Rencontre : Samantha Hildebrand, une vie au service de la comédie musicale

Temps de lecture approx. 8 min.

Que serait une comédie musicale sans toutes ces personnes qui travaillent dans l’ombre ? Un spectacle est une grande équipe comprenant autant les artistes sur scène que tous ceux qui travaillent en coulisses. Musical Avenue a décidé de partir à leur rencontre et d’en apprendre plus sur leur métier. Nous rencontrons aujourd’hui Samantha Hildebrand, régisseuse plateau.

Musical Avenue : Samantha, pourrais-tu te présenter en quelques mots, quel est ton parcours ?

Samantha Hildebrand : J’ai grandi dans une famille qui a un rapport fort avec le monde du spectacle. Mes parents étaient danseurs, mon père créé maintenant des effets spéciaux pour le théâtre et le cinéma. Mon oncle était régisseur technique pour la ville de Nantes, j’allais avec lui quand j’étais petite le regarder gérer le tir des feux d’artifice, j’avais une fascination de le voir faire le décompte : 3, 2, 1 et là les lumières de la ville se coupent, le feu démarre. J’ai fait une licence en médiation culturelle et scientifique à Paris 8 où j’ai découvert tout l’aspect logistique/régie de l’organisation et de la gestion d’un évènement. Je ne trouvais pas vraiment mon compte dans la communication et à l’issue de ces études j’ai suivi une formation de deux ans de régisseur plateau au CFA du CFPTS de Bagnolet (NDLR : Centre National de Formation Professionnelle aux Techniques du Spectacle). J’ai réalisé mon alternance à Disneyland Paris où j’ai pu acquérir les compétences d’exploitation d’un spectacle et développer un réseau. À l’obtention de mon diplôme, je suis devenue intermittente ce qui me permet de travailler sur diverses productions.

Depuis maintenant 10 ans que j’exerce ce métier j’ai pu travailler sur des spectacles comme les Schtroumpfs – le Spectacle Musical ; différents spectacles à Disneyland Paris, Grease – Le Musical au théâtre Mogador, Le Monde de Jalèya de Cirque de Paname, Le Roi Lion au Théâtre Mogador ou encore Starmania à la Seine Musicale et en tournée.

Pourquoi t’être dirigée vers le milieu de la comédie musicale plutôt qu’un autre type de spectacle ?

S.H. : Je viens d’une famille d’artistes avec un père Américain qui m’a dès mon plus jeune âge inculqué la culture américaine. Par exemple j’aimais énormément Michael Jackson quand j’étais petite, son univers très théâtralisé m’a toujours fascinée. Je regardais aussi le film Grease avec ma cousine assez régulièrement, la cassette était même usée à force. Mais la révélation a pour moi été la première comédie musicale que j’ai vue quand j’avais 10 ans qui est Les Dix Commandements. Ça m’a touchée en plein cœur et c’est là que j’ai compris que c’était ce que je devais faire.

Quel est ton rôle sur un spectacle ?

S.H. : Hors représentation, mon rôle est de monter et démonter les décors et les éléments de machinerie ainsi que d’assurer leur entretien et leur maintenance. Pendant une représentation, je bouge ou fais bouger les éléments de machinerie et les décors. Un élément de machinerie peut-être une tournette (plateforme sur scène qui tourne), un tampon (système d’ascenseur qui permet de faire des apparitions), une porteuse (une perche qui permet de monter et descendre des décors accrochés dessus).

Quelles sont justement les différentes façons de faire bouger un décor et laquelle a ta préférence ?

S.H. : On peut le bouger à la main en étant caché sur le plateau derrière ou à l’intérieur du décor. Pour certains décors trop lourds, on peut avoir des moteurs à l’intérieur de ceux-ci que l’on pilote avec une télécommande un peu comme une voiture téléguidée. Des décors peuvent également être accrochés à une porteuse, nous bougeons la porteuse qui elle bouge le décor. La dernière façon est d’avoir des décors sur rail qui sont pilotés par une console. Je dirais que je préfère la façon manuelle de bouger un décor, on a un lien direct avec celui-ci et avec ce qu’on fait. Mais ce n’est pas toujours simple, certains ne sont pas très maniables.

Quelles sont pour toi les qualités essentielles pour être machiniste ?

S.H. : Pour moi, il faut de la rigueur, car il y a toute une vie en coulisses. Il faut être rigoureux et alerte de tout ce qui se fait et se dit pour éviter tout accident quand nous faisons des mouvements de décors. L’esprit d’équipe est également important car nous ne travaillons jamais seul et il faut pouvoir s’entraider dans l’équipe machinerie mais également avec les autres départements (artistes, lumière, son, accessoiriste…), un spectacle ne peut se faire que grâce à une équipe. Une autre qualité essentielle est l’adaptabilité, les spectacles ne sont jamais les mêmes et ne se passent jamais de la même manière, il se passe toujours des imprévus. Si on ne sait pas réagir et s’adapter rapidement, on peut mettre en péril le bon déroulement du spectacle et/ou la sécurité des gens. Il m’est déjà arrivé de travailler sur un spectacle ou les éléments de machinerie étaient contrôlés par deux consoles, chaque console pilotant des mouvements spécifiques dans la conduite machinerie. Une des consoles est tombée en panne en plein numéro et j’ai dû piloter tous les mouvements avec une seule console jusqu’à la fin du spectacle. Sans réactivité et adaptabilité de chacun des machinistes, le spectacle aurait dû être interrompu.

