ndlr).
L.-A.V. (montrant le programme) : Regardez, les Trophées sont mentionnés dans le programme de Selladoor (société de production du showcase de A Foreign Field ndlr). Vous pourrez dire qu’en Angleterre, les gens connaissent maintenant Les Trophées de la Comédie Musicale (rires).
J.S. : Sur le nouveau site Internet de Tom Sawyer, les Trophées remportés sont mis en avant, car nous sommes fiers de cette reconnaissance qui valorise le spectacle.
Vous avez essentiellement travaillé sur des spectacles dits « jeune public ». Comment expliquez-vous ce positionnement ?
J.S. : L’existence même de cette classification est une singularité française. A Broadway, le musical Bob l’éponge a été nommé aux Tony Awards dans la catégorie Meilleur Musical. C’est dommage de définir un spectacle en se basant sur l’horaire de programmation, et pas par rapport à son contenu.
L.-A.V. : La saison dernière, La Famille Addams était programmé en soirée. Pour la reprise, il leur est arrivé de jouer à 15h…
J.S. : On aime faire des spectacles destinés au grand public, à toute la famille. Je ne connais pas beaucoup de spectacles qui sont destinés exclusivement au jeune public…
Il y en a, comme Petit Ours Brun, ou Le Royaume des chansons, qui sont exclusivement destinés à des enfants de moins de 6 ans…
J.S. : C’est vrai, mais c’est différent de ce que j’appellerais du spectacle familial.
L.-A.V. : Je vais plus loin : un spectacle comme Sister Act est familial. Encore plus évident : dans quelle catégorie classe-t-on La Belle et la Bête à Mogador ? Et si un jour Mary Poppins est monté en France ?
J.S. : Au final, tous sont des musicals. J’ai échangé avec un Anglais sur Tom Sawyer. Il m’a demandé « C’est quoi un spectacle jeune public ? ». J’ai répondu « C’est une comédie musicale, pour tous publics ». Il a conclu « Oh it’s a musical, then » (en français « Ah c’est un musical, donc » ndlr). Dans la tradition anglaise, la question ne se pose pas.
L.-A.V. : Si on prends le cas de Tom Sawyer, je ne le classerais pas comme un spectacle jeune public, mais plutôt comme spectacle familial.
Dans la classification de Tom Sawyer, est-ce que vous n’êtes pas victimes d’une étiquette qu’on a pu vous donner avec vos spectacles précédents ?
J.S. : Peut-être. En même temps, nous sommes très fiers de faire du spectacle familial. Je suis très heureux quand une famille vient et partage quelque chose.
L.-A.V. : Quand Annie ou Matilda sont montés en Angleterre, il s’agit de spectacles familiaux produits avec un même niveau d’exigence que n’importe quel autre musical. En France, la classification se retrouve dans la cérémonie des Molières : Tom Sawyer est éligible, mais si nous avons le bonheur d’être nommés, il nous faudra choisir entre les catégories « spectacle musical » et « jeune public ». Pour nous, il n’y a pas forcément de séparation, notre objectif est de raconter des histoires qui peuvent parler à tout le monde.
J.S. : J’aime comparer la comédie musicale avec un parc d’attractions. Tu vis des émotions avec ta famille, entre amis, entre amoureux, dans le partage.
L.-A.V. : Dans les grands films des années 1980, les Goonies, les Gremlins, E.T. … Personne ne se pose la question, et on les regarde avec le même plaisir à 75 ans qu’à 10 ans.
N’auriez-vous pas envie d’aborder d’autres formats, sur des sujets plus sérieux, voir sur d’autres formats plus intimistes ?
J.S. : Ce serait génial d’avoir l’opportunité d’aborder d’autres thèmes, mais pas pour nous éloigner de notre philosophie. Nous aimons raconter des histoires, et il y en a de plus sombres que d’autres.
L.-A.V. : A Foreign Field est plus sombre, mais on y retrouve le dénominateur commun de tous les enjeux d’une relation dans une famille. Nous abordons ce sujet dans tous nos spectacles. Nous avons toujours voulu faire réfléchir les gens en partant de l’émotion, et pas le contraire. Les discussions vont se déclencher parce qu’on est touchés, qu’on n’est pas ressortis indemnes du spectacle. Pour revenir sur la question, nous avons des plus petits formats en création, que ce soit en Angleterre ou en France, notamment un spectacle à deux personnes, qui s’appelle Deux.