Qu’est-ce que tu aimes dans ton métier ?

S.H. : L’univers même du spectacle ; les créations, les rencontres, les challenges. C’est un milieu en perpétuel mouvement. Et puis l’essence même du spectacle est de réussir à créer des réactions auprès du public. Même si ce n’est pas nous qui sommes visibles sur scène, les applaudissements et les cris du public nous nourrissent également. Nos métiers contribuent à donner de la magie et du rêve aux gens et les sourires sont gratifiants.

Quel est ton plus beau souvenir professionnel ?

S.H. : Un de mes plus beaux souvenirs était sur le montage de la première saison de la reprise du Roi Lion au théâtre Mogador. En répétition, il était compliqué de sortir le tableau final tellement il y avait de changements très rapides de costumes et de changements de décor. La première fois que tous les artistes sont rentrés sur scène dans les temps, j’ai ressenti un vrai soulagement et une réelle fierté de voir le travail effectué par chaque département.

As-tu une anecdote à nous partager ?

S.H. : Sur Grease – le Musical, nous avions repeint le plateau et l’un des marquages au sol – pour le bon positionnement des décors – est passé à la trappe. Nous nous sommes rendu compte pendant le spectacle que c’était un marquage très important d’une voiture que les danseurs devaient positionner au centimètre près car elle était sur une tournette. Nous nous sommes donc retrouvés à enfiler la tenue des danseurs et à pousser avec eux la voiture sur scène complètement visible du public, ce qui n’est pas dans nos habitudes. Nous avons beaucoup rigolé après ce moment car certains machinistes se sont vraiment pris au jeu et n’ont pas hésité à interpréter le rôle d’un mécano.

Quel a été ton plus gros défi dans ta carrière ?

S.H. : Chaque création de spectacle est un nouveau challenge, les demandes et les défis sont à chaque fois différents et complexes et il faut coller au plus près des désidératas de la mise en scène et de la scénographie. Le défi est aussi personnel, car le doute est un sentiment qui nous accompagne et il faut réussir à surpasser ce sentiment et se faire confiance. Avec les années, je sais ce que je fais et je sais où je vais, ce que je dis fait sens. C’est pour moi le plus gros défi dans mon métier.

Que ressens-tu avant le début d’un spectacle ?

S.H. : Je ressens souvent de l’adrénaline qui est nécessaire. Au début de ma carrière, c’était plus compliqué, j’étais souvent stressée. Mais avec le temps on apprend à gérer ses émotions et ne garder que l’adrénaline nécessaire pour que le cerveau reste concentré et réactif à tout moment.

Quel conseil pourrais-tu donner aux lecteurs qui voudraient suivre la même voie que toi ?

S.H. : D’être curieux, manuel et de ne pas craindre de se lancer. C’est un métier qui s’apprend beaucoup sur le terrain, mais de plus en plus de formations très intéressantes existent, il ne faut pas hésiter à les suivre. Il faut pouvoir développer un réseau et apprendre des uns et des autres, y compris d’autres départements que la machinerie pour acquérir de nouvelles compétences pour pouvoir avancer. Il faut également avoir conscience que c’est un métier physique, même si aujourd’hui la technologie nous aide de plus en plus, les décors restent souvent lourds. Il y a aussi la face cachée, les montages et démontages, qui peuvent être compliqués et parfois éprouvants. Mais venez, c’est un très beau métier extrêmement enrichissant.

La carte blanche, souhaites-tu rajouter quelque chose ?

S.H. : Mon métier est l’un des plus beaux, c’est pour moi un métier passion. Mais il demande en contrepartie beaucoup de sacrifices. Des sacrifices sur la vie personnelle, sur la vie de famille, sur les relations amicales. Les tournées sont compliquées et éprouvantes, on perd tous nos repères. Il faut savoir s’entourer des bonnes personnes pour tenir. Mais on continue ce métier parce qu’on y trouve notre compte et qu’on l’aime. Les moments difficiles sont largement compensés par les moments de vie incroyables, les amitiés que l’on créées, les liens très forts qui se tissent et les réactions du public. J’aime à dire que j’ai rencontré des personnes qui sont pour moi des pépites qui ont pris une place importante dans ma vie. Je ne me verrais jamais rien faire d’autre que du spectacle.
Image de Maximilien Vandeville

Maximilien Vandeville

Passionné de musique et de spectacles depuis ma plus tendre enfance, j’en ai aujourd’hui fait mon métier. Je suis régisseur de spectacles à Disneyland Paris où j’ai la chance d’être au contact d’une scène tous les jours. J’ai eu la révélation du musical plus tardivement devant Billy Elliot au West End. Ma vie a changé ce jour-là, devenant un fervent adepte de cet art. C’est tout naturellement que j’ai rejoint Musical Avenue pour partager mes découvertes et échanger avec des passionnés.
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