La plupart des musicals produits de nos jours sont des adaptations d’œuvres existantes, ou construites à partir d’un matériau existant. Ne sait-on plus écrire de nouvelles histoires ?
L.-A.V. : On peut tout à fait monter des projets à partir d’une page blanche. Dear Evan Hansen en est un exemple récent. Nous concernant, Deux est une création pure. Cela dit, un titre connu présente sans doute des aspects rassurants sur le plan économique et marketing pour les producteurs.
J.S. : Je pense qu’il y a un côté marketing. Je pense que tu peux plus facilement te permettre de faire de la création pure quand ton nom est devenu une marque en lui-même.
L.-A.V. : Plus ton travail devient une marque, plus tu peux te permettre cela.
J.S. : Quand tu parles avec un producteur, sa première question plutôt légitime est souvent : « est-ce que c’est un titre » ? Ce n’est déjà pas facile de remplir les théâtres, alors le faire avec un projet qui n’est pas un titre… Je ne dis pas que c’est impossible. Il ne faut pas oublier qu’une comédie musicale implique des moyens très supérieurs à ceux du théâtre. C’est une logistique et un coût énorme. Si tu peux diminuer le risque, les producteurs sont preneurs. C’est sans doute plus facile sur un petit format.
En tant que créateurs, est-ce que ce contexte guide vos choix entre adaptation et création pure ?
L.-A.V. : La question que nous nous posons n’est pas « est-ce que c’est un titre ou pas » mais « est-ce que ça peut attirer des gens ». Si je compose ou j’écris, c’est pour toucher le public. Dans nos projets, cinq idées sont des créations pures, trois sont des créations à partir de faits réels à l’instar de Hamilton, en plus d’adaptations d’œuvres littéraires ou cinématographiques. Comme je l’expliquais, nous créons du théâtre tiré par l’émotion plus que par la réflexion. Je respecte le théâtre tiré par la réflexion, ce n’est juste pas celui que je fais naturellement. Si Edmond, d’Alexis Michalik, nous a beaucoup touchés, c’est parce que ça nous parle de manière très forte sur ce qu’est le processus créatif et d’écriture. Nous avons vécu beaucoup de situations similaires. Comme nous essayons de le faire, il crée un théâtre qui déclenche de l’émotion, pour amener à réfléchir.
J.S. : Je ne pense pas que les créateurs manquent d’idées. Il ne me semble pas que ce soit plus simple d’adapter, sauf à faire du « scène à scène ». Quand on travaille sur une adaptation, la question qui se pose et qui est celle du producteur est la valeur ajoutée qu’elle constitue d’un point de vue artistique.
On aurait pourtant tendance à penser qu’il est plus simple d’adapter des œuvres existantes…
L.-A.V. : L’adaptation apporte des contraintes, parce que l’oeuvre est dans l’inconscient collectif des gens.
J.S. : Raiponce nous a pris énormément de temps. C’est l’histoire d’une jeune fille qui habite seule dans une tour. Comme Disney l’a fait par la suite avec son film, nous avons eu l’idée de la faire sortir. En même temps, c’est assez logique de ne pas la laisser dans la tour tout le long, que ce soit d’un point de vue théâtral ou cinématographique. Malgré tout, il faut garder les impondérables de l’histoire ou du conte original, pour que les spectateurs s’y retrouvent. Sur La Petite Fille aux Allumettes, Anthony (Michineau, auteur du livret, ndlr) nous a dit qu’il fallait partir du même postulat que Le Labyrinthe de Pan qui est lui-même une adaptation du conte d’Andersen. L’idée forte que nous avons retenue est que l’histoire doit se passer à l’intérieur de sa tête.
L.-A.V. : Ce n’était pas simple, car le conte original tient sur deux pages et demi… Dans notre proposition, on flirte entre le réel et le fantastique. D’ailleurs, on conseille de le voir une deuxième fois car la lecture est totalement différente. Sur Tom Sawyer, ce qui était excitant, c’était de créer une histoire unique en s’appuyant sur les différentes aventures racontées par Mark Twain. Il y a un aspect très créatif, même dans une adaptation.
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